Mercredi 12 mai 1976

Bagnolet (93)
du 6 au 28 janvier 2006
1h30 environ

Mercredi 12 mai 1976

Le mercredi 12 mai 1976 à Glasgow, Saint-Étienne perdait la finale de la coupe d’Europe de football face au Bayern de Munich. Cette date et cette équipe mythique qu’était Saint-Étienne à cette période restent gravées dans notre mémoire collective, amateur ou non de football. Les souvenirs et témoignages de ceux qui depuis des années se retrouvent dans les tribunes pour partager leur ferveur pour les Verts ont inspiré ce spectacle.

La défaite des Stéphanois
Pourquoi St Etienne ?

Le travail

Préméditation
Glanage
Rumination

Ecriture
Création

Le mercredi 12 mai 1976 à 21h15 était donné le coup d’envoi de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions opposant l’A.S. Saint-Étienne au Bayern de Munich. Le match se concluait par une défaite des Verts…

Curieusement, le souvenir de cette défaite semble plus prégnant que bien des victoires postérieures d’autres équipes de football. Encore aujourd’hui, l’équipe de Saint-Étienne conserve une cote d’amour totalement déconnectée de ses résultats sur le terrain. Pourquoi ?

Nous nous sommes rendus à Saint-Etienne afin de tenter de percer ce mystère. Quarante deux stéphanois de naissance ou d’adoption s’assirent face à nous dans le studio d’enregistrement installé dans le hall de la comédie de Saint-Etienne. Mercredi 12 mai 1976 est le spectacle écrit à partir des souvenirs ainsi collectés.

Par La Revue Éclair.

« Ce qu’il préfère donc, c’est attendre. Arriver très tôt. Observer les nuages, l’état de la pelouse et les visages. Être là. Dans son corps. En quelque sorte faisant le guet. Attendre ! Du vent plein les bras. Les yeux fixés sur le tableau lumineux. Au milieu des cris. Des hurlements. Analysant les soubresauts. Prêt à pleurer. À rire. Donnant pour les joueurs sa vie contradictoire. » Franck Venaille, La tentation de la sainteté

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« Blokhine a levé les yeux. Il savait qu’il allait marquer et tout le monde savait qu’il le savait. Alors, il a voulu s’offrir un triomphe… » Jean-Noël Blanc, Un petit peu d’air dans un peu de cuir

On peut trouver beaucoup de raisons à l’attachement personnel qui nous lie aux Verts et à Saint-Étienne : c’est dans une certaine mesure le sujet même du spectacle, qui ne se révélera qu’à la toute fin du processus d’écriture en cours et des représentations à venir. Cependant, concernant cette alchimie qui au milieu des années 70 a réuni la France à cette équipe de foot-là, nous possédions avant de commencer notre travail certaines explications sociales et politiques.

D’abord l’équipe elle-même. Elle était constituée de joueurs dont chacun avait pu suivre l’évolution au cours des saisons précédentes. Il y avait un air de famille avec les frères Revelli, des noms bien français comme Bathenay, des joueurs étrangers comme l’argentin Oswaldo Piazza, des hommes plus âgés avec Curkovic (le gardien), et la fougue de « l’ange vert », Dominique Rocheteau. Ce dernier, comme beaucoup de jeunes des années 70 portait des cheveux longs. Chacun pouvait s’identifier à l’un ou l’autre de ces joueurs, et rêver sur la vie de ces hommes, en collant leur portrait sur les albums Panini achetés à la maison de la presse.

