" Tous mes écrits sont partis du principe que seul l'homme est responsable de son destin et lui seul est capable de le perpétuer ou de le changer. " Gh. Kanafani
Le spectacle
Le face à face de la fragilité humaine
Notes de mise en scène
Ils en ont parlé
Pour parler au coeur
Au lendemain de la guerre de 1967, un Palestinien et sa femme reviennent à Haïfa qu'ils ont dû fuir en 1948 lors de la création d'Israël, abandonnant dans la panique leur fils âgé de quelques mois. Ils découvrent alors que leur ancienne maison est occupée par une juive d'origine polonaise dont les parents ont péri dans un camp de concentration nazi. Et que Khaldoun, leur fils, qu'elle a adopté, s'appelle maintenant Dov, et sert dans l'armée israélienne...
Avec Retour à Haïfa, le dernier récit qu'il ait publié avant son assassinat, Ghassan Kanafani va au plus profond du conflit qui oppose Palestiniens et Israéliens, nous livrant un double testament, littéraire et politique, d'une rare intensité.
Le drame est interprété par des acteurs et musicien originaires du Proche, du Moyen Orient et du Maghreb, dont Sara Alexander, israélienne, et Nicolas Damuni, palestinien.
Par le Théâtre du Tiroir.
1948 : création de l’état d’Israël.
" Mercredi 21 avril 1948, au matin. Haïfa ne soupçonnait encore rien même si une tension confuse régnait... " (Gh.K.)
Comme presque toute la population palestinienne de Haïfa, Saïd et Safia sont forcés militairement par les Juifs et les Anglais, de quitter la ville et la Palestine. Dans la panique, ils laissent derrière eux, leur fils Khaldoun âgé de quelques mois.
1967 : Haïfa, 20 ans plus tard.
Du camp où vivent Saïd et Safia surgit Oum Saâd "la matrice". Et avec elle, c'est le camp qui arrive, sa boue, son odeur. Les Israéliens ouvrent temporairement les portes de la ville à ceux qu’ils ont chassés. Saïd et Safia découvrent alors que leur ancienne maison est occupée par une femme juive polonaise, Myriam et son fils Dov...
" Par la route de Jérusalem, Said roulait vers Haïfa. En approchant de la ville, il sentit quelque chose lui brider la langue. Il se tut et la tristesse l'envahit. Un bref instant il eut la tentation de rebrousser chemin ; il n'avait pas besoin de regarder Safia pour savoir qu'elle pleurait tout bas. Soudain, il entendit le bruit de la mer, le bruit de jadis... " Gh.K
Un sujet d’histoire contemporaine pour restituer, à travers le drame singulier de deux familles, la profondeur de la tragédie qui dure depuis plus de 50 ans.
Nicolas Damuni, palestinien, dans le rôle de Dov. " La surdité du monde sur les injustices est devenu une habitude. Participer à Retour à Haïfa, c’est participer à l’entreprise de l’espoir. "
Sara Alexander, israélienne, dans le role d'Oum Saad et de Myriam. " J'imagine un lendemain sans effusion de sang, J'imagine un lendemain sans deuil ni douleur, J'imagine un lendemain peint en blanc Par le vol de milliers de colombes... "
Rayana Ob, algérienne, dans le rôle de Safia. "Pour résumer ce qui me fait vibrer dans cette pièce, cette phrase : toutes les peines sont capitales. Retour à Haïfa est un cri et je veux crier. "
Kamal Rawas, de père libanais et de mère norvégienne, dans le rôle de Saïd. " Même si je me suis toujours senti français, la Palestine c’est une douleur intime... Mais Retour à Haïfa parle de choses beaucoup plus essentielles que d’états d’âme d’acteur. "
De la nouvelle au théâtre
Sur une commande de Jean Luc Bansard, Slimane Benaïssa, auteur et dramaturge algérien, a fait une proposition d'adaptation au théâtre à partir de Oum Saâd la matrice et Retour à Haïfa (derniers écrits de Kanafani en 1969). Durant les répétitions, l’équipe de création a continué ce travail de réécriture en cohérence avec les choix de mise en scène et de jeu.
