En néerlandais surtitré.
Ivo van Hove s’est d’abord fait connaître par ses versions théâtrales de grands scénarios filmiques signés Cassavetes, Bergman ou Duras. The fountainhead aurait pu être l’un de ces scénarios : l’auteur du roman, l’américaine Ayn Rand, l’a adapté elle-même pour le cinéma. Cette fois-ci, van Hove a voulu repartir de l’œuvre originale, publiée en 1943. Van Hove lut les 700 pages du texte « presque d’une traite » et prit sa décision aussitôt. Une question essentielle pour lui, posée et résolue avec une netteté presque didactique par Ayn Rand, avait d’emblée retenu son attention : « Quelle est l’essence de la création ? »
Selon Ayn Rand, toute entrave imposée à la liberté créatrice du talent individuel est à proscrire. En conséquence, l’altruisme, sous son masque de générosité, n’est qu’une des formes les plus insidieuses de l’aliénation, par laquelle l’individu créateur se laisse persuader de sacrifier sa force et sa supériorité sur l’autel d’un prétendu « intérêt collectif ». En revanche, si ce créateur-artiste tient bon et protège sa singularité en assumant jusqu’au bout son « égoïsme », il peut dès lors accomplir son œuvre et se montrer du même coup d’une réelle utilité pour ses congénères. L’être humain qui se porte à la hauteur de son don pour réaliser la tâche qui lui est assignée est ainsi une « source vive » (fountainhead) dont découlent les seuls éléments d’un progrès réel s’accumulant à travers les âges, pareils aux gratte-ciel dont l’ensemble a construit peu à peu la beauté inouïe du skyline new-yorkais.
Howard Roark est un tel héros de la création. Étudiant en architecture, il est confronté à un choix décisif : soit renoncer à son originalité, soit être expulsé de la faculté. Roark n’hésite pas un instant. Prophète et martyr de sa vérité, jamais il ne fait de concessions. Son art est à l’image de son intégrité : tout d’un bloc, à prendre ou à laisser. Pas étonnant qu’un homme d’une telle nature soit montré par Ayn Rand attaquant lui-même le granit à coups de marteau-piqueur dans une carrière. Peter Keating, son condisciple, croit faire le choix inverse : faire ce qu’on attend de lui, admettre la négociation, s’intégrer au système et en tirer profit tout en servant la collectivité. À vrai dire, Keating n’est pas confronté au même choix que Roark – car il est dépourvu de véritable puissance créatrice. Mais plutôt que de l’admettre, par ambition et vanité, il s’aveugle et manœuvre pour usurper une position qui ne devrait pas lui revenir...
Tout au long de son énorme best-seller, Ayn Rand détaille les tribulations de l’homme de pierre qu’est Roark, livré aux attaques et au ressentiment des hommes de papier qui l’entourent : dessinateurs, plumitifs en tous genres, juristes et autres parasites. Ivo van Hove, lui, a voulu rendre leurs chances à tous les combattants. Plutôt que de condamner Keating d’entrée de jeu, il a choisi de « réévaluer » la position qu’il adopte. Et tout au long de la démonstration qu’a construite la romancière, l’homme de théâtre a disposé ses propres questions, comme autant de charges explosives pour ébranler son édifice de certitudes : « L’art doit-il accepter de s’impliquer dans la vie de tous les jours ? L’artiste doit-il être isolé ? Comment survivre en faisant des productions artistiques à l’intérieur du système ? » Sa réponse de metteur en scène, créée en juin 2014, fit peu après l’événement au Festival d’Avignon.
Texte, dispositif scénique, jeu des acteurs, enjeux politique et poétique : excellents !
Très bon
Performance scénique totalement bluffante: c'est à fond pessimiste, mais tellement clairement et simplement exprimé que l'on ne peut qu'admirer. La sonorité de l'ensemble, sa visibilité, les mouvements d'acteurs et leur présence à chacun, tout est parfait mais on n'est pas obligé de suivre Ivo van Hove dans son "jusqu'auboutisme", tout le monde n'est pas forcément une source vive prête à détruire ce qui n'est pas elle
Superbe adaptation de ce roman qui m'avait tant frappé étant étudiante. Caractérisations si justes, esprit, véhémence; l'utilisation du plateau, de l'écran, des dessins en construction, les enchaînements de l'action... Et puis la ponctuation musicale ... Un moment mémorable!
Pour 5 Notes
Texte, dispositif scénique, jeu des acteurs, enjeux politique et poétique : excellents !
Très bon
Performance scénique totalement bluffante: c'est à fond pessimiste, mais tellement clairement et simplement exprimé que l'on ne peut qu'admirer. La sonorité de l'ensemble, sa visibilité, les mouvements d'acteurs et leur présence à chacun, tout est parfait mais on n'est pas obligé de suivre Ivo van Hove dans son "jusqu'auboutisme", tout le monde n'est pas forcément une source vive prête à détruire ce qui n'est pas elle
Superbe adaptation de ce roman qui m'avait tant frappé étant étudiante. Caractérisations si justes, esprit, véhémence; l'utilisation du plateau, de l'écran, des dessins en construction, les enchaînements de l'action... Et puis la ponctuation musicale ... Un moment mémorable!
Mise en scène inventive, époustouflante. Pièce forte, message coup de poing.
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.