Sur une sorte de ring, ils se succèdent au micro, ils croisent leurs regards, leurs jugements, leurs souvenirs. Ils se dénoncent, se racontent, se dissèquent. Un jeune homme, une femme et un homme mûr, comme pris au piège d’un jeu de pouvoir, une mise à l’épreuve tordue, sans pitié. Chacun dit les deux autres, les décrit, les dépeint. Les liens se dessinent. Portraits, règlements de comptes, anecdotes. On rappelle les humiliations, les a priori. On évoque un coït particulier, un licenciement compliqué, des ingérences étranges dans les souvenirs des uns, des analyses implacables de la psychologie des autres. Jeu de cartes habile, mises en miroir dangereuses, la pièce se déroule comme une mise à mort des impressions fausses, des idées reçues.
Clémence Weill, trente ans, a adapté et dirigé les textes de Fritz Zorn, Heiner Müller, Shakespeare, Pasolini, Wilde. Elle écrit le plus souvent au plateau. Sa pièce Pierre. Ciseaux. Papier., remarquée lors d’une Piste d’envol au Rond-Point, a été lauréate des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre, elle a reçu les encouragements du Centre national du Théâtre avant de recevoir le Grand Prix de littérature dramatique 2014.
Acteur, pédagogue, metteur en scène insatiable, Laurent Brethome a signé à trente-cinq ans une trentaine de mises en scène de Levin, Minyana, Copi, Marlowe, Molière. Il dirige ce trio d’humanités contemporaines à la drôlerie incisive, dans un labyrinthe de la connaissance de l’autre, où les analyses et les sentiments se percutent, où les certitudes comme la routine volent en éclats.
Pierre Notte
« Laurent Brethome met en scène au Rond-Point un texte fortiche et drôle de Clémence Weill qui décortique les rapports humains dans leur quotidien et leur intimité réelle ou supposée. » Gérald Rossi, l’Humanité, 3 mai 2016
« La jeune auteur Clémence Weill propose un univers original, patchwork d’inspirations puisées ça et là. Laurent Brethom conduit avec une ironie enjouée les trois comédiens qui surfent habilement dans ce réseau qu’il associe à « la magie d’un théâtre pauvre », et il trame à partir de ce labyrinthe articulé un paysage théâtral résolument contemporain. » Emilie Darlier, artistikrezo, 23 avril 2016
« Le texte de Clémence Weill est brillant, juste et percutant. Nous restons éblouis par la finesse de jeu de ce trio d’acteurs, tout à la fois placides, emphatiques et magnétiques, qui sait si bien faire glisser les masques. » Anna Grahm, Un fauteuil pour l’Orchestre, 25 avril 2016
Je crois que c’est la première fois pour moi que l'expression « servir le texte » et non pas « s’en servir » fait autant sens. Le texte de Clémence est tellement – bien – écrit que mon écriture de mise en scène est entièrement tournée vers la simplicité.
Trois personnages qui interagissent, trois figures de la vie prises à des endroits différents de leurs préoccupations, trois espaces en plateau. Une mise en scène frontale, chaque interprète sera équipé d'un micro HF pour amener les confessions du texte à un endroit d'intimité quasi cinématographique.
Le « paysage sonore », construit par Antoine Herniotte, dialoguera avec un travail lumière très minimaliste et précis de David Debrinay. Dans ce monde où la pièce de monnaie lancée en l'air laisse chaque individu face au hasard de la conséquence de ses choix, il s’agira d’amener le spectateur à percevoir ce qu’il reçoit comme le jeu cruel de la vie.
Les trois fauteuils tournant sur eux-mêmes permettront de mettre en lumière les personnages, à des degrés de chaleur différents, selon qu’ils agissent en sujet, en complément ou en interlocuteur du récit. La direction d’acteur poussera à un jeu vif, rapide et mordant.
La lecture mise en espace d’avril 2014 nous a prouvé à quel point la construction musicale du texte nécessitait un dynamisme dans l'interprétation. La pièce est drôle (et donc cruelle) quand elle est jouée rapidement. C’est un fil de pensée tendu qui se déroule sous nos yeux et doit convoquer chez le spectateur une chose intime qu’il a lui-même l’impression de penser en direct. Le traitement du son poussera donc le spectateur à recevoir la confession des protagonistes comme sa propre pensée.
Une mise en scène d’apparence simple pour servir au mieux une pensée complexe et totalement jouissive.
Laurent Brethome
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris