Au chômage, malmenée par une société qui ne veut pas d’elle, une femme simple vit une métamorphose compliquée dont elle dépeint toutes les étapes. Elle se fait truie. Tripotée par un patron qui l’embauche pour l’élasticité de sa poitrine, elle voit ses chairs se raffermir, son appétit croître. Elle grossit, se transforme.
Femme-cochon, elle prend conscience de sa place dans le monde. Place plus oumoins humaine, peu à peu porcine. La marginalité. Elle met bat des porcelets, s’éprend d’un loup. Elle subit ce qu’ils font d’elle, les autres, compagnons, amants, collègues. Et elle répond. Figure mythique de la scène, le créateur d’origine argentine Alfredo Arias s’empare de Truismes. Après les récents Trois tangos et Tatouage, l’interprète du Frigo de Copi, ou du rôle-titre dans Madame de Sade de Mishima, tranche ici dans le vif de l’humain bousculé sur un globe capitaliste où la consommation prime et le rendement prévaut sur tout.
Devenir femme-cochon : sortie possible pour recouvrer un regard et une façon d’être au monde. Arias saisit le conte, le transforme, crée des images nouvelles et rapporte d’autres sens à la farce mordante, la module en fête macabre, en une fable généreuse. Avec Arias, la truie de Truismes, comme le cafard de Kafka ou l’Elephant man de Lynch, révèle le monde d’en face, celui où le monstre naît et grandit.
Premier roman, sortie phénoménale : Truismes, en 1996, fait scandale et fait date, impose Marie Darrieussecq comme l’un des auteurs primordiaux de la fin du siècle. Fin d’un temps, fin d’un monde. Mais pour l’auteur du Bébé, ou de Tom est mort, l’écriture est un humanisme : « Il s’agit de quitter sa peau et d’aller vers l’Autre. » Dans altruisme, il y a truisme. Finaliste pour le prix Goncourt, droits achetés par Godard, Truismes révèle un écrivain rare, en phase avec lespolémiques et les violences de son temps.
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