Moi simple Antonin Artaud
Le spectacle
Les textes
La compagnie
« Ne vous laissez jamais mettre au cercueil. Si j’ai voulu raconter l’histoire de ma vie et la revivre ici même en actes et comme en faits pour quelques uns, ce n’est pas à cause de tout ce que ma vie peut contenir d’anormal, d’insolite, de déconcertant voire surtout d’exorbitant, comme un drame où l’on aurait demandé à un acteur plus que son compte, mais parce que je pense que d’autres que moi auront senti passer en eux la même bête, la même inassouvie et propulsive bête… »
Antonin Artaud est le propre sujet de ses écrits. Pas un sujet tourné sur lui-même, mais un homme qui s’expose, comme un martyr, pour porter le fardeau de l’humanité toute entière. Comme le théâtre, l’écriture de soi est pour lui un exorcisme qui permet de chasser tous les doubles et de se dire à la fin : « moi simple Antonin Artaud ».
Spectacle basé sur des textes d'Antonin Artaud.
Représenter un rite, manier des forces, faire de l’acteur un chaman. Deux femmes enfermées dans un théâtre tentent de porter la parole d’Artaud. Pas d’identification. Pas de personnages. Pas de psychologie. Elles ne racontent pas l’histoire d’Antonin Artaud mais épousent le « je » de l’auteur sous la forme d’un rituel : deux actrices, comme deux grandes forces qui s’incarnent, donnent à voir un théâtre de la cruauté, une fête sacrificielle ; « c’est qu’il y a des dieux dans le ciel, des dieux c’est à dire des forces qui ne demandent qu’à se précipiter ».
« Lo ketenor du
Bezu bubella
Or bubella
Topeltra »
Une écriture qui recherche la parole d’avant les mots. Une écriture qui offre aux actrices la possibilité d’inventer leur propre langue. Elles vont chercher leur cri, frappées dans leur chair par les mots d’Artaud. Sans la hurler, sans la décortiquer, sans engluer le sens, elles vont se débattre avec cette écriture qui fait voler en éclat les carcans.
Elles jouent, s’amusent avec Artaud, et font jaillir avec plaisir la violence anarchique de son humour. Toujours à deux doigts de se brûler, mais sans jamais se faire mal, elles se confrontent aux obsessions du poète : la paralysie du langage, la douleur, les envoûtements, l’enfermement, la mise à mort…
Sur la scène, quelques objets sont utilisés comme instruments du rite : une corde, un bol magique, un dictaphone, un œuf, des bâches en plastique, et une sorte d’aquarium en guise de cercueil.
Pas de décors. Le plateau n’est habillé que par les objets. Le rite est sauvage, pouilleux et drôle. Pas de coulisses, pas de rideau rouge. Un espace organisé autour des objets et qui prend appui sur le lieu même des représentations. Une écriture scénique qui se fait à même le sol.
Les textes son tirés du Pèse-Nerfs, de Artaud le Mômo, de Suppôts et Supplications et de Histoire vécue d’Artaud-Mômo. L’auteur y adopte toutes les postures : furieux bourreau déclencheur d’apocalypse, bouc émissaire interné à l’asile de Rodez, Mômo railleur renaissant de son aliénation… Son écriture traverse tous les discours ( mystique, philosophique, poétique, scatologique) pour mieux les rejeter successivement. Les actrices se les partagent et en jouent allègrement.
Le montage des textes est fait sans parcimonie mais avec discernement ; il ne raconte pas la vie d’Artaud mais suit inévitablement un ordre chronologique pour mieux suivre le parcours effréné du poète.
Traversée : action de traverser un espace quelconque d’un bout à l’autre, passer, pénétrer de part en part à travers un corps, un milieu interposé. Percer, transpercer. La traversée tente de mettre l’interprète au cœur de la création. Elle revendique une théâtralité totale et irréaliste.
157, rue Pelleport 75020 Paris