D'un auteur à l'autre : parcourir le monde
" Mon parcours théâtral m’a, depuis 1987, le plus souvent amené vers les auteurs contemporains non dramatiques. Aujourd’hui, avec Kanafani, nouvelliste et poète de la Palestine, j’ai trouvé un auteur en action sur sa propre réalité. Un acteur de la destinée de son peuple, avec un sens aigu de la dialectique et en même temps une grande finesse dans l’observation de ses personnages. Son écriture pourrait-être celle d’un Tchékhov, d’un Tennessee Williams. Il laisse toute place aux émotions plutôt qu’aux discours politiques. Kanafani est en recherche de l’affirmation de l’identité de son peuple et il la trouve dans l’humanité profonde qu’il donne à ses personnages. "
Oser la paix
Lors d’une lecture publique de la pièce, quelqu’un nous a dit "quel courage de monter ce texte aujourd’hui !" Mais non, ce n’est pas du courage, nous travaillons justement à ce que le théâtre prenne le dessus sur la cause. En jouant la fiction inventée par Kanafani (mais si proche de la réalité), c’est un constat que nous faisons. En particulier, réunir sur la scène des acteurs d'Israël et de Palestine, c'est la démonstration qu'une paix juste est possible.
Une fable atemporelle
Bien qu'ancrée dans le réel du XXe siècle, cette fable universelle reprend le mythe trois fois millénaire du jugement de Salomon : un enfant pour deux mères, deux peuples pour une terre, à qui appartient l'enfant ? Notre enjeu artistique : toucher du doigt la profondeur d'une tragédie qui a trop duré. Evaluer, dessiner les drames personnels enfouis durant 20 ans de silence. La Petite Histoire de deux familles nous permet de prendre de la distance avec la Grande Histoire... celle qui nous révolte et nous dépasse.
Comment le dire : mots d'ici... maux de la bas
Au delà des origines de chaque acteur (Israël, Liban, Algérie, Palestine, France), c’est une parole collective qui investit la scène, comme à la naissance même du théâtre, les acteurs-saltimbanques "sautent sur le banc", prennent à bras le corps le récit de Kanafani, s'en habillent le temps qu'il faut, le portent devant vous simplement... simplement comme la vie, même si nous savons que la vie est compliquée, là-bas en particulier.
Jean Luc Bansard
Tahar Ben Jelloun : Ecoutez Le cœur de Ghassan Kanafani/une moitié d'orange un cœur étonnant/un livre où l'espoir est une gazelle/une femme assise dans l'aube éclatée/ce corps porte en lui monts et dunes/une romance et quelque parfum/un désert vert et un poème qui chante/un rocher migrateur à l'ombre de l'olivier.
Mahmoud Darwich :
Attachez-moi aux tresses du palmier
Pendez-moi je ne trahirai jamais ce palmier
Cette terre est mienne où jadis, satisfait je trayais les chamelles
Ma patrie n'est pas une gerbe de contes ni un souvenir
Ma patrie n'est pas une anecdote ni une lumière qui éclaire
La chevelure de foulla
Cette terre est la peau de mon corps et de mon cœur
et comme une abeille je survole ses herbes vertes.
Edgar Morin : En deux mille ans, à partir de la dépossession de sa terre nationale, l'histoire juive a été faite d'expulsions, persécutions, ghettoïsation, vexation, dénis, humiliations, mépris, haines. Comment ne pas voir que cinquante ans d'histoire palestinienne depuis la naissance de l'Etat d'Israël sont un concentré de ces deux mille ans d'histoire juive : dépossession, expulsions, ségrégation, ghéttoïsations multiples et répétées, prédations, humiliations, mépris, haine.
