Please kill me

Le rock, cette vieille histoire toujours jeune, relève de la pulsion dionysiaque autant que d’une joyeuse révolte adolescente. Mathieu Bauer monte Please Kill Me, et propose une traversée fulgurante dans l'underground du punk new-yorkais des 70's.
  • Au-delà de la légende, les débuts du punk, explosion de musique et de révolte.

« Hé, pourquoi on monterait pas un groupe ? » L’homme qui pose cette question vit dans un mobil home non loin d’Ann Arbor, la banlieue de Detroit. Il a un peu roulé sa bosse dans les clubs de Chicago fasciné par les bluesmen et les musiciens de rythm’n’blues. Il joue de la batterie, mais c’est comme chanteur qu’il finira par percer sous le nom d’Iggy Pop. Assez vite il a compris qu’essayer d’imiter Muddy Waters, Sonny Boy Williamson ou Howlin' Wolf serait une perte de temps. Il doit inventer sa propre musique ; d’où cette idée de groupe qu’il propose à ses potes Ron et Scott Asheton avec qui il formera les Stooges.

Un soir, il assiste pour la première fois à un concert des Doors. Tandis que le public réclame inlassablement que le groupe joue Light My Fire, Jim Morrison ironise et fait de la provocation en chantant volontairement d’une voix de fausset. « Il a chanté comme Betty Boop et refusé de prendre sa voix normale, raconte Iggy Pop. Tout le concert s’est déroulé comme ça. J’étais complètement enthousiasmé. J’adorais l’attitude négative. J’adorais qu’il les emmerde (…) C’est là que je me suis dit, si ce type peut y arriver, je peux y arriver. »

Le livre Please Kill Me de Legs McNeil et Gillian McCain regorge de ce genre d’anecdotes croustillantes sur les coulisses d’un certain rock américain. Au détour d’une page, on croise aussi bien Lou Reed, Johnny Thunders, Wayne Kramer, Tom Verlaine que Richard Hell ou les Ramones. Le plus souvent dans des états limites, il faut bien le dire. Car pour la plupart, ces jeunes gens ne carburent pas seulement au Coca-Cola. Mais ce qui frappe vraiment chez les uns et les autres de ces héros plus ou moins célèbres du rock’n’roll ou du punk – et à l’époque beaucoup étaient encore loin d’être célèbre ! – c’est leur liberté et leur créativité.

« Ce qui me plait profondément chez tous ces personnages hauts en couleurs souvent proches de la scène punk, c’est qu’ils sont dans l’affirmation. Même le No Future est à sa façon une affirmation. C’est la volonté de prendre possession du présent, ici et maintenant, tout de suite. C’est l’affirmation d’une certaine urgence. Qui pour le coup s’entend dans la musique », analyse Mathieu Bauer qui met en scène et en musique ce nouveau spectacle directement inspiré par le livre de Legs McNeil et Gillian McCain.

Il y a peu encore Mathieu Bauer était immergé dans Wagner avec Tristan &, une création très personnelle à partir de l’opéra Tristan et Yseult. De Wagner au punk, on ne se risquera pas à dire qu’il n’y a qu’un pas. Pour autant, enchaîner de Tristan & à Please Kill Me est loin de lui faire peur. « Au contraire, s’amuse-t-il, on interprétait même une chanson de Richard Hell dans notre précédent spectacle. » Il faut dire que Mathieu Bauer joue lui-même de la batterie et qu’il a un temps hésité entre la musique et le théâtre pour finalement choisir les deux à la fois.

Monter Please Kill Me, un spectacle qui fait directement référence au rock et au punk, est presque comme un retour aux sources pour cette compagnie chevronnée dont les membres atteignent à peine la quarantaine. « Forcément, il y a un gros boulot sur le matériau musical dans ce spectacle, remarque Mathieu Bauer. On part de chansons : Iggy Pop, Richard Hell, Television, les Ramones, les New York Dolls, Johnny Thunders… Mais il est évident que ce n’est pas à 40 ans que je vais devenir un batteur de punk ! Tout ça est retravaillé, c’est en grande partie l’œuvre de Sylvain Cartigny. Ce livre est formidable parce qu’il montre comment l’envers du décor constitue en fait un élément essentiel de l’ensemble. Les frasques et les excès en tous genres font partie d’un certain style de vie qui va avec cette musique. C’est une vie survoltée avec tous les ingrédients, le sexe, la drogue… Et le côté trash, destroy ne doit pas cacher la dimension, en vérité souvent hilarante, de tout ça.

