Un repas de famille ordinaire ou presque
Un espace nu ou à peu près
Les personnages
La presse
Les parents, Margareta et Henrik, à l’aube de la soixantaine, et leurs deux filles - Ann et Ewa, la quarantaine - conversent autour du potage à l’avocat et du pâté en croûte.
Ce soir pourtant, la conversation dérape : Ann, la cadette, met les pieds dans le plat. Poussant tout le monde à bout, elle oblige chacun à se mettre à table. Peu à peu, les bienséances bourgeoises se défont, les masques tombent les uns après les autres. Une famille cellulaire, où les sentiments de domination, de jalousie, de culpabilité, les questionnements s’exacerbent.
Toutes les figures, toutes les combinaisons de duels ou de duos s’y déclinent : rivalité entre les deux soeurs, hostilité ouverte de la cadette pour sa mère (et inversement), solidarité de la fratrie face aux
parents, désamour des parents,…
Pour chacun des membres de cette famille dévorante, le rituel du repas est l’occasion de plonger dans son histoire familiale, à travers le prisme de sa propre sensibilité. Les souvenirs ne sont pas les mêmes pour chacun. Margareta la mère se souvient, attendrie, de sa petite Ann qui portait de si merveilleux vêtements. Ann, se souviendra, elle, de ses horribles uniformes qui faisaient d’elle une copie de sa mère.
Au fil des plats et des sujets de conversation — argent, salade,éducation, dessert, réussite, café, regrets, le tout bien arrosé — chacun met à nu sa propre histoire.
Et sous-jacent, des enjeux fondamentaux : qu’en est-il de l’individu au sein de la famille, de sa place, de sa liberté, de son libre arbitre ? Comment couper le cordon et accéder enfin à l’autonomie ? omment accepter la solitude, les échecs et le temps qui passe ?
Démontant avec un humour féroce et une précision toute musicale les rituels du repas familial, Lars Norén nous plonge dans les méandres du coeur (et du corps) humain.
Par la Compagnie de l’Arcade.
Texte traduit du suédois par Jean-Louis Jacopin, Per Nygren et Marie de la Roche.
Une table de 4 mètres, dont la surface métallique très lisse, brillante, semble animée d’une vie propre : ombres, reflets, elle capte chaque mouvement et le renvoie comme un miroir. En dessous une forêt de pieds tordus. Table personnage, symbole du rituel familial, elle réunit autant qu’elle sépare : les êtres, le passé et le présent, les souvenirs. Refuge pour Ann la cadette, lieu du bonheur affiché pour Ewa l’aînée, siège de la puissance et des regrets pour Margareta la mère, résurgence des fantômes du passé pour Henrik le père, sa surface lisse renvoie chacun à sa propre histoire. Une table sur roulettes, qui glisse et tourne, égrenant irrémédiablement le temps. Une table sonorisée qui parle et gémit. Elle scande l’arrivée et l’enlèvement des plats, elle relaie les soupirs ou la nervosité des convives (raclements de couverts, bruits de verre, rythmique des gestes), enfin elle convoque les voix oubliées (la grand-mère).
Ann, la fille cadette. 38 ans. Célibataire, un enfant. Serveuse dans un bar pour pédés.
Ewa, la fille aînée. 43 ans. Mariée, sans enfant. Superbe secrétaire névrosée.
Margareta, la mère. La soixantaine. Mariée, deux enfants. Ex-bibliothécaire aussi jolie (et sourde) que Katharine Hepburn.
Henrik, le père. La soixantaine. Marié, deux enfants. Médecin mutique. Faiblesse notoire pour les After Eight.
" Automne et Hiver s'inscrit dans la tradition de ces huis-clos de crise, quand le repas dominical conduit chacun des convives à se mettre à table, et que l'alcool coulant, se distillent crescendo petites vacheries et lourds secrets de famille. (...) L'intelligente mise en scène d'Agnès Renaud donne à entendre un texte qui approfondit significativement le genre. (...) Le jeu, entre incarnation et détachement, (...) fait résonner dans une mise en scène dépouillée, l'éloquent écho de tout ce vide, de ce silence qui envahit la vie des hommes dès leur naissance, qui les sépare à jamais. " Eric Demey, La Terasse
" Le respect des trois règles fondamentales, unité de temps, de lieu et d'action, donne plus d'intensité encore à ces échanges pleins de fiel entre les parents et leurs deux enfants quadragénaires.
Le huis clos pousse les reparties jusqu'au paroxysme au gré d'un texte fort, dense, brillant qui évolue en dents de scie, entre la fièvre et l'apaisement, l'affrontement et la paix. Au dénouement, chacun a repris sa place initiale comme si rien ne s'était passé dans cette société bourgeoise fondée sur l'obéissance à des codes sociaux et sur la futilité des rapports humains. Derrière cette façade, les blessures restent ouvertes. Automne et hiver exploite habilement cette ambiguïté et s'impose avec éclat comme un spectacle de saison. " Fabrice Littamé, L'Union
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