Au-delà, on sentait une ville, Saint-Étienne, non pas un lieu de villégiature ou de tourisme, mais une ville minière, une ville de travailleurs, une ville d’immigrés. Le 12 mai 1976, on s’identifiait d’autant plus à cette équipe cosmopolite, fougueuse, qu’elle affrontait un adversaire caricatural, massif, efficace, purement national, qui rassemblait dans son équipe toutes les caractéristiques de l’ennemi héréditaire allemand. Au reste, le maillot vert orné du logo « Manu France », cachait une autre identification, celle à la France manuelle, ouvrière, la France qui perd. Manu France, dont le catalogue était présent dans chaque ferme de la douce France, devait fermer ses portes quelques années plus tard. L’exploitation des mines de charbon qui entouraient le Chaudron, (le stade Geoffroy-Guichard) sera progressivement abandonnée. On peut dire que la geste de l’équipe de Saint-Étienne a été le chant du cygne d’une France ouvrière exploitée, méprisée, et qui par cette équipe mythique proclamait son identité et sa fierté.

Cela n’est pas rien, et semble bien plus sensible que la douce nostalgie mélancolique qui nous étreint tous quand il s’agit de notre enfance. Le 12 mai 1976, un monde se séparait de nous, et chacun sentit les ébranlements que cette fracture impliquerait.

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« La modestie, si elle est jointe au mérite et au travail assure les succès durables. » Geoffroy Guichard

Depuis plusieurs années nous avons été amenés à travailler sur des mémoires collectives : avec Des voix dans la maison d’Orient d’abord, avec Nous avons fait un bon voyage, mais ensuite. Le premier de ces spectacles était une déambulation dans la mémoire d’exilés venus du Proche-Orient pour s’installer en France. Nous avions commencé notre travail par une enquête où nous avions demandé aux exilés de dresser la liste des objets qu’ils avaient apportés de leur pays, puis nous leur demandions de nous parler de ces objets. Dans le second spectacle, nous nous sommes intéressés à un ensemble de 354 cartes postales achetées dans un Emmaüs, écrites par les membres de la même famille.

Le point commun à ces deux spectacles est le soin que nous avons voulu porter au détail, à l’insignifiant, au négligé, à l’oublié. Cette attention au minuscule nous permet ensuite de passer à la parabole où chaque spectateur peut potentiellement trouver son compte, en nous gardant de l’hyperbole où le lieu de mémoire se transforme en lieu commun.

Le travail que nous avons mis en place en collaboration avec La Comédie de Saint-Étienne et « Les Transurbaines » comporte les étapes suivantes :
1 : préméditation,
2 : glanage,
3 : rumination,
4 : écriture,
5 : création.

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« Une deux-chevaux verte passe. » George Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

La préméditation se fait à deux, sur place. Nous nous renseignons sur notre sujet, nous prenons les contacts avec des associations ou des personnes pouvant servir de relais pour notre enquête.

Nous avons donc réalisé au cours de l’automne 2004 plusieurs courts séjours à Saint-Étienne qui nous ont permis de rencontrer des élus, des cadres de l’ASSE (Association Sportive de Saint-Étienne), des dirigeants des clubs de supporters, et diverses personnalités locales. Nous avons senti d’emblée combien le sujet était sensible pour nos interlocuteurs. Si Saint-Étienne est une ville qui a beaucoup souffert économiquement ces dernières années, son club de football a connu aussi de nombreuses vicissitudes : scandales financiers (affaire de la caisse noire, affaire des faux passeports), dégringolades en seconde division et remontées, successions de dirigeants. Ainsi donc, le club ne possède plus la majeure partie de ses trophées ni de ses archives, pillées lors des départs de certains dirigeants. L’ASSE n’a remporté aucune compétition majeure depuis vingt-cinq ans. Et pourtant, le mythe demeure. Trente mille spectateurs en moyenne viennent assister aux matches des Verts. Sur les parkings du stade Geoffroy-Guichard, on relève aujourd’hui des plaques minéralogiques de plus de quarante départements différents. La ferveur qui entoure cette équipe prend des formes qui étonnent jusqu’aux dirigeants du club, tant elle apparaît sans comparaison avec les us et coutumes contemporains : par exemple les supporters envoient des chèques en blanc pour régler les places achetées par correspondance. Un supporter nous confia avoir habité Paris toute sa vie en caressant le rêve suivant : « Un jour j’habiterai Saint-Étienne et j’aurai une plaque 42 ». Mis en pré-retraire un lundi, il descendit en voiture le vendredi pour Saint-Étienne, et le lundi suivant, il faisait poser sa plaque 42 chez Norauto. Le directeur de la communication de l’ASSE nous raconta comment, le lendemain de la redescente de Saint-Étienne en Ligue 2, un homme entra dans son bureau. Il pleurait en montrant son torse couvert de tatouages à la gloire des Verts. Il disait ne plus oser se déshabiller sur la plage car les gens se moquaient de lui quand le club était en seconde division. Le chef du Protocole de la ville de Saint-Étienne reçoit régulièrement des demandes afin que soient dispersées les cendres d’un défunt sur la pelouse du stade.

