Ces héros portent une langue animale et s’aiment comme ils se tuent.
Richard, c’est un acteur.
Une bête de scène.
Il pleure, rit et séduit. Ses masques dévoilent alors la force incandescente du théâtre, sa vérité, dernier rempart contre la folie et la tyrannie.
« Dans Richard III, Shakespeare passe au crible la question du pouvoir et de sa vanité, des stratégies mises en place par la figure de Richard pour accéder au trône. Ce héros devient une image du mal démesuré, un Prince machiavélique sans foi ni loi.
Dans la tragédie se lit aussi l’imaginaire déjà grotesque de Shakespeare et son goût pour une théâtralité exacerbée. Car finalement la lutte pour le pouvoir pose la question de la ruse, de la dissimulation, du masque et donc du théâtre. Si la Compagnie Nova s’intéresse à de grands classiques du théâtre c’est dans cette perspective : interroger le discours politique d’un auteur et son universalité, son atemporalité.
Aujourd’hui l’époque historique de Richard III - La Guerre des deux Roses, le combat des Lancastre et des York, l’avènement des Tudor - nous semble lointaine et opaque. Shakespeare lui-même ne désirait pas la retranscription fidèle de l’Histoire, mais s’intéressait plus à la Légende Richard et ainsi à l’analyse des mécanismes humains. Ce qui nous intéresse est donc le discours de Shakespeare sur le théâtre pour ainsi faire émerger notre propre théâtralité. D’où la conception de Richard III d’après William Shakespeare et son étude comme une pièce matériau. »
Margaux Eskenazi
Nous avons retraduit et adapté la pièce Richard III afin d’en révéler sa monstruosité mais aussi sa très grande théâtralité. Nous avons inséré un nouveau personnage dans la tragédie : il est le choeur tragique, le témoin inlassable de l’horreur, le prophète de la fin et la voix des cauchemars de tous les personnages. Cette figure sans nom porte aussi le souffle du théâtre : extérieur à l’action, il en fait le récit à certains moments du spectacle et sort ainsi de la fiction. Sa parole prend de plus en plus de place au cours du spectacle, jusqu’à atteindre son paroxysme à l’acte final.
Sa partition est alors un poème d’Henri Michaux, « Les animaux fantastiques », extrait du recueil de poésie Plumes. Le cauchemar devient contemporain : la folie de Richard se transforme en un tourbillon de visions animales, décrites de manière presque clinique. La clé de notre réécriture est là, dans ce dénouement entre illusion (la mort du théâtre, celle de Richard) et vérité (la parole poétique). L’oeuvre révèle ce constat final : si chaque roi a le même avenir – celui d’une chute inévitable et violente – si le sang souille les mains de générations et de générations – personne n’est pur dans cette pièce – que reste-t-il de vrai, de sincère et même de nécessaire ? Le théâtre, bien sûr. Son ciel est bien plus vrai que celui de la tragédie des vivants.
Ainsi la mise en scène de Richard III d’après William Shakespeare est comme le déraillement d’un métronome. Les scènes des trois premiers actes racontent la montée au pouvoir du monstre Richard, son art de la séduction et du jeu. Il endosse mille masques, du séducteur à l’homme pieux, de l’ami confiant à l’empathique confident. Là est sa monstruosité bien au-delà de sa difformité physique.
Ces scènes se déploient dans la durée et le plaisir du jeu à outrance, jusqu’au couronnement machiavélique à la fin de l’acte III. « Le texte est ainsi construit sur un déséquilibre : l’acte IV et V sont beaucoup plus rapides, mimant la brièveté et la violence de la chute de Richard III. Sa solitude aussi. C’est ainsi un spectacle de l’ordre du montage cinématographique : sa construction est fragmentée alternant gros plans, plans longs et ellipses temporelles. Richard III d’après William Shakespeare exhibe ainsi des points de sutures et de ruptures, à l’image de la mécanique même du texte.
Notre retraduction insiste beaucoup sur la violence de la pièce : nous cherchons une langue violente et animale. Les figures bestiales traversent le texte de Shakespeare et nous filons ces métaphores dans une traduction la plus contemporaine et concrète possible. Le jeu des acteurs est alors soutenu par une parole venimeuse, corporelle, parfois jusqu’à être proche de l’incantation, au rythme ciselé et acéré : nous cherchons dans la langue le jeu même du théâtre. Sans aucune psychologie, le texte est inventé réplique par réplique et se joue dans l’instant : c’est une question de vie et de mort.Si la parole s’arrête - c’est le théâtre qui meurt. Alors le ciel se vide et « quand l’architecture du monde s’écroule, la folie l’emporte » selon les mots de Georges Banu. La tragédie shakespearienne devient une histoire d’aujourd’hui et un lieu de théâtre.
Nous créons Richard III d’après William Shakespeare avec ce désir : exhiber la monstruosité d’une quête assoiffée de pouvoir, dévoiler les instincts d’hommes et de femmes, qui pourraient être les nôtres, tout en faisant entendre le souffle du théâtre shakespearien, donner à voir sa vérité même.
Margaux Eskenazi et Agathe Le Tallandier
Une adaptation médiocre d'un grand classique.
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Une adaptation médiocre d'un grand classique.
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