Après Sans faim qui évoquait le confort de notre monde et de nos vies ordinaires, et Le livre d’or de Jan la question de la disparition, la nouvelle pièce d’Hubert Colas s’interroge sur nos peurs, ce qu’elles sont aujourd’hui, les situations et les comportements qu’elles créent. Et quelle langue peut les porter.
L’obsession est toujours de cet ordre : déchirer le rideau invisible qui nous sépare de la matière, ouvrir une troisième dimension à l’oeil, au corps, à l’oreille du spectateur. Surtout à l’oreille, peut-être, dans le théâtre d’Hubert Colas, car c’est d’abord le texte ici qui crée un monde, à condition qu’il parvienne, dans le corps des acteurs, au régime maximum de sa puissance.
Serait-ce exagéré de dire qu’ici tout est pour le texte oralisé, que même les décors, même les lumières, tout doit converger vers ce point d’écoute où, du secret sonore des phrases peut naître l’écho de notre monde à nous ? Or justement, cette nouvelle pièce voudrait parler de notre monde à nous, en tout cas, d’un morceau de lui, qui serait la peur. Il est probable que la peur ait trouvé « de nos jours », comme on dit, de nouveaux lieux où se loger, de nouvelles fables où se cacher : il appartiendra au texte de les faire résonner sur la scène. Mais le principal souci d’Hubert Colas serait encore ailleurs, à savoir comment la peur se répercute dans la langue elle-même, comment la peur devient une phrase qui fait trembler l’édifice d’un corps et d’une voix, comment la peur devient une présence logée dans le langage, dans la syntaxe elle-même, dans ses arrangements et ses ruptures, comme autant de pierres réfractaires capables de renvoyer vers nous, spectateurs, les particules émises, ainsi nous faire participer à cette enquête infinie de la sinuosité de nous.
Avancer la peur au ventre dans le monde de la peur. Etat d'une vie qui demande qu'une langue soit créée pour comprendre ce qui nous déroute. (de l'inconnu de cette vie.) La peur saisissant nos entrailles comme un Anthropophage, j'en mords à pleines dents un morceau. Je ris de voir s'éloigner un moment d'angoisse. Aussitôt disparu, et à peine désignant du doigt sur la paume de ma main le morceau de chair que d'autres prédateurs s'en emparent et le dévorent. J'ai cru mourir mille fois de ces peurs intimes qui bouleversent nos vies sans pouvoir une seconde en comprendre la naissance. Je guette maintenant armé de flèches la moindre figure de mes peurs. J'assiège, torturé par tant de déroutes, les remparts du silence pour y découvrir l'être qui m'anime.
Hubert Colas
« Cette belle création, en nous faisant retraverser le nuancier de nos peurs, nous induit à rester dans nos mouvements, malgré la pétrification qui nous menace quand nous regardons le monde, et qu’on n’y voit que le désastre de sa fin annoncée. Hubert Colas après Le Livre d’or de Jan qui était l’histoire d’une disparition, s’approche plus encore de ce qui de la mort et du désir se joue de nous. » Mouvement
« Une troupe jeune, qui n’a pas oublié que le théâtre était corps avant d’être texte. (...) Il n’y a pas d’histoire ici. Juste un groupe social donné, qui n’est présenté que dans les peurs alimentées dans les relations avec autrui, et le plus souvent exprimées dans une parole unique, libératrice, intérieure. » Artistik Rezo
« Une toile redoutable entre les mailles de laquelle on se perd pour mieux se retrouver face à ses propres peurs. (..) Hubert Colas pointe vers la part d’ombre qui nous habite tous, et signe par là une œuvre qui, sous la forme d’une hantise persistante, peut nous travailler durablement. » Toute la culture
« Il ne s’agit pas de visions horrifiques façon Pommerat ou d’ambiances terrorisantes façon Grand-Guignol. La peur, ici, est, parce que mise à distance, observable, comme une tumeur arrachée d’un corps malade et posée sur le plateau du chirurgien. » Le Souffleur
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