A l’issue de cette étape de travail, il nous apparaissait clairement que ceux que nous souhaitions rencontrer étaient ceux-là qui se pressent sur les gradins. Le 12 mai 1976 serait notre entrée en matière, mais l’attachement charnel à ce club tel qu’il peut se traduire encore aujourd’hui était ce qui nous intriguait le plus.

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« Mais ma passion perdure. Je lui parle et « tient auberge avec elle ». Nous cheminons ensemble vers ce lieu du dedans, là-bas, le stade, là-bas, regardez, déjà les lumières des pylônes s’allument. » Franck Venaille, Mystique

Pour être exploitable, l’enquête devait être précisément circonscrite dans le temps et dans l’espace.

Ainsi donc, fin décembre 2004, le service de la communication de la Comédie de Saint-Étienne faisait paraître dans la presse locale un communiqué appelant à venir apporter son témoignage concernant le 12 mai 1976 au théâtre. Nous avions installé dans le hall du théâtre une scénographie légère semblable à un petit studio radio, où nous pouvions commodément recevoir et enregistrer les témoignages. Il nous semblait important que les témoignages fussent publics, que le son en fût enregistré, et que ceux qui voulaient témoigner le fissent volontairement, en prenant rendez-vous et en se rendant physiquement sur notre propre lieu de travail qui est le théâtre. Dans une certaine mesure, le spectacle commençait pour nous dans ce hall, avec cet apparat-là.

Nous avions décidé de consacrer une heure trente à chaque entretien, dont l’essentiel (une heure) était enregistré sur DAT. Il avait été demandé à chaque témoin d’apporter avec lui un objet vert : à l’issue de l’entretien nous lui proposions de poser une minute, son objet vert à la main, face à notre caméra vidéo.

Nous enregistrâmes quarante deux entretiens d’une heure chacun environ. Hommes, femmes, supporters ou simples amateurs, voire ennemis du football, nos interlocuteurs venaient des horizons sociaux les plus divers : ouvriers, cadres, notables, commerçants, étudiants, artistes, lycéens. Le plus jeune avait quatorze ans, le plus âgé plus de quatre-vingts ans.

Chaque entretien commençait par la question rituelle « Que faisiez-vous le 12 mai 1976 ? » : « … J’ai regardé le match chez moi avec mes parents, et je me souviens de tout le chagrin que j’ai eu. De mon enfance, avec la disparition de mon grand-père que j’aimais beaucoup, c’est mon plus gros chagrin. Je me vois pleurer, j’ai cette image, je me vois pleurer dans mon lit, pleurer à torrent, ne pas pouvoir m’arrêter, dire « c’est injuste »… J’avais 11 ans.

