Où est-ce qu'on va comme ça?

du 6 février au 26 juin 2014
1h30

Où est-ce qu'on va comme ça?

Où est-ce qu’on va quand on n’a plus l’âge d’être une femme fatale
et qu’aucun homme n’est là pour déboucher l’évier ?
  • Deux femmes, un appartement. Petit. Le choc est rude !

Deux personnages féminins à l’aube de la vieillesse se rencontrent par le biais d’une colocation plus ou moins forcée :
Nadia, tornade impulsive et tourmentée, tantôt cynique et tantôt révoltée, tantôt délirant et tantôt explosant : Nadia, infirmière et divorcée, malmenée par son travail et fatiguée de courir après la vie, qui cherche désespérément l’amour sur Internet ; en face, Florence, serviable, émotive, un peu intellectuelle, écrivain en panne d’inspiration depuis la mort de son mari, qui se réfugie dans la lecture et s’enferme chaque jour un peu plus dans le silence et le deuil.

Au fil des jours et des semaines, toutes deux prennent la mesure de ce qui les sépare, apprennent à se supporter, s’entr’aider, et découvrent enfin l’amour qui est né entre elles. Elles libérent la folie et la poésie qui leur donnent envie de vivre. Mais il reste à déjouer les pièges où s’engluent leurs efforts : Nadia enchaîne les rendez-vous décevants avec des hommes rencontrés sur internet ; Florence échoue à nouer une vraie relation amoureuse avec Édouard... Et si le bonheur était à portée de main, s’il suffisait d’apprendre à voir différemment ? Nadia découvre en Florence celle qui est toujours à ses côtés même aux pires moments. Grâce à Nadia, Florence retrouve l’espoir, et l’inspiration. S’écrit ainsi durant la pièce le roman - autobiographique ou fantasmé ? - d’une passion incroyable entre un homme et une femme de papier. C’est cette même passion qui naît entre Florence et Nadia, provoquant des sentiments contradictoires.

  • Note d'intention des auteurs

Isabelle Spartalis a eu l’idée de la pièce.
«Il m'était important de montrer qu'il existe une beauté autre que celle modelée par la morale judéochrétienne ; qu'une relation éphémère - ou entre deux personnes du même sexe - peut être merveilleuse, toucher au sommet du merveilleux, de ce qu'il y a de plus beau dans les relations humaines, dès lors que l'on accepte de lâcher prise, de se libérer des jugements rigides, des regards assassins. J'avais le désir de montrer, de convaincre que l'important, c'est la beauté d'une relation, l'authenticité, la confiance. C’est ce désir qui a donné naissance à mon envie d’écrire.»

Claudine Guittet a adhéré sans réserve au projet.
«Le propos d’Isabelle rencontrait mes propres convictions, et par ailleurs j’ai été tentée par l’aventure d’une écriture à quatre mains, que je n’avais jamais connue encore et qui me paraissait particulièrement adaptée pour une pièce fondée sur la confrontation de deux personnages aux antipodes l’un de l’autre. » La pièce a ainsi vu le jour au fil d’une véritable collaboration.

Isabelle Spartalis et Claudine Guittet ont construit chacune leur personnage et les ont mis en relation, écrivant ensemble les scènes nées de ces confrontations, regardant naître et progresser l’histoire des deux femmes qu’elles avaient créées.

Enfin, le point de vue de Laurent Russo, metteur en scène, a joué un rôle essentiel. Son enthousiasme et ses questionnements ont stimulé les auteures et les répétitions ont souvent, à son instigation, débouché sur des moments d’écriture au plateau. Les textes ainsi «accouchés» ont été retravaillés et intégrés au manuscrit final.

  • Note d'intention du metteur en scène

Un coup de coeur
Dès ma première lecture, cette histoire, qui pourtant n’est pas la mienne, a stimulé ma sensibilité et ma part de folie. J’ai eu envie de mettre en scène ce que je voyais comme un drame un peu déjanté, où l’on pleure et où l’on rit, où l’on s’interroge sur des choix de vie.

La pièce repose sur trois leviers fondamentaux étroitement liés.
Elle décline le contraste entre le monde de Nadia et celui de Florence, tous deux parfaitement délirants ; elle fait apparaître les ressorts psychologiques à l’oeuvre dans toute relation humaine ; elle met en évidence les difficultés inhérentes au monde moderne et leur retentissement sur les individus.

