Le racisme parisien au XVIIe siècle
Note du metteur en scène
Un limousin, Monsieur de Pourceaugnac, débarque à Paris pour y épouser Julie, une " vraie " parisienne qui lui est promise. L’amant de cette dernière, Eraste, aidé de Sbrigani, un valet voyou et de Nérine, une fieffée servante, va inventer stratagèmes sur stratagèmes afin de défaire le mariage et dégoûter le marié – qui s’en retournera chez lui, dans sa province profonde. Quatre comédiens vont endosser tous les rôles pour mener à bien l'extravagante machination de ce bizutage raciste.
Comédie dans la comédie, Monsieur de Pourceaugnac est une farce terrible sur l'Autre - celui dont on se moque parce qu'il n'est " pas de chez nous ", ne parle pas " comme tout le monde ", ne s'habille pas " comme il faut ". On ne lui en veut pas d'épouser Julie. On lui en veut de venir d'ailleurs, d'un ailleurs inconnu donc effrayant dont il faut rire pour réduire l'insupportable différence.
" Les comédies de Molière s’adaptent merveilleusement bien à notre époque ! J’ai choisi de monter cette comédie-ballet sur le mode grotesque et de la bouffonnerie " nous confie Isabelle Starkier. Alors on rit, on rit beaucoup au ballet incessant des comédiens qui dansent, chantent, endossent mille rôles (maîtres, valets, médecins, femmes…).
Mais le spectateur repart enrichi d’une réflexion suscitée par le texte : l’histoire de ce limousin, avec son accent prononcé, provincial exotique, n’est pas sans nous rappeler les notions d’identité, de la peur de l’autre et de la différence.
Représentations surtitrées en français pour les publics sourds et malentendants les jeudi 28 mai et dimanche 31 mai.
Cette comédie-ballet, souvent négligée alors qu'elle constitue la face comique du Misanthrope qui a connu un tout autre succès, est inclassable : au carrefour de la comédie et de la tragédie, du divertissement pur et du message, de la pièce et du " musicals ", et surtout au croisement des thèmes les plus forts des autres pièces de Molière. Ainsi, le délire hallucinatoire de la victime ressemble déjà à celui du Malade Imaginaire. Le désespoir sans fond d'un homme rejeté pour sa condition (ici, de provincial) rappelle un Georges Dandin.
Dans ce cauchemar tragi-comique, le divertissement musical souligne la cruauté absurde de la machination raciste. Les acteurs - en deus ex machina du complot - mènent la danse et le ballet des choeurs chantés et grinçants du cauchemar de Pourceaugnac...
Le décor est volontairement dépouillé car nous sommes dans un no man's land : celui de la grande ville où tout se passe dans un désert peuplé. Quelques sièges, des paravents permettent la transformation et le spectacle : tout est dans le jeu d'acteurs qui jouent à jouer cette farce délirante.
Isabelle Starkier
106, rue Brancion 75015 Paris