J’ai un père qui est très sévère et très ours, et pour moi le football, c’est comment séduire mon père : en allant au match. Mon père a deux filles - j’ai une sœur aînée qui a deux ans de plus que moi - et il n’a pas eu de garçon : quand je suis née, c’était la catastrophe. Il a emmené ma sœur aînée au football, mais elle c’est une aversion totale. Mon père allait à chaque match. C’était quelqu’un qui au match ne bronchait pas : pas une exclamation, rien. Mes parents étaient derrière moi et moi j’étais devant et j’étais toujours debout, et à chaque fois mon père me tirait ma veste pour que je m’assoie. Et ce mach du 12 mai a été comme les autres, mon père était dans son fauteuil et n’a absolument pas bronché, et dès que moi ou Maman parlions ou criions, c’était : « chut ». »

Ensuite, nous passions à des questions plus intimes : raconter leur premier match à Geoffroy-Guichard :
« Mon père était gardien de but. Le premier match qu’il m’a emmené voir, c’était en 95. J’avais 8 ans. C’était contre Lyon. Je me rappelle d’un retourné acrobatique de Jean-Philippe Sechet, en pleine lucarne. Mon père m’avait soulevé en l’air, j’ai eu la sensation que le toit de la tribune, j’allais l’attraper... »
Décrire leurs vêtements dans le stade : « … En 1976, tout le monde était habillé en vert, même les chiens avaient leur petit nœud vert. Et beaucoup de personnes commandaient leur voiture de couleur verte, il y avait beaucoup de voitures vertes dans les rues de Saint-Étienne. C’était les années 70, il y avait même des filles toutes nues peintes en vert… » Parfois, tout simplement nous les laissions parler sans poser de question.

Nous finissions toujours par leur demander : « Pourquoi le maillot de l’équipe de Saint-Étienne est-il vert ? » et « Que signifie le vert pour vous ? ».
Notre principale surprise a été l’intensité de ces entretiens, et l’extrême émotion qui en émane. Plus d’une fois, nous nous retrouvions sans savoir pourquoi, la gorge serrée par la charge émotive et la simplicité avec laquelle ces gens mettaient leurs sentiments en jeu devant nous :
« Quand je passe sur l’autoroute, je regarde le stade. C’est le stade des Verts. Je le connais par cœur. Geoffroy-Guichard. J’ai une partie de mon histoire ici. Si j’habitais ailleurs, ça me manquerait. Il y a des moments, moi, je m’arrête à Geoffroy-Guichard, devant Geoffroy-Guichard. Et je vais voir cette pelouse, c’est ouvert en semaine. C’est gratuit. Alors, je m’assois cinq minutes puis j’entends… le stade… c’est génial. Il vous appartient. C’est chouette. Ça me fait du bien. Je vous promets, il y a des gens qui viennent de l’extérieur pour visiter le stade. Moi à Paris, je ne vais pas visiter Le Parc des Princes, mais ici, les gens de passage il vont visiter le stade Geoffroy-Guichard. Il faut aller voir Geoffroy-Guichard. On le voit à la télé mais c’est pas la même chose. Il faut le voir vraiment. J’ai du vécu dedans. C’est ça le problème. C’est sûr que j’ai du vécu à Geoffroy-Guichard, je pourrais en parler pendant des heures. »

La confiance qu’ils nous apportaient nous bouleversait.

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« Nous avons une chose à apprendre des vaches : ruminer. » Friedrich Nietzsche

Nous dépouillons, examinons, classons, notons, transcrivons les éléments documentaires rapportés lors du glanage. Cette étape est indispensable afin de disposer d’une base exploitable pour l’écriture du spectacle. Elle s’est déroulée au cours du mois de février 2005.

Nous commençâmes par regarder les portraits-vidéo. A posteriori, il se confirmait que ces portraits devaient impérativement avoir été faits avec un objet vert. Durant cette longue minute de pause silencieuse, beaucoup d‘émotions différentes sensibles à l’image agitaient nos témoins. Mais l’objet vert leur donnait une nouvelle définition d’eux-mêmes à l’instar des divers attributs tenus par les saints sur leurs statues gravées sur les frontons des églises.

