Des bombes, les murs ont vacillé. Je suis en nage. Depuis le jour où j’ai aidé à dégager des corps ensevelis, je lutte contre l’angoisse de la mort. Ce sont toujours les mêmes symptômes. D’abord la sueur qui perle au front, les lancements dans la moelle épinière, les tiraillements dans la nuque, puis le palais qui se dessèche et les battements syncopés du cœur. Je me demande combien de morts j’ai déjà vu. Le premier c’était monsieur Schermann. J’avais cinq ans, lui soixante-dix.
Cette mort-là était simple et belle.
Mais je n’ai jamais vu mourir. Une expérience que je ne tarderai sans doute pas à faire. Qu’elle puisse me frapper moi, je n’y crois pas. J’ai déjà frôlé la mort tellement de fois que je me sens épargnée par elle. C’est un sentiment qui habite sans doute la plupart des gens. Comment expliquer sinon cet entrain toujours vivace en plein cœur de la mort. Chaque jour nouveau qui nous trouve en vie est un jour de triomphe.
D'après un texte anonyme.
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