Sur les traces de Dinozord est une re-création de Dinozord : The Dialogue Series IV, une pièce de 2006 imaginée pour le festival New Crowned Hope à Vienne. Cinq ans après, Faustin Linyekula retrouve son équipe éparpillée entre la France, la Belgique, la Suède et le Congo et revisite ce carnet d’un retour dans sa ville natale, Kisangani, à la recherche des ruines et des rêves.
Le clown Kabako s’en allait par les routes des villes et des villages, vendant non pas des rires ou des larmes, mais des bouts de rêve. Sa besace pleine de poèmes, partout il chantait : ‘Je suis Kabako, c’est moi Kabako, encore Kabako, toujours Kabako, et c’est quand il y a Kabako que Kabako devient Kabako’. Alors surgissaient des ruines des champs brûlés l’insouciance des enfants rassasiés et la grâce des belles femmes, la douceur des rois justes.
Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le premier acte. A l’aube ne restait pourtant des chansons qu’une oraison funèbre, Kabako est mort de la peste. Vive Kabako, ne restaient des fées que des fragments de visages et de voix : il était une fois Vumi, condamné à mort pour haute trahison. Il était une fois Aimé, Jean-Paul, Akim, Mobutu, Kisangani, République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, ex-Congo Belge, ex-Etat indépendant du Congo. Il était une fois sous la croûte des noms et des lieux familiers l’espérance d’un nouveau conte enchanté.
Faustin Linyekula
Musique : W. A. Mozart (Requiem, excerpts) - Charles Lwanga Choir of Kisangani, Joachim Montessuis (Nierica), Arvo Pärt (Pari Intervallo, Redeuntes in mi, Trivium, Annum per Annum), Jimi Hendricks (Voodoo Chile.
- Pourquoi t’appelle-t-on dinosaure ?
- Parce que je suis le dernier de ma race. Dernier de ma race comme la dernière bouteille de bière fraîche dans une ville à l’orée de la civilisation. Dernier de ma race comme le dernier sourire d’un braqueur de banque à l’agonie, emportant à jamais avec lui le secret de ses trésors. Dernier de ma race comme la dernière tirade de Molière, le Requiem de Mozart, le dernier cachet du virtuose. Dernier de ma race comme la toute dernière mandarine s’agrippant encore obstinément à un arbre rabougri alors que la saison des sécheresses déjà revêt le paysage de sa funeste robe brune. Comme la dernière brique de sperme avant l’andropause. Comme le dernier roi d’une courte dynastie. La dernière énigme du mystère. Le dernier bateau sur le fleuve. Dernier baiser. Dernier sommeil. Dernier amour. Dernier plaidoyer au pied du dernier échafaud du tout dernier des gamins-apprentisdictateurs.
- De quelle race es-tu ?
- De la race des chiens
- Plutôt bête, ça !
- Je veux dire de la race des chiens du roi, de la race des chiens-fous-du-roi, de la race des chiens poètes, de ceux qui naissent la danse dans les jambes et la foudre dans le regard, la race des poètes-saltimbanques, des sopranosscalpeurs, de ceux qui sont nus sur la place publique sans en éprouver aucune sorte de gêne qu’on ne sait plus s’il les faut dire innocents ou pervers. Je suis de la race de ceux que l’on condamne à mort pour le restant de leur vie les yeux fermés, le nez pincé et le visage détourné. Je suis le vomitorium de la République.
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