A l’écoute des témoignages, il nous apparaissait que la réalité décrite, le lien qui unissait ces personnes n’était pas tant social que religieux au sens étymologique du terme (qui relie les hommes). Tous exprimaient ce désir d’être ensemble, rassemblés dans le même lieu, sans a priori de classe, de travail, de race. Tous parlaient de passion pour l’équipe des Verts, comme on parle de la passion du Christ, avec ses instants d’exultation, mais aussi de désespoir et d’abandon. C’est une vraie ferveur, une mystique contemporaine qui se donnait là, à entendre.

Le football, nouvel opium du peuple, nous objectera-t-on, pourtant, nul aveuglement ne préside à cette passion. Même s’ils les condamnent ils savent tous bien où sont les enjeux de pouvoir et d’argent dans le football. Ils ne sont pas dupes et ont souvent exprimé la crainte d’être pris pour des imbéciles.

Notre travail de retranscription s’est organisé sur deux axes sécants : D’une part, chaque entretien est retranscrit de manière sélective afin de reconstituer un parcours de vie, ou un portrait de chacun au travers de ses points forts ou essentiels. (Le rapport à son père pour l’une, ou sa pratique du stade précisément décrite pour l’autre par exemple). D’autre part nous retranscrivons beaucoup plus exactement quant au rythme de la parole, de ses redites et de ses hésitations, certains thèmes qui nous sont apparus de façon récurrente au cours des entretiens. Nous avons regroupé ces textes dans des ensembles titrés « Reliques », « J’ai joué au football », « Ma place au stade », « Je vais voir le stade vide » etc.

Enfin, nous avons repéré certains sujets redondants, qui dans les enregistrements peuvent se prêter à une exploitation sonore : « Lyon, notre ennemi », « Mes joueurs préférés », « Pourquoi le maillot des joueurs est-il vert ? »

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« La béatitude ne consiste pas seulement à être près de Dieu, mais aussi à être égaux tous ensemble et bien serrés. Cette formule « parvis du ciel » est un essai de rendre encore plus compacte la consistance de cette masse d’âmes bienheureuses, réellement résorbées dans des « unités supérieures ». » Elias Canetti, Masse et puissance

L’écriture est la dernière étape de travail à deux. Des auditeurs extérieurs (membres de l’équipe artistique ou artistes proches) sont invités à entendre certaines de nos propositions. On peut alors le cas échéant tenter les premiers essais ensemble. Cette étape aura lieu en avril 2005. D’ores et déjà certaines intentions de travail laissent augurer de ce que sera cette écriture.

D’abord, il ne nous paraît pas possible de prendre une distance trop extrême avec les récits qui nous ont été confiés, d’abord parce que nous ne sommes pas exempts de cette ferveur qui agite les supporters, et ensuite, parce qu’en soi, certains récits possèdent un rythme, une dynamique, une architecture dont nous désirons nous emparer.

Cependant, si nous voulons rendre compte de la polyphonie qui préside à l’animation des tribunes, notre intention n’est en aucune façon de reconstituer le stade dans le théâtre. Aussi, le lieu évoqué est plutôt le stade vide, où chacun peut venir seul retrouver ses souvenirs. Si donc, ce lieu nu nous inspire, il indique aussi la forme du texte, monologues plus que dialogues, oratorio plus qu’opéra.

Pratiquement, il nous paraît important de donner à entendre dès le début du spectacle un texte permettant de savoir d’où viennent ces artistes qui ont produit ce spectacle et où et comment est né leur intérêt pour les Verts. Aussi, raconterons-nous notre propre 12 mai 1976.

Le récit de nos propres réactions à notre travail d’enquête rythmera ainsi le spectacle, car une fois entrés dans ce lieu de mémoire qu’est le 12 mai 76, ce sont nos propres souvenirs liés à cette période, ou au football, qui se sont ranimés. Et cette réanimation permanente de notre mémoire est certainement ce qui a guidé et entretenu notre passion pour ce sujet, et notre sympathie pour les témoins. Ces souvenirs s’incarneront par un monologue de l’auteur, auteur semi-imaginaire dont le texte constituera le fil rouge du spectacle.

