Pseudolus, le truqueur

La pièce
Le Maître du jeu

• La pièce

Un jeune homme est l’amant d’une fille qui est aux mains d’un odieux maquereau, entouré de ses esclaves et de ses putains. Mais grâce aux ruses inouïes de Pseudolus, son esclave, le jeune homme récupère la fille et le maquereau en est pour ses frais.

Voilà un étrange théâtre : tout est donné à voir et à entendre, les propos les moins délicats, les désirs les plus inavouables, les pensées les plus secrètes...

Dans cette mise à nu sur la scène, le plus surprenant, le plus précieux, c’est l’adresse directe et constante au public. Comme dans La Marmite, présentée en 2001 à la Tempête, la musique de Marc-Olivier Dupin, ici des percussions, tient une place essentielle et la mise en scène prend un parti résolument moderne ; mais ce sont, comme à Rome, seulement des hommes qui jouent.

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• Le Maître du jeu

« Jouée en 191 av. J.-C., cette comédie était, selon Cicéron, l’une des préférées de Plaute. Le modèle grec à partir duquel la comédie a été écrite est inconnu ». Le théâtre de Plaute (une vingtaine de pièces) est très proche du théâtre des traditions asiatiques tel que le Pansori en Corée, le Kabuki au Japon. Il s'apparente à un rituel ; le chant, la danse, les joutes verbales sont extrêmement codifiés ; les rôles aussi où apparaissent systématiquement, mais dans des scenarii très divers, les mêmes personnages : les vieux, riches et avaricieux; les jeunes, idiots et obsédés; les courtisanes pleurnichardes ; les cuisiniers tous voleurs ; l'esclave principal rusé, etc. L'argent et le sexe régissent les rapports très crus, très méchants, qu'entretiennent les différents personnages. Le génie comique de Plaute, c'est l'invention de situations basées sur l'équivoque de la langue. C'est aussi un théâtre qui ne cesse de mettre en scène le théâtre en dialoguant avec le public.

Pseudolus, le truqueur est un ancêtre du Scapin des Fourberies. Il lui faut constamment inventer de nouvelles ruses pour arriver à ses fins. « Pseudolus est le premier esclave (servus primus) dans la hiérarchie des rôles ; son nom est un dérivé latin du grec pseudo - qui signifie “menteur”. Quelque chose du genre “Tricky le truqueur”, si on utilise l'anglais trick. Il est le maître du jeu, invente les ruses, multiplie les jeux de mots et danse ». Voilà un étrange théâtre qui exige des acteurs qu’ils prennent du plaisir à jouer et qu’ils le fassent savoir sans réserve aux spectateurs.

Ce théâtre exclut toute intériorité. Ici, tout est donné à voir et à entendre, les propos les moins délicats, les désirs les plus inavouables, les pensées les plus secrètes… Mais dans cette mise à nu sur la scène, le plus surprenant et le plus précieux, c’est l’adresse directe et constante au public. « Le récit intègre le code comique qui veut que l'esclave principal réussisse toujours ses ruses et vole les vieillards. C'est donc le poète lui-même qui parie avec le public de réussir à faire triompher Pseudolus alors que les autres personnages sont sur leurs gardes. C'est autant sa virtuosité de poète que celle de l'esclave principal qui sont l'enjeu de la comédie. Comme le dit le texte lui-même, puisque Pseudolus déclare qu'il invente ses ruses comme le poète invente sa comédie : l'un et l'autre sont des illusionnistes qui font voir ce qui n'existe pas. La victoire de Pseudolus n'est pas le triomphe personnel de l'esclave, mais celui de l'art dramatique et des jeux scéniques ».

Le théâtre importe aujourd’hui justement à cause de son extériorité carnavalesque qui joue à mettre la vérité à nu. Il vient à point nommé comme une provocation à la liberté.

Brigitte Jaques-Wajeman
Citations extraites de l’introduction de Florence Dupont à Pseudolus,
éd. Actes-Sud Babel, 2001

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