Voyage à travers le langage
Durée du spectacle
Le mot du metteur en scène
Extraits
" J’écris par les oreilles. Pour les acteurs pneumatiques. […] Bouche, anus. Sphincters. Muscles ronds fermant not’tube. […] Mâcher et manger le texte. Le spectateur aveugle doit entendre, croquer et déglutir, se demander ce que ça mange là-bas sur ce plateau. "
Poursuivant la quête de Beckett et de Ionesco vers un théâtre de l’absurde, Novarina nous invite à un voyage à travers le langage, un périple au coeur des mots où chacun d’eux devient une matière que l’on goûte, que l’on mâche, par laquelle acteurs et spectateurs sont traversés.
Le texte parvient aux spectateurs non comme un discours construit, mais par des chemins inhabituels : des images abstraites émergent, l’esprit est piqué au vif et l’expérience devient jubilatoire car les mots sont enfin réincarnés, l’acteur leur ayant donné chair pour les offrir au public.
Il en résulte un théâtre que l’on pourrait qualifier de “déconstruction”, mais qui aboutit au comique et au rire. Un comique qui provient de l’émerveillement devant la redécouverte des mots, comme de joyeuses retrouvailles avec l’origine du langage, comme une réconciliation avec le vide de notre existence. Et soudain, la terre et toutes ses misères nous paraissent moins pesantes.
Le texte original de Vous qui habitez le temps dure environ 3 heures. Soucieux d’offrir au public le plus large l’accès à l’écriture résolument novatrice de Valère Novarina, nous jouerons au théâtre de Ménilmontant un spectacle d’une durée de 2 heures. Certaines scènes ont donc été mises “en attente” en vue d’une prochaine programmation de l’intégralité de la pièce.
Se confronter aux textes de Novarina, c’est avant tout aller au coeur du langage. Le chemin que j’ai voulu emprunter avec les acteurs était forcément instable et pour le moins déroutant. Comment trouver un pilier assez solide pour que la tentation du sens ne vienne pas empêcher le véritable saut dans le vide, au solstice, là où tout a lieu ?
Je me suis donc lancé à la recherche de cette petite musique vocale propre à chacun avec un véritable impératif : celui de partir de l’acteur avant tout. Là où nous devons nous rendre, tout est en musique. Il nous a fallu penser en terme de flux, de couleurs, de sonorités, de souffle.
Valère Novarina écrit d’oreille : nous avons donc développé notre mémoire auditive et cherché le souffle sacré, pur et continuel qui donne vie aux choses et aux objets. Tel le poète qui profère, j’ai cherché dans cette direction les couleurs de voix les plus vivaces comme les plus tourmentées.L’acteur appelle afin que les choses soient, que l’espace s’ouvre afin que l’espace s’ouvre et que, sur la scène du théâtre mental, la représentation ait lieu : ”Appelons-nous les choses pour qu’elles viennent ? Appelons-nous les choses pour qu’elles soient ? “ dira L’Homme Aux as " .
L’acteur appelant frappe sur chaque mot jusqu’à l’ouvrir afin d’en extraire la matière. C’est un travail épuisant, jusqu’à la naissance du mouvement sous l’impulsion du langage.Car ce n’est pas le geste qui précède le mot, mais bien l’inverse. Je souhaitais trouver chez l’acteur cette énergie capable d’ébranler le corps.
Plus j’avançais dans le travail, plus l’évidence du plateau nu se faisait sentir, avec pour unique trace sur le sol, un cercle (ou anneau) de 6 m de diamètre comme expression du vide et du plein, de l’extérieur et de l’intérieur, du dehors et du dedans. Le cercle est finalement ce qui circonscrit, mais que se passe-t-il au-delà de cela ? Pour répondre à cette question, j’ai demandé aux acteurs de ne pas y porter attention, afin qu’au hasard de leurs déplacements et de leurs mouvements, le rapport à l’anneau soit le plus juste possible et puisse s’exprimer de lui-même.
L’univers des textes de Valère est clownesque, rempli de couleurs vives, avec des costumes en décalage et pour le moins inattendus, surprenants, en rupture avec nos habitudes vestimentaires. La musique aussi a toute sa place. L’accordéon est un instrument à vent qui ne se prend jamais vraiment au sérieux.
Refrains niais et rythmes idiots ont été recherchés pour leur accord avec les discordances du texte dont l’acteur, s’étant mis à jouer d’oreille, fait surgir les résonances dans un véritable état de grâce.
Le veilleur : " Nom inscrit dans les yeux que vous avez dans yeux : Jean Veto " .
L’enfant des cendres : " S’il vous plaît, passez-moi mon cadavre ! "
Le veilleur : " Reculez ! Avancez !… Avez-vous toujours mal aux yeux quand je ferme les miens ? Si oui dites non, si non dites depuis combien de temps vous ne me voyez plus " .
L’enfant des cendres : " Dites d’abord si mon nom est vraiment Jean Veto ou si non. S’il ne l’est pas, affirmez moi. Cochez en nul si c’est pas le cas. "
Le veilleur : " Ton vrai nom doit être tu. "
L’enfant des cendres : " Est-ce que ma bouche tient bien dans ses paroles ? "
Le veilleur : " Je ne vois rien en vous qu’un trou vraiment désespérant. "
L’enfant des cendres : " Je ne peux plus voir aucun trou entre vous et moi, je ne peux plus voir qu’un seul souffle hors de moi.
Vous qui habitez le temps, scène IV Histoire de moi, Jean -François Zélaton et histoire de la femme au blondeau précédée des aventures du carnupèdre d’Antioche dont voici la suite moche. "
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