Ce discours sera fragmenté par des extraits des entretiens réécrits sous plusieurs formes différentes :
- Les récurrences : ils s’agit de l’écriture de courtes séquences reprenant certains récits concernant des points précis des entretiens. Chacun décrit par exemple les objets (les reliques) qu’il a conservé de certains matches. On passe d’une voix à l’autre insensiblement. On a affaire à une polyphonie, qui peut être interprétée par un, deux, trois ou quatre interprètes.
- Les rencontres : ces monologues sont destinés à être confiés à un seul interprète. Ces récits, formés de matériaux composites sont attribués à un personnage qui remplit son rôle. Ce peut-être le monologue du Supporter venu de loin, le monologue du Traître, le monologue de la Stéphanoise indifférente, le monologue du Dirigeant dépassé par les évènements, ou encore le monologue de la Déesse de la Victoire (Nikké).
- Les portraits express : formes brèves, un quinzaine de lignes en moyenne, nous résumons la vie d’un de nos témoins en quelques points forts. L’écriture se fait contrairement aux deux formes évoquées plus haut, sans jamais regarder la transcription des entretiens, mais en se fiant aux seuls souvenirs conservés dans notre mémoire. Le cas échéant, ces formes brèves pourront se prêter à une exploitation musicale

Enfin il nous semble clair que la clef de voûte du spectacle se situe dans ces instants évoqués par nos témoins, où ils venaient se recueillir en semaine dans le stade vide, pour y évoquer les « fantômes bienveillants » qui peuplent Geoffroy-Guichard.

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« U, cycles, vibrements divins des merts virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix et rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ; »

Arthur Rimbaud, Voyelles

L’équipe artistique comprend quatre personnes qui toutes jouent sur scène. Outre les deux auteurs, Corine Miret et Stéphane Olry présents sur le plateau en temps que narrateurs, deux autres personnages participent à la mise-en-œuvre du spectacle : Hubertus Biermann n’a pas été uniquement engagé pour ses connaissances fortement étayées du football, du Bayern de Munich et de Gerhard Müller en particulier, ni pour ses origines allemandes, mais pour ses talents de musicien comme d’acteur. Il nous semblait en effet indispensable de disposer d’une voix susceptible de scander correctement les monologues que nous écrivons, mais aussi d’accompagner musicalement au violoncelle, à l’harmonica, à la percussion corporelle ces textes.

Quant à Mathias Poisson qui signe la scénographie, il nous apparaissait important que, comme pour notre spectacle La Chambre noire, il soit présent sur scène afin de déplacer, manipuler, mettre en scène les éléments qu’il aura élaboré, et puisse le cas échéant aussi apparaître à l’instar de Corine Miret pour des parties plus chorégraphiques.

Peu de choses peuvent être présentées aujourd’hui concernant la mise en scène proprement dite d’un spectacle encore en cours d’écriture. Quelques éléments peuvent cependant d’ores et déjà être posés.

- Le lieu de la représentation est grand, vide. A l’instar d’un terrain de football on apporte, et on en remporte tout ce qui y pénètre.
- Le son est très important : son des entretiens, son du stade, reprise en direct des voix et des musiques des interprètes. Cependant sa mise en œuvre est simple, quasi artisanale.
- Des mots, des slogans, des phrases apparaissent physiquement et sont manipulés sur le plateau, apportant rupture ou contrepoint à ce qui s’y dit.
- La vidéo intervient via les portraits des témoins portant leur objet vert.
- La lumière de base est soit naturelle, soit extrêmement crue : lumière de cinéma ou de flashes, blanche, très lumineuse.
Les répétitions et la création auront lieu en juin 2005, dans les locaux désaffectés de l’ancien journal de Saint-Étienne « La Loire Républicaine ».

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Spectacle terminé depuis le samedi 28 janvier 2006

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