Mort d’un commis voyageur est l’histoire tragique d’un homme de la classe moyenne qui a soumis sa vie aux exigences de la société de consommation et qui, confronté à la brutalité pragmatique de la crise de l’économie du système capitaliste, comprend que son assurance vie fait de lui un homme qui a plus de valeur mort que vif. Chef d’œuvre écrit en 1949, Mort d'un commis voyageur a valu le prix Pulitzer et le Drama Critic’s Circle Award au grand écrivain américan Arthur Miller.
Après Qui a peur de Virginia Woolf ? d’Edward Albee, Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller est le second volet du cycle que Dominique Pitoiset souhaite consacrer au théâtre Nord Américain du XXe siècle.
Willy Loman est un représentant de commerce qui sillonne, avec dévouement, les routes de son pays depuis plusieurs décennies pour le compte de la Compagnie Wagner. Il a, comme beaucoup, cru aux idéaux du libéralisme sans voir venir le mal caché. Il a payé avec patience et honnêteté les traites de sa maison et élevé ses enfants comme il le pouvait en père trop souvent absent.
Et puis les temps et les hommes ont changé. Son employeur lui a signifié qu’il lui retirait son salaire fixe pour le remettre à la commission comme un débutant. Déprimé, Willy tombe de plus en plus fréquemment en proie à des hallucinations mettant en scène des événements du passé dans lesquels il se réfugie. Seule sa femme Linda le protège et tente de contenir l’inexorable chute.
Le théâtre d’Arthur Miller met en scène des hommes et des femmes ordinaires en souffrance victimes de la faillite du grand rêve américain de prospérité.
Mort d’un commis voyageur est l’histoire d’une série de mensonges organisés. À l’échelle d’une société, à l’échelle d’une famille et à l’échelle d’un individu. Mensonges gigognes, ils se répondent, se provoquent, s’entretiennent, et finissent par grignoter les liens, par créer les malentendus, les gouffres qui s’installent entre les êtres et surtout en chacun d’eux. La société, dans les images qu’elle propose, ment à Willy, Willy ment à sa famille, il se ment à lui-même, et, pour le protéger, ses fils et sa femme finissent par ne pas avoir d’autre recours que de lui mentir. Mort d’un commis voyageur, c’est l’histoire du moment où l’architecture de mensonges cesse de soutenir la vie d’une famille. Ce moment terrible où s’ouvrent, une à une, toutes les béances. C’est l’histoire d’un effondrement programmé, et le moment pour chacun des personnages de faire face à ce qu’il est, et non pas à ce qu’il aurait rêvé d’être.
Mariette Navarro
Miller monte le destin de Willy comme un long-métrage, et l’on croit d’abord à une ruse d’écriture visant à emprunter au cinéma sa liberté d’allure et l’efficacité de ses ellipses. Mais les effets proprement théâtraux d’un tel montage portent loin. Nous voyons Willy quitter le présent, y revenir, se replonger à nouveau à différentes époques où toutes les perspectives qui depuis se sont bouchées semblaient encore s’ouvrir comme autant de promesses ; nous voyons sa famille et ses proches jouer leur propre rôle dans son théâtre intérieur. La situation présente se double ainsi, détail par détail, d’un contrepoint personnel ou collectif qui contribue à l’expliquer ou à la critiquer ; et de loin en loin, d’autres silhouettes visibles ou non – celles d’un père admiré et tôt perdu, celle d’un grand frère parti au bout du monde – se tiennent sur la frontière mouvante entre donnée objective et mythe personnel. Ce n’est pas seulement le récit qui se libère ici du carcan de la stricte chronologie : c’est aussi, dans toutes ses nuances, le désordre mental du protagoniste qui trouve un équivalent scénique concret. À cet égard, la pièce fonctionne à la fois comme un documentaire impitoyablement factuel et comme un portrait, voire un autoportrait inconscient de Willy.
Daniel Loayza
« Il est très troublant de retrouver, en 2012, cette grande pièce du répertoire mondial du XXème siècle. Elle a toujours été puissante, mais sans doute à nos yeux jamais autant qu'aujourd'hui. (…) Le spectacle est très bien mené. L'adaptation, excellente, de Jean-Claude Grumberg a-t-elle été un peu aménagée ? Oui, sans aucune doute. Mais pour plus de densité. » Armelle Héliot
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux