La genèse d’une oeuvre dramatique
L'écriture de Pellet
Construire sa vie, bâtir une oeuvre : une errance
Potraits et autoportrait
Le texte de Christophe Pellet raconte la genèse d’une oeuvre dramatique. Anne Engstrandt est écrivain – elle revoit son ancienne amante, Sylvana Pintozzi, actrice fameuse, mais sur le déclin, dans un vieux théâtre délabré dont celle-ci est propriétaire. L’actrice déchue veut refonder ce théâtre, mais hélas, elle tombe dans le vide et meurt, peut-être poussée par son jeune amant, le « petit renard », étrange silhouette, errante et mutique. C’est la première partie intitulée Une Nuit dans la Montagne.
Anne Engstrand revient dix ans plus tard dans ce lieu avec une jeune architecte, Hilde qui fera de ce vieux théâtre un restaurant. Un nouvel amour, un nouvelle aventure, un nouvelle vie. Elle aperçoit soudain le « petit renard » - celui-ci a retrouvé mystérieusement la parole. C’est la seconde partie : Un Château dans les Nuages.
Enfin, l’épilogue Le Jour de la Résurrection : le lieu est redevenu un théâtre, dirigé par une femme d’âge mûr, Julia Rees. Hilde apparaît alors, éteinte, un manuscrit à la main, seule, Anne ayant disparu. On découvre que le manuscrit est la pièce de théâtre qui racontera l’histoire (d’amour et de création) de Sylvana, d’Anne, du « petit renard », et de Hilde.
Par le Théâtre de l’Erre.
On aura compris : Pellet écrit cette pièce avec les moyens apparents de l’écriture dramatique académique, en nous exposant une fable, avec des personnages précis pourvus de noms, d’intention et de sentiments, une progression dramatique structurée en trois tableaux (inscrits dans un même lieu : un théâtre) et étalée sur une durée assez longue (17 ans). Pellet est un grand cinéphile et il a reçu une formation de scénariste à la FEMIS – ce n’est pas sans influence sur son rapport littéraire au théâtre et en subtil écrivain, il sait s’amuser des conventions d’écriture, en explorant comme un clin d’oeil rusé et distant, les formes jugées désuètes (un peu comme Fassbinder avec Lili Marleen). Cet académisme de surface devient à cet effet un enjeu aussi considérable que décisif en matière de mise en scène.
Une nuit dans la montagne – le titre vient tout droit de la pièce d’Ibsen, Quand nous nous réveillerons d’entre les morts. La « Montagne » à gravir – symbole de l’épreuve sublime de l’ascension des hauteurs - était l’enjeu des personnages de Quand nous nous réveillerons d’entre les morts. C’est sans aucun doute une belle métaphore, poétique et romantique, qui vise à souligner combien le fait de vivre pleinement est selon Ibsen une « mégalomanie ». Pellet reprend cette problématique existentielle tout en « jouant » avec le texte d’Ibsen : peut-on vraiment construire sa vie conformément à son désir ? Le texte nous fait errer, entre réalisme et onirisme, à travers des situations où les personnages essaient de construire quelque chose de leur vie : un théâtre, un restaurant, un amour. Construire sa vie, bâtir une oeuvre, errer sur ces territoires, c’est en quelque sorte gravir « la Montagne » comme l’exprime Ibsen. S’affronter, se dépasser soi-même, combattre.
Mais Pellet traite également de l’état de création au terme duquel éclot une oeuvre. L’intention littéraire de Pellet est donc d’exposer comment une oeuvre émerge au fil temps, au fil du passage des êtres et du tissage des relations : montrer le déroulement invisible, intime et vivant d’un processus de création. Placer l’oeuvre d’art au carrefour des rencontres, dans un fil de transmission, un fil d’éros où l’amour et la création mêlent. Et c’est ça qui intéresse avec force Jacques David : mettre en scène le intime de cette trajectoire d’instants où se nouent des états de désir confondus avec états de création, conscients ou inconscients. La vie qui se convertit en oeuvre, chose, en art.
Pellet avec Une Nuit dans la Montagne offre des portraits comme aimait le faire Ibsen lui-même - des portraits d’individus qui aspirent à la liberté. Gravir cette « Montagne » : c’est bien sûr assumer la « folie » de cette liberté qui vient se fracasser d’une manière ou d’une autre sur la société. Portraitiste littéraire et dramatique femmes - il dessine des portraits en devenir ; la liberté, c’est du mouvement et Pellet dessine ces mouvements sur des longues durées.
Et nul doute que Pellet ait, là aussi, en écho à Ibsen, dessiné le sien, son autoportrait. Anne Engstrandt, c’est lui. C’est donc son rapport à l’écriture qu’il convoque et qu’il éprouve sur un plan littéraire. Aussi la pièce fourmille-t-elle de références à l’oeuvre d’Ibsen que l’on peut deviner au fil de la lecture. Le texte est bien le fruit de ce qu’il nomme alors une filiation, une perpétuation du plaisir de lectures éprouvées ».
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