Les femmes et le roman
La presse
Laissez-moi imaginer ce qui serait arrivé si Shakespeare avait eu une sœur merveilleusement douée, appelée, mettons Judith. Telle est la proposition qui sert de fil discret à la conférence que Virginia Woolf prononce en 1928 devant les étudiants de Cambridge, intitulée Les femmes et le roman.
Mais quel rapport entre le texte Une chambre à soi et une conférence universitaire ? Apparemment aucun tant la pensée de l’écrivain avance et se brise, saute et se démultiplie en un foisonnement de questions (comme Pourquoi les hommes boivent-ils du vin et les femmes de l’eau ? Pourquoi un sexe est-il si prospère et l’autre si pauvre ? Quel est l’effet de la pauvreté sur le roman ?)* s’ouvre comme autant de fenêtres sur le monde qui l’entoure, où l’auteur puise des images qui se font écho, se creusent et se croisent, faisant surgir quelques bribes de vérité sur la femme et la création mais aussi et surtout sur les rapports du poète avec la réalité dans toutes ses complexités.
Cet essai fut un livre emblématique dans les années 70. Il a servi de référence pour la réflexion de toute une génération de jeunes femmes créatrices. Certes, aujourd’hui, la situation a changé (Oui ? Sûr ? Vraiment ?) et ces mots qui furent des brûlots, sans doute faut-il les réinventer : chaque fois qu’il est question de sorcières à qui l’on fait prendre un bain forcé, ou de femmes possédées par les démons ou de rebouteuses qui vendirent des herbes, je me dis que nous sommes sur la trace d’un romancier, d’un poète en puissance, de quelque Jane Austen silencieuse et sans gloire*.
Mais outre qu’il est bon de comprendre d’où l’on vient pour assumer l’héritage, aujourd’hui sans doute pouvons-nous rire avec un peu plus de légèreté du regard souvent caustique que la romancière jette sur la société, se laisser surprendre par une Virginia gourmande, qui n’est pas seulement cette femme éthérée et dépressive à laquelle on l’a souvent réduite (elle aime le saumon, le bon vin et les cigarettes écrit-elle ici) et surtout mieux entendre qu’Une chambre à soi est peut-être avant tout le lieu intime de toute création et particulièrement le creuset intérieur très intense où a germé l’écriture des plus grands romans de cet écrivain qui au même titre que Proust ou Joyce a ouvert la Modernité. Tous ces livres avec lesquels après les avoir lus, on voit que le monde a été dépouillé de son enveloppe, doué d’une vie plus intense*.
Revivre ces quêtes d’hier, rire d’un regard posé sur le monde, questionner, atteindre la beauté et l’étrangeté d’une écriture, c’est dans ces territoires qu’une grande comédienne, Edith Scob, exigeante et précise, inattendue et poétique, singulière et pourtant ancrée dans la réalité nous emmène.
Anne-Marie Lazarini et Sylviane Bernard-Gresh
* (in Une chambre à soi)
Traduction de Clara Malraux (Editions Denoël), adaptation de Sylviane Bernard-Gresh.
"Dans un espace superbe, immense bibliothèque imaginée par François Cabanat, la voix enchantée d’Edith Scob s’accorde parfaitement à celle qu’on imagine de Virginia Woolf d’une intelligence aussi lumineuse que douloureuse. Un être curieux de tout dont la pensée roule sans cesse sur elle-même comme les volutes de la fumée de ses cigarettes." Armelle Héliot Le Quotidien du médecin
"Le cadre chaleureux donne le ton : on va parler livres. Un texte d’une grande modernité, une passionnante réflexion avec un humour parfois féroce." Nathalie Simon Le Figaro
"De la difficulté d’être créatrice au féminin… Le récit, conférence et confidence tout ensemble, drôle et savant simultanément, est interprété par la mystérieuse Edith Scob." Fabienne Pascaud Télérama
"Edith Scob révèle l’âme d’un auteur, d’une créatrice, d’un poète. Indiciblement légère et cependant d’une présence pleine et entière." Didier Méreuze La Croix
"Une représentation très réussie, orchestrée avec finesse et intelligence par Anne-Marie Lazarini." Agnès Santi La Terrasse
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