J’ai donc conçu un décor et une mise en scène qui permettent à la pièce de partir dans ces trois directions sans perdre sa cohérence.
Le lieu, à la fois réaliste et symbolique, est réduit à ce qui est nécessaire à l’action : un canapé, une table et deux chaises. Paravents et portes délimitent des espaces «imaginaires», salle de bain, entrée, cuisine, chambres, qui font lien avec l’espace scénique et permettent à l’action de se dérouler de part et d’autre. Des objets symboliques, fauteuil et peignoir du mari de Florence, tableaux, gel antiseptique, donnent à ce lieu son ambiance et sa profondeur. J’ai daté les scènes de la pièce, étapes de l’évolution d’une relation. Ainsi, des éphémérides rythment le temps qui passe, permettant aux personnages de panser blessures ou échecs, de se reprendre en main, mais aussi aux spectateurs de comprendre l’évolution de la relation entre les deux femmes. Et pour élargir la perspective dans laquelle s’inscrit l’action, j’ai conçu et réalisé des diaporama qui sont comme des fenêtres ouvertes sur la vie des personnages à l’extérieur de l’appartement. J’ai accordé une grande importance aux musiques et aux lumières : elles sont des supports, des révélateurs et des symboles essentiels dans l’alternance de scènes posées et de scènes très visuelles où le corps est mobilisé et la danse parfois utilisée, mais aussi dans l’évolution des ambiances psychologiques, froides, intimistes, chaudes, délirantes ou pudiques. Enfin j’ai délibérément renoué avec le «4ème mur» pour enfermer les comédiennes dans un jeu sincère, qu’il soit intimiste ou délirant. Qu’elles soient devant le miroir, dans le souvenir, dans leur monde intérieur ou devant un public imaginaire, Florence et Nadia sont toujours dans leur univers.

Laurent Rosso

  • Extraits

Nadia

« Sans moi il n'y aurait pas de blocs désinfectants dans les WC ! Ni de blocs désodorisants dans le frigidaire, ni de bloc anti-acariens dans l'aspirateur, ni de blocs bactéricides pour assainir l'atmosphère, ni de gel antiseptique pour les mains sur tous les lavabos, ni de... »

« « Bonjour. Je suis un rempailleur de rêves. Je cherche un jardin secret avec un arc-en-ciel de tendresse et de sensualité. Au plaisir de vous découvrir. Votre semeur de merveilles, Maël.» Oh c'est beau ! Moi j'ai bien besoin qu'ils soient rempaillés, mes rêves ! Quel métier il fait... Salarié santé ! «Jamais marié, sans enfant ! Vit… Vit en couple.» C’est pas possible ! »

« Mais c'est pas vrai ! Vous avez mis votre beurre sur ma planche de frigo ! Vous êtes comme les chiens vous, hein ! Vous avez besoin de pisser sur mon territoire pour mieux vous l'approprier !»

« Pourquoi y me l'a pas dit plus tôt, qu'il préférait les p'tites jeunes ? Attends, comment il a dit ça ? À la sexualité débridée, aux seins fermes, au vagin tout neuf bien lubrifié ! »

« ... Je comprends pourquoi il s’est barré mon mari. Infirmière surmenée, en quête de l’amour absolu mais sans tendresse à donner… Normal que les mecs me fuient… »

Florence

« Vous avez vraiment un caractère de chien ! Vous n’avez aucun sens de l’humour, vous n’arrêtezpas de râler. Je le sais, que vos journées sont dures ! Moi j’essaie de vous détendre, de vous faire rire, mais vous prenez tout au premier degré ! Quelquefois je me demande si je ne vais pas chercher quelqu’un d’autre pour la colocation. »

« Je n’ai pas su être disponible pour ma fille. Je ne comprenais pas pourquoi elle m’en voulait, ni ce qu’elle attendait de moi. J’étais tellement absorbée par mes livres, happée par mes personnages... C’est pour ça que je n’aime pas le virtuel. Il y a quelque chose de dangereux à vivre dans un monde parallèle, que ce soit celui des livres ou celui d’internet. »

« J’ai continué à me promener au marché. Soudain j’ai senti l’odeur du fromage... Alors je suis allée voir. Et chez le fromager il y avait un camembert... Je ne te dis que ça. Moëlleux, coulant à souhait, mûr... J’ai même percé le papier d’emballage en le palpant, c’est dire ! Avec une odeur entêtante... Un peu comme le patchouli tu vois ? »

« Cécile et Nathan se sont retrouvés dans la chambre comme prévu. Lui, immobile sur le lit, nu, un bandeau sur les yeux. Poids d’un corps qui s'installe. Sensation des peaux l'une contre l'autre. Surprise d’une perception olfactive à laquelle ils n’avaient pas pensé. Ils ne se sont pas concertés, mais ni l'un ni l'autre n'a mis de parfum. Odeur des corps, douce, chaude. S'y rajoute celle du désir qui monte. «Ton souffle sur ma joue et jusque dans mon cou..» Les corps comme des textes gravés sur des parchemins fragiles... les corps déchiffrés par la pulpe des doigts, lecture caressante des contours… »

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Spectacle terminé depuis le jeudi 26 juin 2014

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