« Comment une entreprise allemande a rendu techniquement possible l’extermination de millions de personnes »
Un Siècle d'industrie décrit minutieusement la vie d'une petite entreprise allemande qui fabriquait des fours crématoires pour les camps d’extermination nazis ; elle révèle le cheminement quotidien par lequel, n’importe qui peut arriver à participer activement à un génocide. C’est une pièce contre la négation et la révision du passé. Elle nous confronte au processus de mise en oeuvre politique, idéologique et technique du génocide et à la participation des individus à ce processus.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le vétéran Otto Krüg rentre dans la firme Kolb, un industriel spécialisé dans le traitement des déchets. Durant les années 20, l’entreprise Kolb échappera aux crises économiques qui déferlent sur l’Europe. Pendant ce temps, le contremaître Ritter oeuvre au sein de l’entreprise pour la sauvegarde « de l’honneur et du sang allemand » pour finalement rejoindre les rangs des SS. 1930, Krüg vit une histoire d’amour avec Gertha Kolb, (la femme du directeur)... En 1940, il assurera le développement de la firme en ramenant un nouveau marché : celui du crématorium de Magdebourg. La SS demande des performances techniques de plus en plus hallucinantes à Krüg. Il est amené à accroître la capacité des fours crématoires et à collaborer à la mise au point des chambres à gaz. Mais les Russes et les Américains gagnent du terrain. Krüg sent que la « guerre contre les Juifs » est perdue. Kolb se suicide. Ritter disparaît dans le Goulag. Gertha survit et témoigne aujourd’hui de l’Histoire.
Cette pièce est librement inspirée de l’histoire de la firme Topf und Söhne et de celle de l’ingénieur Kurt Prüfer.
Ce spectacle a remporté la Mention Spéciale du Jury Prix Théâtre 13 - Concours Jeunes Metteurs en Scène 2012
« La sensibilité et l’engagement artistiques d’Hugo Malpeyre et de l’ensemble de son équipe apportent un éclairage puissant et contemporain sur des faits que sa génération a connus les livres et les témoignages de plus en plus rares des survivants. L’intelligence du regard porté sur la pièce et la surprenante maîtrise du jeu et du plateau qui l’accompagnent donnent au spectacle une théâtralité incandescente, une acuité et une actualité qui je l’espère pourront être appréciées par le plus grand nombre et par le public plus large. » Marc Dugowson, auteur
De par mon éducation et l’enseignement scolaire classique que j’ai reçu, j’ai vu comme beaucoup d’entre nous, les mêmes documentaires standards, les films classiques, lu les mêmes articles et livres qui traitent de la seconde guerre mondiale, des camps. Mais ce qui m’a touché dans Un siècle d’industrie, loin des clichés nazis des manuels scolaires, est la façon dont l’auteur décrit le processus de criminalisation de toute une société qui conduit à l’implication individuelle et quotidienne des personnes dans le crime de génocide. L’auteur ne réprimande pas l’Histoire mais partage avec nuances ses propres doutes avec subtilité et paradoxalement beaucoup d’humour oxygénant les scènes.
Je veux challenger le spectateur, qu’il réfléchisse, qu’il se pose lui aussi certaines questions. Pas de morale ni pathos ni réponses (d’ailleurs je ne les ai pas). Je veux confronter l’audience au processus de mise en oeuvre politique, idéologique et technique du génocide et à la participation des individus à ce processus. Il faut que le public soit face à deux mondes qui cohabitent (acteurs/spectateurs) et qui s’entrechoquent.
Cette entreprise qui s’était placée au coeur du processus d’extermination de masse des Juifs d’Europe n’appartenait pourtant pas aux organisations criminelles d’Etat de l’Allemagne nazi. Elle a cependant rendu techniquement possible l’extermination de millions de personnes. Donc, plus de 70 ans après, l’Histoire et la Morale nous ont permis ainsi qu’aux dirigeants d’Etats de tirer les conclusions du plus grand génocide mondial d’hier.
Lorsque l’on constate aujourd’hui les génocides, tel reste le cas en Arménie, au Rwanda et au Tibet, on entend certains prétendre d’avoir appris de ces leçons de l’Histoire. Pourtant, nous sommes sincèrement en mesure d’affirmer que nous avons tout mis en oeuvre pour éviter les potentiels génocides de demain…
Si le nazisme est ce qui est décrit dans cette pièce, alors, les nazis nous entourent partout aujourd’hui. Ils sont peut-être mêmes dans la pièce où vous me lisez à cet instant et n’ont pas forcément le profil type du blond aux yeux bleus, puisque ce pourrait être nous.
Hugo Malpeyre
« Tous contribuent à la réussite d’un spectacle esthétiquement abouti qui donne à voir les protagonistes de ce drame pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des marionnettes de l’Histoire... On reconnaît un metteur en scène prometteur à la façon saisissante de suggérer le basculement du destin de certains personnages ou de représenter la catastrophe finale. » Fabrice Chêne, Les Trois Coups
78, rue du Charolais 75012 Paris