Conseillé à partir de 12 ans.
Ni couronne ni plaque n’est pas qu’un spectacle sur la mort. Ni couronne ni plaque est un spectacle sur la vie de celles et ceux qui côtoient la mort, chaque jour. Sur celles et ceux qui en ont fait leur activité, leur métier. Sur celles et ceux qui fascinent autant qu’ils et elles effraient.
Nourrie par un questionnement intime, cette pièce est le fruit d’une immersion au sein des pompes funèbres d’une ville en Lorraine. Les actrices et acteurs se partagent les paroles des employé.e.s de l’entreprise en cherchant à désacraliser le rapport à la mort et à en proposer une autre approche, avec humour. Noir.
Après plusieurs années à naviguer entre les arts plastiques et le théâtre, je décide de créer Ni couronne ni plaque, mon premier spectacle théâtral comme une suite logique de ma pratique plastique.
À l’origine, cette dernière consiste à mêler peinture et collages mais aussi à collectionner, trier, plastifier, résiner des insectes morts, des os, des crânes d’animaux, la faune et la flore en général. Plusieurs artistes plasticiens explorant leur rapport à la mort et à la disparition m’inspirent. Je cite entre autres Teresa Margolles, Andres Serrano, Louise Bourgeois et Sophie Calle. Ces problématiques sont très présentes dans mon travail. Je tente d’interroger mon rapport à la mort. Quel est-il ? Je replonge dans mon passé.
La première fois que j’ai vu un mort, c’était mon grand-père. J’avais cinq ans et demi. J’ai embrassé son front froid. Plus tard, j’ai enterré l’oiseau qui avait tapé dans le pare-brise, l’oiseau retrouvé ligoté à un arbre, plusieurs poissons rouges, les crabes qui s’étaient noyés dans la piscine, des gerbilles, ma chienne, ma chatte. Chaque décès était suivi d’un rituel.
Le 10 septembre 2012, ma grand-mère décède dans sa chambre d’hôpital suite à la maladie d’Alzheimer. Je suis bouleversée. Et en même temps, je suis extrêmement intriguée. J’observe sensiblement l’ensemble des démarches de ses funérailles. À mesure que mes émotions décuplent, ma curiosité face à la mort, à la conservation des cadavres et à la mise en scène des funérailles, grandit elle-aussi. Le temps passe.
Et un jour d’automne 2017, je regarde un documentaire sur les croquemorts. C’est la révélation qui pose la structure de mon projet. Ni couronne ni plaque naît alors de mon envie de traiter un fait universel et sociologique, à travers un rapport intime à la mort et une enquête de terrain au sein d’une entreprise de pompes funèbres lorraine. En réponse à l’ouvrage de Sophie Calle : Que faites vous de vos morts ?, j’ai décidé d’en faire un spectacle.
Janice Szczypawka
Pendant votre période d’investigation, quelles sensations avez-vous ressenties en côtoyant la mort de plus près ?
Je me suis sentie privilégiée. Du côté de la boutique et du bureau, il y avait une confiance et une aisance réciproques entre Cathy et moi-même. Ce lâcher-prise m’a permis de récolter librement des confidences et des anecdotes précieuses de la vie dans les pompes funèbres. Du côté de la salle de soins, j’avais la possibilité d’assister à ce que l’on cache généralement aux familles. Donner au corps mort l’impression qu’il dort. J’étais euphorique car c’était riche et insolite. Je ne connaissais pas les défunt.e.s, mais mes sensations auraient probablement été différentes s’il n’y avait pas eu cette distance émotionnelle, protectrice.
Considérez-vous votre pièce comme du théâtre documentaire ?
Ni couronne ni plaque a été conçu dans une démarche documentaire. Il y est question d’individus qui existent réellement ou ont existé - ma grand-mère, les employé.e.s, les défunt.e.s, les client.e.s de cette société de pompes funèbres - et de la retranscription de leurs paroles. Je n’ai pas écrit une fable. J’ai respecté la chronologie de mon investigation. Ce projet est né du réel, mais il est aussi librement habité par une fantaisie et une esthétique qui lui est propre. Je dirais donc qu’il est frontière entre fiction et documentaire.
Comment retranscrivez-vous votre rapport à l’art plastique/visuel à travers la scénographie ?
En fait, j’ai d’abord imaginé ce spectacle comme un enchaînement de tableaux et d’images. J’ai réalisé beaucoup de croquis qui m’ont aidée à clarifier des idées, des situations, avant de les essayer au plateau. J’aime travailler sur l’agencement des couleurs, des formes dans l’espace, et avec la lumière. Dans le spectacle, il y a aussi une scène de peinture, et plusieurs références à des artistes plasticiens que j’apprécie. Mais je n’en dis pas plus…
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