En nous plongeant au coeur d’un univers débridé de fantasmes et d’improvisations, les Chiens de Navarre cheminent dans la folie de la vie ordinaire et extraordinaire, entre fou rire et inquiétude, entre banalité désolante et mythologie monstrueuse.
« Au-delà du rire - énorme - et de la provocation bravache, les Chiens de Navarre impressionnent par leur faculté à exploser les codes de la société et du théâtre, sans jamais donner de leçon. » Philipp Chevilley, Les Echos, le 14 février 2014
Il n’y a pas « d’oeuvre dramatique préexistante » à nos créations théâtrales. Au commencement de l’écriture, il n’y a pas de texte. Les acteurs sont à l’origine de l’écriture. Autonomes et disponibles à tous les présents sur scène. Je propose toujours un thème aux acteurs avant le début des répétitions. Deux ou trois pages avec des situations comme point de départ. Mais aussi des didascalies, des idées de scénographie, une liste d’accessoires, des extraits de textes, de poèmes, des paroles de chansons, des photos, quelquefois des dialogues (rarement écrits pour être interprétés mais pour s’en inspirer)… Ces quelques feuillets que j’appelle le terrain vague permettront d’éveiller ou de préciser l’imaginaire de chacun, en amont des improvisations. Dès le premier jour, nous commençons directement sur le plateau par des improvisations. De toutes durées. C’est le début d’un long chantier. Celui d’une autre forme d’écriture détachée de la couronne textuelle des mots. Celui des acteurs, de l’espace et du vide. Toutes ces répétitions donneront champ à l'improvisation sur canevas pendant les représentations.
Ce canevas permettra aux acteurs de se retrouver lors de rendez-vous : un court événement, une parole précise ou un son diffusé. Un canevas qui sera l’unique et nécessaire garde-fou des acteurs, mais qui laissera toujours la place durant les représentations, à l’expérimentation, à la prise de risques, à cette écriture en temps réel, en perpétuel mouvement accentuant ainsi l’ici et maintenant de chaque situation. À travers cette expérience, nous cherchons ainsi une autre façon de raconter des histoires, une forme qui refuse toute tranquillité. L’improvisation est une forme complètement indomptable et nous croyons qu’il faut toujours prendre le parti de suivre son mouvement plutôt que l’acquis du récit. Car le geste doit rester vivant, toujours. Il ne doit pas mourir. Le récit s’invente, se constitue à même le plateau. Ensuite nous discutons, nous analysons ce qui s’y est passé. La pensée dramaturgique reprend sa place. Le travail n’est donc jamais figé. La représentation n’est que le prolongement des répétitions sans point d’achèvement.
Notre travail collectif consiste donc à trouver une démarche qui ne rende pas le metteur en scène plus important que l’acteur. L’acte de mise en scène ne m’appartient pas seulement puisque l’acteur en est aussi l’artisan. J’orchestre le travail en me demandant si les propositions me semblent saisissables ou non. Je passe par plusieurs types de concentrations : celle du spectateur (découverte des premières improvisations), celle du monteur (choix et assemblage des scènes reprises en représentation) et celle d’un chef d’orchestre (pour accompagner les impulsions et soutenir l’écoute des acteurs solistes, une fois le montage établi).
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