Jean Genet : Le jour où les Palestiniens seront institutionnalisés, je ne serai plus de leur côté, le jour où les Palestiniens deviendront une nation comme une autre, je ne serai plus là.
Ahmad Dahbour (Notre pays) " Qui m'appelle ainsi ? Est-ce vous, monsieur ? J'ai cru entendre la voix de quelqu'un qui me connaît. L'avez-vous entendu comme moi ? Ou me suis-je trompé ? Peut-être... Excusez-moi, ne partez pas... Sur notre terre, il y a un mur dont nous aurions voulu faire une chambre, mais ils ne nous ont pas permis de construire.(…) Que dis-je ? Ces ustensiles se vendent-ils au marché ô mon ami ? Je dis comme ça, "mon ami", à tous ceux qui... (…) Excusez-moi si je m'exprime mal. Mais, voyez-vous, c'est mon pays. N'avons-nous pas le droit d'exiger de lui une quelconque amitié ? Une main à serrer ?(…)Ou un passant qui nous appelle par notre nom ? N'avons-nous pas le droit ? N'est-ce pas notre pays ? "
Paul Eluard (à Madeleine Riffaud pendant la résistance) : " Quand on n'a pas à rajouter à l'expression de sa souffrance ne serait-ce qu'un brin d'espoir, et bien on reste dans le silence, parce que le désespoir est contagieux. "
Sara l’Israélienne et Nicolas le Palestinien choisissent le théâtre pour parler au coeur.
" Pour se rapprocher au plus près de la tragédie j’ai fait le choix de comédiens issus de Palestine et d’Israël. Jean Luc Bansard, metteur en scène.
Aujourd’hui, les deux peuples, palestinien et israélien, qui restent dans leur grande majorité épris de paix et de dignité, sont prisonniers d’un étau de folie créé par les extrémistes des deux bords. Nous refusons la manipulation imposée par ceux qui, là-bas comme ici, voudraient nous faire croire qu’il n’est d’autre voie que celle de la haine, de la peur et de la violence.
L’assassinat d’innocents nous fait horreur quels qu’en soient les coupables et les victimes.
Nous avons été séduits par le projet de Jean-Luc Bansard de mettre en scène une pièce tirée de l’œuvre de Ghassan Khanafani, notamment parce que le texte de Retour à Haïfa écrit seulement deux ans après la guerre de 1967, se focalise sur les déchirures personnelles et identitaires de protagonistes palestiniens et israéliens.
Bien que, du fait de la date de l’œuvre et du point de vue palestinien de l’auteur, on ne puisse parler de symétrie de traitement, cette plongée dans la souffrance de part et d’autre, nous semble être à même de contribuer à une plus grande reconnaissance mutuelle de l’humanité de chacun.
Nous pensons profondément que nous devons regarder en face la réalité de notre histoire commune, sans peur ni tabou, pour être capable de sortir de l’engrenage mortel où nous entraîne depuis un demi-siècle le déni de l’Autre.
On ne trouvera point dans cette pièce de solution politique à ce conflit qui prétend nous opposer. Il ne s’agit que de théâtre. Mais nous voulons croire que cette initiative artistique, comme d’autres, peut modestement contribuer à ce changement de cœur dont nous avons tant besoin pour changer de politique.
Nicolas Damuni Sara Alexander
Pièce magnifique, qui ose un message de paix sur un problème plus que millénaire. Allez la voir à Paris, je l'ai vue à Laval, et vraiment, elle en vaut la peine! les acteurs sont magnifiques, le texte superbe...et les décors ingénieux.
Pièce magnifique, qui ose un message de paix sur un problème plus que millénaire. Allez la voir à Paris, je l'ai vue à Laval, et vraiment, elle en vaut la peine! les acteurs sont magnifiques, le texte superbe...et les décors ingénieux.
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking : Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.