Extrait de Cut
Intentions de mise en scène
« …Je n’ai jamais eu de problème avec… le sexe. Le sexe, c’est chez moi quelque chose de normal. Quelque chose de sans problème. Je suis normale. Côté sexe aussi. Je suis normale. Je n’ai jamais été violée, je n ’ai pas connu l’inceste. À la maison, nous parlions du sexe (elle boit) normalement. J’ai eu très jeune des informations concernant la sexualité.
J’ai connu des hommes très bien. Très respectueux. Aimants. J’ai aimé quelques hommes très forts. Ils ne m’ont jamais manqué de respect ou autre. Nous avons toujours parlé. (Elle se sert une nouvelle tasse de café).
Je suis une femme libérée : je travaille. Mon travail est épanouissant. Mais je ne suis pas stressée. J’aime
mon travail. Je n’ai pas d’enfant mais peut-être. Peut-être avec lui. Je pense qu’il ferait un bon père.
Je suis une femme occidentale, libérée, issue d’un milieu sans histoire dans une
société qui fonctionne bien… enfin, je crois… oui, je crois que je suis heureuse. Il est quatre heures du matin et je crois que…
tout va bien. Oui, je crois que je suis une femme heureuse… c’est ça… (elle se lève en disant cela puis s’assied de
nouveau. Noir). »
Il y aura : une femme, 30 ans, brune, seule en scène, parlant du sexe des femmes… sans détour. Droit devant. Elle connaîtra bien ça. Alors elle en parlera : « Tiens, rien qu’au bruit qu’elles font quand…» ça la plongera dans cette intimité-là, et nous avec : « Les femmes, les chiens, tout ça, c’est tout pareil, de la créature et faut pas avoir honte d’être de la créature».
Puis apparaîtra une autre femme, 30 ans, brune.
Puis encore une autre, 30 ans, brune. Rapidement sans même les préliminaires des présentations, elles prendront part à l'exposé de la première dame. Elles discuteront, échangeront et parfois s’opposeront. À tour de rôles, elles dévoileront leurs peurs, leurs sentiments, leurs émotions, leurs rapports au sexe. Parfois elles s’uniront et ne formeront qu’un. Un tout : un chœur. Un chœur de dames. Un souffle. Une conscience. À mesure qu’elles se confessent et se livrent sans retenue, la tentation du « grand largage d’amarres », de la « dérive volontaire » devient trop forte et en avant toute ! Qu’importe !
Que le vent nous porte très loin au grand large avec elles.
Et le chœur des dames se mettra à vibrer et à chanter et l’on entendra la musique, la musique des mots, la musique du texte bâti
comme une partition musicale.
On comprendra alors, qu’il importe autant, du point de vue de la mise en scène et de la direction d’acteurs, de travailler sur les
déplacements de langage que sur le développement dramatique de l’histoire. Chaque mot donnera le ton et la note et chaque phrase du texte
résonnera comme une ligne mélodique.
Marc Em, compositeur déjanté et au savoir faire redoutable en assurera la mise en musique.
Notre étroite collaboration s’établira sur les exigences humaines et techniques de l’écriture scénique.
La scénographie sera à la mesure de ce travail. Peu de décors mais seulement une lumière et des éléments de décors qui feront sens.
Et que le souffle du chœur des dames nous emporte très loin …
Jacques Descorde
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris