Cut

Paris 19e
du 5 mai au 25 juin 2011
1h15

Cut

Trois jeunes femmes se croisent dans les toilettes pour dames. Au gré de leurs souvenirs et de leurs envies, elles vont évoquer sans tabou ce que cela implique de porter " en soi " ce mysterieux attribut, ce " ça " de la femme. Entre rêve et réalité, Emmanuelle Marie a inventé une succession de tranches de vies drôles et émouvantes, où l'identité féminine est explorée.
  • Un texte unique

Cut est un texte hors norme construit comme une partition musicale : la répétition, le rythme des échanges, l’effet choral forment un véritable tourbillon. La sensibilité d’Emmanuelle Marie lui permet d’alterner émotion et rires dans une fluidité qui produit un texte à la fois accessible et poétique. Elle met des mots à la musicalité parfois violente sur des situations souvent quotidiennes mais dont on ne parle pas facilement.

Cut est structuré comme un découpage cinématographique. On passe d’une femme à l’autre, d’un sujet à l’autre comme dans un reportage ; c’est un échange de monologues nourrit en arrière plan par le choeur des autres femmes.

Il n’y a pas de personnage au sens propre du terme. Ce sont des femmes appelées Dame 1, Dame 2 et Dame 3. Elles sont trois mais peuvent être divisées à l’infini, puisqu’elles représentent les Femmes dans leur ensemble. Chacune d’elles va devenir un porte-parole de la condition féminine dans ce qu’elle a de douloureux, ou de léger.

Débutant sur un ton léger, la pièce évolue lentement vers des sujets plus graves, explorant le lien entre le corps et le fait d’être femme. Ce corps n’est plus ici qu’objet de désir ou support de la sexualité, assumée ou difficile, il est aussi un obstacle, une négation, un lieu où s’échoue la violence. C’est ce mouvement, du rire léger au tragique, et de l’anecdotique à l’universel, pivot de la structure dramatique, qui fait de ce texte un objet rare, précieux, destiné à tout public, ne jouant jamais la carte du militantisme.

  • Note d'intention

Mettre en scène Cut est une gageure à double titre. Le sujet, tout d’abord, exige la plus grande prudence. Car il n’est pas essentiellement question ici de la « condition de la femme » au sens sociologique du statut de la femme dans notre société. Au delà de ça, le texte explore, crûment et sans détours, ce qu’on pourrait appeler la spécificité anatomique de la condition féminine : Qu’est-ce que ça implique d’avoir un sexe de femme ? Comment vivre avec ça ?

« Les choses sont déjà difficiles lorsque, petite fille, on essaie simplement de voir ce qui nous appartient là… Bien caché entre les plis. Il faut être acrobate. Ou se servir d’un miroir. » Il s’agit donc de donner à voir, et surtout à entendre, ces trois femmes se raconter intimement, en évitant les écueils de la fausse pudeur et, à l’opposé, du voyeurisme gratuit qui l’un comme l’autre desserviraient le propos.

Deuxième défi à relever : trouver comment traiter la forme originale choisie par Emmanuelle Marie et qui évoque immanquablement l’image d’une partition musicale. Les voix de ces trois femmes, tour à tour solistes qui se répondent et choristes qui s’unissent, sont complémentaires. La grande force de la pièce est d’esquisser, par l’ addition de ces trois paroles alternativement seules ou en choeur, une image composite et pourtant harmonieuse de la sexualité féminine, tout en se gardant bien de prétendre à une quelconque « universalité ». C’est pourquoi un travail important a été effectué sur les rythmes et les volumes de parole.

Le travail scénographique est influencé par les indications de l’auteur et par la forme particulière du texte. Le décor évoque des toilettes publiques pour dames, lieu hautement significatif à deux points de vue. C’est tout d’abord un espace clos, protecteur, à l’abri du monde extérieur. « Les hommes ne viennent pas ici ». Et c’est également un endroit de passage, anonyme et neutre où sont abolies les différences sociales et culturelles. « Le bon Dieu nous a faits comme ça, tous pissants et toutes pissantes. » C’est un ailleurs où la parole peut se libérer et l’imagination vagabonder. Un plateau de théâtre, en somme...

Le parti pris de mise en scène est né très naturellement de cette parenté entre l’exercice auquel se livrent ces femmes et la démarche théâtrale proprement dite. Pour s’affranchir de leurs tabous, elles n’ont d’autre choix que de... se mettre en scène ! Partant d’un réalisme froid, la pièce glisse ainsi rapidement dans une fantasmagorie orchestrée tour à tour par chacune d’entre elles. Et le spectateur est convié à « larguer les amarres » en leur compagnie. Le décor contribue énormément à cette mise en abyme. Neutre au départ, il s’éveille et devient appui des histoires qui se racontent. Un balai à franges se mue en marionnette, un rouleau de papier toilette devient voile de mariée, une nappe de coton figure tour à tour un linceul ou les langes d’un enfant...

Et quand le voyage s’achève, les néons blafards se rallument sur le plateau et chacun, sur scène et dans la salle, repart, plus riche peut-être qu’il n’était venu.

Tristan Willmott

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Spectacle terminé depuis le samedi 25 juin 2011

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