Avant propos
Contre quoi faut-il encore se rebeller ?
Et ça ira quand même...
Les convulsions du siècle qui s'ouvre
La presse
Depuis ses débuts, la Tentative alterne les oeuvres de répertoire (Les fourberies de Scapin, Lorenzaccio, Maître Puntila et son valet Matti...) avec des expérimentations plus ouvertes, dans lesquelles la troupe s’efforce de dire quelque chose “en son propre nom”. Ca ira quand même appartient à cette seconde famille de spectacles, au même titre que le triptyque Pour ou contre un monde meilleur, et s’apparente même à une sorte de “quatrième épisode”, ou de “conclusion provisoire”.
Collage de textes d’après des extraits de : Vingt ans, et alors ! Contre quoi faut-il encore se rebeller ? ou Faut-il encore se rebeller ? de Don Duyns, Pour l’abolition de la société marchande, pour une société vivante de Raoul Vaneigem, Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche d'Hervé Blutsch, Pourparlers, les Intercesseurs de Gilles Deleuze.
Nous vivons un moment politique étrange, où l’indignation et la résignation face au monde font bon ménage, et semblent même se nourrir l’une de l’autre. Les clameurs en justice se perdent dans un vacarme médiatique toujours plus assourdissant et viennent renforcer un sentiment généralisé d’impuissance. Les paroles critiques manquent souvent leurs cibles, et se trouvent parfois récupérées et valorisées dans le temps même de leur énonciation, au sein d’un circuit marchand en perpétuelle expansion. Et l’on se retrouve curieusement étourdis et dégoûtés à vivre dans une société qui se proclame elle-même “libérale” et qui, comme l’écrivait Cioran, “ne s’occupe pas de vous, qui vous abandonne, vous garantit le droit de l’attaquer, vous y invite, vous y oblige même en ses heures de paresse où elle n’a pas assez d’énergie pour s’exécrer elle-même”.
C’est cette sorte de valse hésitation entre révolte et insignifiance que le projet voudrait tenter d’approcher. Après un voyage rêvé dans les utopies révolutionnaires du siècle dernier, à travers le triptyque Pour ou contre un monde meilleur, nous voulons maintenant dire quelque chose sur notre présent, et tenter d’éclaircir ce qui peut l’être... Sans tomber dans le désenchantement et le ressentiment, nous voulons opposer une vigueur intacte à la brutalité du monde.
Et nous tenterons de mener cette tâche avec la joie et l’humour qui sont, dit-on, la politesse minimale de l’art théâtral, en conservant à l’esprit la belle formule de Walter Benjamin : “ça va mal aller pour l’humanité, vraiment très mal. Comme jamais. Mais ça ira quand même...”.
Au début il y a un mur. Blanc. Six chaises au fond, six frigidaires à jardin. Et une musique d'ambiance un peu pénible. Et deux micros qui pendent du plafond. Et c'est tout.
Après, ils entrent. Ils sont six, visiblement perdus. Pour l'occasion (mais laquelle, est-ce qu'on l'a jamais su ?), on s'est bien habillé, mais ça reste approximatif.
Après (longtemps après ou tout de suite après ?) ça se met à parler, à chercher un sens à la vie. On s'indigne, on s'agite, on crie. On se demande dans quel monde on vit. Mais ça tourne court, souvent. Alors on s'excuse d'avoir dérapé, on se sert les coudes ou on se laisse tomber.
Ca dépend.
On chante aussi, un peu, pour se rasséréner. On boit un coup pour se remonter. On danse, seul la plupart du temps. On écoute des musiques dans le coup. On fait son intéressant.
Après (longtemps après ou tout de suite après ?) on ne sait plus comment faire pour dire ce qu'il y aurait à dire. On ne trouve plus ses mots.
On renonce à les chercher. On se tait. On improvise une fête. On se dit qu'on va fêter ça mais on ne sait plus quoi.
Encore après, il y a un super-héros qui arrive. Sur le moment, ça paraît parfaitement cohérent. On se dit qu'il vient sûrement sauver quelque chose, mais quoi pas les meubles, en tout cas, yen a pratiquement pas). Finalement, il renonce, et c'est bien mieux comme ça.
Évidemment, tout cela est hilarant. Comme dans toutes les farces, la situation est désespérée, mais elle n'est pas sérieuse. Même si des fois...
Mais bon, voilà, on en est là.
Et ça ira quand même.
Ça ira quand même est un écho à la trilogie Pour ou contre un monde meilleur présentée à Frictions en mai 2000. Après le voyage rêvé à travers les utopies révolutionnaires du siècle, il était temps de prendre notre époque à bras le corps et de questionner, sur la scène du théâtre, à la fois ce que le monde nous fait et ce que nous faisons du monde.
Ça ira quand même est un spectacle au présent, qui tente de saisir l'état de commotion dans lequel nous ont plongé certains événements politiques récents. C'est aussi le regard joyeux et cruel d'un groupe d'acteurs sur les convulsions du siècle qui s'ouvre, une sorte de journal "extime" où l'on tenterait de mesurer, une fois encore, comment la politique travaille l'intimité de nos vies.
(...) Le forum social européen constitue une scène idéale pour leur nouveau projet : à travers des textes de Don Duyns, Raoul Vaneigem, Hervé Blutsch et Gilles Deleuze, ça ira quand même propose de montrer comment, dans le vacarme médiatique actuel, indignation et résignation vont souvent de paire.(...). On n’est pas là pour rigoler mais Lambert et sa bande le prennent avec humour. Maïa Bouteillet, Libération
Un spectacle rafraîchissant dans sa forme, tragique pour les histoires humaines. En tout cas, à voir vivement.
Un spectacle rafraîchissant dans sa forme, tragique pour les histoires humaines. En tout cas, à voir vivement.
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris