Depuis bientôt quinze ans, Didier Galas travaille sur, avec, autour de la figure d’Arlequin. Trickster est le deuxième spectacle, après Monnaie de singe, qu’il consacre à ce personnage farfelu et farceur dont le nom est pourtant hérité d’un certain Hellequin ou Hierlequin, démon sanguinaire qui hantait les forêts médiévales.
Pourquoi Arlequin ? Parce qu’il est, selon Didier Galas, « l’inventeur du théâtre, » un théâtre où il n’y a rien d’autre que les tours (les « tricks ») des valets de scène comme dans les fameuses Fourberies de Scapin. Dans Trickster donc, les tours sont nombreux et les paroles se font rares. Ce sont plutôt onomatopées, improvisations sonores, bégaiements, qui ont pour tâche de décoller la parole du sens pour arriver à de purs enjeux mélodiques.
Trickster prend donc le théâtre à son point de départ : des gestes, des sons et des masques. On imagine dès lors que voici un solo sacrément virevoltant, qui utilise le rire et l’anticonformisme pour saper l’ordre et les valeurs traditionnels. Mais l’Arlequin de Galas ne sort pas seulement et tout droit de la commedia dell’arte. Il est un hybride qui ferait appel aussi bien à son double démonique Hierlequin, qu’à Ahmed – le personnage de valet contemporain inventé par le philosophe Alain Badiou qui se pose des questions sur le théâtre – ou qu’à quelques figures masquées chinoises et japonaises, pays où Galas a longtemps travaillé.
Dans Monnaie de Singe, Arlequin rencontrait le valet japonais Taro-Kaja et le roi chinois des singes Sun Wukong. Dans Trickster, la rencontre est plus physique : Buto, Nô et danse de l’Opéra de Pékin servent de point de départ à la folie physique d’Arlequin qui peut virer à la transe. Car un valet de théâtre, comme on sait, ça se contrôle mal.
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