Que faut-il pour que l’Ordre tienne ? La force. La loi. Et les mots. Prendre le pas des raisonnements rythmés de l’avocat Raphaël Kempf et de l’écrivaine Sandra Lucbert offre de nouvelles voies à la magie théâtrale, celle qui rend sensible ce qui est masqué. Un contre-conte pour révéler la domination, ses mots pipés, ses contes à dormir debout. Dès 14 ans.
Dès 14 ans.
Que faut-il pour que l’Ordre tienne et se perpétue ? La force. La loi. Et les mots. L’un étayant, cimentant, masquant l’autre. Vieille machinerie toujours renouvelée : d’un côté, les gardes ; de l’autre, les mots pipés, les contes à dormir debout.
Prendre le pas des raisonnements rythmés de l’avocat Raphaël Kempf et de l’écrivaine Sandra Lucbert offre de nouvelles voies à la magie théâtrale, toujours propre à révéler par le biais du sensible ce qui est masqué. La place des corps dans un espace donné, celle des voix, la précision qui sied pour dévoiler ces personnages réels qui rabâchent les codes et les contes qui nous verrouillent.
Une forme en contre-conte pour mieux révéler la domination dans ses œuvres et dans ses mythes. Exposer et disséquer cette violence que l’on dit légitime. Et détricoter, avec une belle énergie, les mailles du filet qui nous enserre.
Dans la continuité de mes projets précédents, en particulier du spectacle Aujourd’hui créé en janvier 2018, je désire continuer avec cette nouvelle création, Contes d’État, mes recherches sur un théâtre qui partirait d’événements et de personnages réels, sans pour autant intégrer la catégorie du théâtre dit du réel, documentaire ou politique.
C’est à l’occasion de la création d’Aujourd’hui qu’a eu lieu ma rencontre avec l’avocat Raphaël Kempf, qui intervenait sur scène dans le spectacle. Je souhaite à présent, avec lui, continuer à interroger le théâtre depuis sa condition d’agora et avec la participation sur scène d’une personne choisie en raison de son métier, qui n’est pas celui des comédiens présents à ses côtés.
Pour Contes d’État, je me suis ainsi intéressée à l’ouvrage de l’écrivaine Sandra Lucbert (Le ministère des contes publics, Éditions Verdier, 2021) et au récit de Sophie Divry (Cinq mains coupées, Éditions Seuil, 2020) – à leur surprenante clairvoyance, à leur élan solide, à leur écriture aiguë aux titres évocateurs. Et un théâtre qui porterait ces voix – leurs voix – est à mon sens, outre une façon de prolonger leur geste, une véritable occasion de ressourcer un processus de création artistique. La pièce propose d’abord de se glisser dans l’énergie de leur écriture, de se laisser porter par leurs raisonnements et de laisser ainsi place à de nouvelles façons de travailler le théâtre, nouvelles puisque les deux ouvrages cités, comme tous ceux qui ne sont nullement destinés à la scène, condamnent à inventer de nouvelles dramaturgies pour des entreprises théâtrales inédites.
S’il y a un domaine littéraire qui nous intéresse particulièrement pour cette création, c’est le conte, comme le titre l’indique. Le conte se situe là où la violence est affaire courante, là où le réalisme et l’imaginaire se mélangent, là où l’ordinaire et l’épique, le visible et l’invisible se tissent. Là où les mots ont une grande dextérité, où le langage se dégourdit, là où les monstres changent d’apparence et de voix. Ainsi dans nos Contes d’État, l’ensemble des personnages identifiés et cités seront réels, ils seront les acteurs de nos contes quotidiens, de ces histoires à dormir debout où tout est affaire de codification et de verrouillage langagier et dont il revient à chacun de trouver la clé de l’éveil, comme Alice aux pays des merveilles.
Aurélia Ivan
17, boulevard Jourdan 75014 Paris