En allemand, surtitré en français.
« Attention, place au nouveau roi ! » La nuit même où Donald Trump était élu président des États-Unis, Elfriede Jelinek a entamé l’écriture de sa nouvelle œuvre. Mais Am Königsweg est très loin de se réduire à un règlement de comptes entre le “génie stable” du milliardaire américain et l’écrivaine autrichienne, prix Nobel de littérature 2004 : elle est la pièce politique du moment. Peu importe le nom réel du dernier souverain en date, il porte ici assez de titres – il est le champion, le vainqueur, le guide, le triomphateur, le père, le mâle, le sauveur, le dieu. Il incarne une histoire millénaire : celle de l’autoritarisme, de l’exclusion, de la violence, de la haine agressive de toute pensée.
D’où cette histoire nous revient-elle, se demande Jelinek avec une humble perplexité non dénuée d’autodérision, et comment ne l’avons-nous pas vue revenir, “alors même que des millions en ont crevé” ? Dès le début du spectacle, elle fait son entrée en prophétesse aveugle, saignant de la bouche et des yeux, n’y voyant pas plus clair que Sa vulgaire Majesté, car tous sont également aveugles dans ce jeu de massacre qui tient du music-hall et du radio-crochet, du reality show obscène et du goûter d’anniversaire, du freak show foireux et du spectacle de marionnettes.
Film gore, péplum trash, dessin animé à la gloire d'un super-Ubu aussi clownesque que terrifiant, la revue rageuse, poétique, burlesque d’Elfriede Jelinek est exaltée par la mise en scène baroque et provocatrice de Falk Richter.
« Falk Richter rend hommage à cette écriture en la travaillant comme un corps qui rend dingue, – de cette dinguerie que l’on ressent face à ce qui nous dépasse. Au « comment en sommes-nous arrivés là ? » d’Elfriede Jelinek, il répond par une mise en scène où les styles les plus différents se catapultent, où les images se chevauchent, où les écrans se superposent. (...) Ils sont huit, et, parmi eux, il y a un trésor : Ilse Ritter. » Brigitte Salino, Le Monde, 22 février 2019
Place de l'Odéon 75006 Paris