Le feu aux poudres
Un théâtre de lartisanat
Le mythe comme un tissu liant
Au commencement, était le désir. Nous avons voulu, voici deux ans, sur
limpulsion de Julie Berès, réunir nos imaginaires, nos énergies et nos
expériences diverses afin de construire un objet théâtral. Dune salle de
musique parisienne au printemps 1999 à la halle aux cuirs au Parc de la Villette en
février 2001,en passant par un squat en banlieue parisienne et un château en Bourgogne
en juillet 2001, nous avons élaboré une grammaire commune, un langage qui nous est
propre.
Nous avons construit des objets et des marionnettes afin de nous exprimer dans un
théâtre de manipulation tout en continuant à travailler un théâtre dincarnation
- nous sommes inspirés par des artistes tels que Kantor, Platel ou Tanguy et le théâtre
du Radeau - et parallèlement à développer la création musicale et sonore. Notre
univers se situe à un point de rencontre entre différents arts. Nous utilisons le mythe
comme un fil invisible liant et structurant notre travail. Notre mythe de prédilection se
trouve dans la Genèse ; il sagit du drame survenu dans le jardin dEden. Notre
anthropogenèse. Lauteur Gilles Aufray compose pour Poudre ! à la lumière de notre
source dinspiration et de notre protocole de travail, une suite de poèmes et contes
intitulés Passage(s) qui, joués ensemble, prendront la forme dun poème épique.
Vous êtes poudre, vous retournerez en poudre. Poudre ! Cest le titre
de notre spectacle. Nous lavons évidemment choisi pour son sérieux renvoi à notre
triste condition humaine. Elle devient également pour nous poudre de perlimpinpin ou
descampette.
Dans notre recherche, les acteurs de léquipe utilisent des matériaux tels que
papier, carton, tissu ou farine afin dexprimer leur art dans une structure déjà
échafaudée. Nous avons pour objectif de manipuler des marionnettes, des masques et des
objets fabriqués uniquement par nous, qui voulons toucher à dautres théâtres
quau théâtre incarné. Renaud Herbin, marionnettiste issu de lécole de
Charleville-Mézières initie nos interprètes à la manipulation et participe aussi, -
car nous présentons un théâtre du visuel - à lélaboration de notre langage, et
ainsi à lécriture de notre spectacle.
Il exprime ci-après comment il se place au plus près du rêve de Poudre ! :
Transmettre : une incursion dans le monde de la manipulation de matériaux, de
marionnettes, pour en tirer plus quun savoir-faire, une posture dacteur (ne
plus savoir qui est au centre, lessence de notre travail vient de ce quil y a
entre, de ce qui nous échappe.)
Ecrire : révéler un langage commun (des présences de sons, de lumières, de
corps dacteurs, de formes animées et de textes), accompagner lécriture de la
scène. . Le groupe a inventé des objets manipulables : dieux et animaux mobiles
ou masqués, chérubins en mousse, Eve totem en carton, machinerie bateau féerique en
fourrure
Cest ainsi quune grammaire commune est née, avec des termes tels que :
concept des trois, tableau avec de lair, homme englouti ou boite des drôles de
dames.
Nos matériaux-contraintes sont des outils pour découvrir un langage tout autant visuel
que spatial.
Notre espace est une structure en bois et en fer qui offre deux aires de jeu : le plateau
en lair et le plateau en bas. Ainsi dune part, le spectateur peut visualiser
plusieurs actions simultanément et, dautre part, quand la structure est habillée
de papier ou de tissu, elle se transforme à lenvie et accepte en particulier des
castelets modulables permettant des apparitions et des disparitions rythmées ou des focus
sur des objets et des actions. Dans notre univers musical interviennent : musiciens ;
créations sonores avec des matériaux ; voix des comédiens ; bandes-sons. Notre
théâtre est un théâtre visuel et musical, fait de manipulation et dincarnation.
Un homme, une femme qui ne connaît pas dhistoire est vide. Un homme, une femme
qui ne peut pas raconter son histoire est triste. Un homme, une femme qui ne peut pas
raconter son histoire meurt. (extrait de lintroduction à 233 contes à inventer,
Gap Sleman, 1963)
Il est urgent de raconter. Le défi est ici décrire un poème épique qui sera
composé dune suite de poèmes/contes à une ou plusieurs voix. Il est urgent de
sadresser au monde et de (lui) raconter une histoire quil (re)connaît et
(re)découvre en lécoutant. Le travail est ici celui dun conteur qui raconte
pour permettre à ceux qui lécoutent de pouvoir à leur tour raconter, tel est
lenjeu de cette invitation à lécriture.
Gilles Aufray
Les mythes ont lavantage pour nous de réunir ce qui se trouve au plus profond de notre inconscient et ce qui sexpose au grand jour de la culture. Le mythe est emprunté à la mémoire collective et se régénère au moment de la narration. Il représente ainsi pour nous un matériau extraordinaire car il accepte tout détournement sans perdre sa structure originelle. Du lien que nous faisons avec lui surgit le sens dont nous avons besoin. Dautre part, sa poésie nous offre la liberté de naviguer à travers les différentes formes théâtrales qui nous inspirent. Nous avons travaillé sur the mythe : le récit dAdam et Eve. Le drame de lEden est un récit fondateur qui donne à loccidental une explication sur son monde - doù viennent lhumanité, le couple, les douleurs de lenfantement, la peine du travail, la souffrance et la mort et aussi un espoir de retour à un paradis perdu.
Gilles Aufray, avec lensemble de textes Passage(s) propose de raconter lhistoire dun homme et dune femme quittant leur village détruit car ils y sont en danger de mort dune part et dautre part parce quils en savent trop . Ces deux êtres vont errer à travers sept pays-tableaux, écartelés entre leur terre natale (le Paradis perdu) et une terre étrangère (la Terre promise, pays dUtopie). Comme dans un jeu de miroir, leur voyage organisé en étapes clefs comme en un parcours initiatique les emmène dune certaine façon ailleurs mais dans un même endroit, dans un endroit où lon peut vivre. Toute la tension dramatique se situe dans ces tâches à accomplir par nos héros pour parvenir au pays possible. Ce parcours en tableaux nous permet dutiliser tous nos outils de travail tout en racontant lhistoire de ces deux êtres et de leur village qui pourrait être nimporte quel village.
Enfin! Restons objectifs en disant qu'un spectacle d'utilité publique ça n'a pas lieu tous les jours... Il est temps de conduire ceux qui ont l'instinct du rêve et de l'immaginaire, en tournant le dos au tout TV. Merci à ces poétes du plateaux, à cette ôde à Tadéus et à la comédie du monde. RARE.
Enfin! Restons objectifs en disant qu'un spectacle d'utilité publique ça n'a pas lieu tous les jours... Il est temps de conduire ceux qui ont l'instinct du rêve et de l'immaginaire, en tournant le dos au tout TV. Merci à ces poétes du plateaux, à cette ôde à Tadéus et à la comédie du monde. RARE.
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