Pour une bonne part, ces anecdotes sont à mourir de rire. Ce qui n’empêche pas que beaucoup d’entre eux ont flirté avec la mort et que certains y ont même laissé leur peau. » La matière du spectacle est constituée par les histoires recueillies dans le livre de Legs McNeil et Gillian McCain pendant trois ans auprès des survivants de cette scène des années 1970 dont l’influence se fait toujours sentir aujourd’hui. Un ouvrage copieux, basé sur une multiplicité de témoignages qui se recoupent et qu’il n’est évidemment pas question de présenter dans son intégralité. D’où l’obligation pour le metteur en scène d’effectuer une sélection drastique.

« Iggy Pop est une figure centrale du spectacle ; en poussant un peu, je dirais presque qu’il est à la danse contemporaine ce que Michael Jackson est au hip hop. Ses concerts avec les Stooges étaient proches de la performance au sens art plastique du terme. Proche du body art. Iggy Pop était quelqu’un qui se mettait en péril. Il aurait pu y passer d’ailleurs. Curieusement, il faut savoir que les Stooges n’ont jamais eu de succès commercial avant leur séparation. Le spectacle est construit un peu autour de la figure d’Iggy Pop ; après c’est comme si l’on tirait un fil, les histoires s’imbriquent les unes dans les autres. C’est le tableau fascinant d’une folie en partie délibérée. Une vie déjantée où on s’enfuit des hôtels à toutes jambes pour ne pas payer la note ; où Iggy Pop se fait coffrer par la police parce qu’il se ballade en robe, complètement défoncé, une bouteille de vin blanc à la main sur Santa Monica Boulevard ; où les New Yorks Dolls pillent la penderie de leur voisine de palier qui vient de mourir et débarquent sur scène habillés en femmes ; où Johnny Thunders, lors d’une tournée anglaise avec les Clash et les Sex Pistols, en a tellement marre de se faire cracher dessus par des mecs dans le public qu’il finit par en frapper un à coup de guitare, et le type lui demande alors de soigner sa plaie… Il y a là-dedans un mélange de frénésie et de dérision, mais aussi un besoin de vivre différemment, d’inventer, de créer, d’aller au bout de soi-même, où se mêlent courage et inconscience. Des ingrédients qui donnent à ces histoires une dimension épique et en même temps dérisoire, au fond, assez touchante. »

Hugues Le Tanneur

  • Témoignages d’hier, rêves d’aujourd’hui.

C’est par la musique (il est batteur) que Mathieu Bauer est venu au théâtre. Chez lui les deux s’entrelacent, et il ne conçoit pas la vie sans l’un et l’autre. Appartenant à la génération qui rêve sur les années 70, sur leurs utopies et leurs excès, il a évidemment lu Please kill me, témoignages à l’état brut des dieux du punk, recueillis par Legs McNeil et Gillian McCain.

En action, trois musiciens et un couple d’acteurs chanteurs. Matthias Girbig, jeune homme au regard débordant de naïveté émerveillée qui, un peu égaré, se promène d’un souvenir à l’autre et chante en anglais. C’est également en anglais que chante et raconte Kate Strong, tendue, concentrée, tout en gardant une sorte de distance émue. La voix porte les mots sans les traduire – trahir. Mais puisque la projection du texte en français balaie le plateau, nul n’est lésé.

  • La presse en parle

« Des vociférations d'Iggy Pop aux jams sophistiqués des Talking Heads, en passant par les anecdotes savoureuses de Lou Reed, Please Kill Me renoue avec l'urgence de ces années folles. » Igor Hansen-Løve, L'Express

« L'enchainement irrévérencieux des points de vue provoque des effets comiques souvent irrésistibles, puisqu'ici, comme l'indique le sous titre, aucune censure n'a cours : les amitiés indéfectibles côtoient les antipathies persistantes et les amours explosives. » France Inter

« Avec force et énergie, la vénéneuse Kate Strong et le sensuel Matthias Girbig donnent chair à l'intimité sulfureuse des " sexy boys " . (...) Un spectacle punchy. » Télérama

« Ce théâtre musical fait le compte des morts au chant d’honneur parmi ceux qui passaient leur temps à jouer dans l’écume des crachats, défoncés comme des terrains de manœuvres sous une pluie de cannettes de bière. Pour explorer les enfers de ce cauchemar de bruits et de fureurs, Mathieu Bauer et son groupe ont choisi de transformer l’hommage en une tendre évocation. » Patrick Sourd, Les Inrocks

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Spectacle terminé depuis le jeudi 12 avril 2012

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