Dans la solitude des champs de coton

Paris 10e
du 3 au 20 février 2016
1h15

Dans la solitude des champs de coton

Anne Alvaro et Audrey Bonnet à l'affiche de la pièce de Koltès, dans une mise en scène de Roland Auzet.
Au plateau, deux femmes, différentes, où la question centrale du désir se joue. Un dialogue de deux solitudes enfermées par la question sous-jacente à tout échange : « Que me veux-tu ? ». Et d’obliger l’autre, par tous les moyens du discours, à se dévoiler, à répondre au manque fondamental, à cracher un peu de sa vérité… Avec Anne Alvaro et Audrey Bonnet.
  • Un dialogue de deux solitudes

Au plateau, deux femmes, différentes, où la question centrale du désir se joue. Un dialogue de deux solitudes enfermées par la question sous-jacente à tout échange : « Que me veux-tu ? ». Et d’obliger l’autre, par tous les moyens du discours, à se dévoiler, à répondre au manque fondamental, à cracher un peu de sa vérité…

Le théâtre sera plongé dans un brouillard complet redéfinissant les contours de l’action dramatique. Le public et les actrices ne feront qu’un organe déambulatoire où la quête koltésienne se déroulera. Des casques pour chaque personne du public seront proposés pour entrer dans l’intime des mots, de la situation et du corps des actrices. Cette démarche cherchera ainsi à dépasser la seule vision de la représentation, à repenser l’espace et révéler des infimes ou entrevoir des failles.

Les perceptions visuelles et auditives associées aux déplacements du public constitueront les fondements de la relation du récit intime dans l’espace public.

Roland Auzet

  • Un texte

Selon notre héritage du regard de Bernard-Marie Koltès sur le monde et s’il fallait caractériser l’état des choses, nous pourrions dire que nous en sommes aujourd’hui « après la Bacchanale », « après l’orgie », c’est-à-dire après le moment explosif de la modernité et celui de la libération dans tous les domaines.

Alors, que faire ? A travers La solitude des champs de coton, Koltès propose de réinvestir le questionnement de la relation à l’autre. Deux présences, différentes, où la question centrale du désir se joue, se marchande. Un dialogue de deux solitudes enfermées par la question sous-jacente à tout échange : « Que me veux-tu ? ». Et d’obliger l’autre, par tous les moyens du discours, à se dévoiler, à répondre au manque fondamental, à cracher un peu de sa vérité… Chacun vit au piège qu’il tend à l’autre, dans une affinité sans fin, qui doit durer jusqu’à la fin de ses forces. Comme dit Baudrillard « Chacun veut son autre » dans l’impétueux besoin de le réduire à merci, et dans le vertige de le faire durer pour le « déguster ». Chez Koltès, les logiques opposées du supposé et du vraisemblable s’unissent dans une danse de mort qui n’est que pure jouissance de la fin de l’autre. Car le désir de l’autre est aussi toujours le désir de mettre fin à l’autre… le plus tard possible ? La seule question est de savoir qui tiendra mieux le coup, en occupant l’espace, la parole, le silence, l’intérieur de l’autre, dépossédé de lui-même au moment où il est sommé dans sa différence. On ne tue pas : on pousse l’adversaire à désirer, à exaucer sa propre mort symbolique.

Le monde de Koltès est un piège qui fonctionne parfaitement. Chacun entend parfaitement ce que l'autre dit ou veut dire et s’il n'y répond pas, ce n'est pas parce qu'il ne comprend pas, mais parce qu'il « refuse de faire le cadeau à l'autre de l'intelligibilité de sa pensée - ou de son désir ».

  • Pourquoi deux femmes, pourquoi Anne Alvaro et Audrey Bonnet ?

Avec Anne Alvaro (dealer) et Audrey Bonnet (client), j’ai le sentiment qu’une altérité, une étrangeté (en fin de compte) intelligible, pourrait être le secret de la pièce et de la singularité de l’évènement de l’autre… L'objet du désir doit passer par une transaction avec l'autre. Montrer le contact avec son semblable et le caractère immédiat, fortuit, sauvage de ce contact et faire voir comment à partir de ce rapport de fortune, vient à naître la forme absolument inattendue de ce texte. Une forme puissante qui dépasse une simple vision d’une convention sociale comme s’il s’agissait là d’un élément
impossible à dominer…

Aujourd’hui, le monde se questionne par « l’indifférence ». Une fois passée la bacchanale (voir plus haut) la libération laisse tout le monde en quête de son identité générique avec une circulation active des signes et des possibles. C’est à cet endroit que la vision du texte de la Solitude… portée par deux femmes devient puissant et nous dit combien son propos est plus que jamais d’actualité. Enfin, ces deux comédiennes sont exceptionnelles. Ensembles, et avec les mots de Bernard-Marie Koltès, elles développent une puissance d’être et une ambiguïté de genre qui soutiennent largement le propos d’une version singulière et hors normes de la pièce.

  • Scénographie

Un dispositif scénographique issu dune réflexion de la présence de l’intime dans l’espace public. Le texte de Bernard-Marie Koltès brille des feux de la rhétorique et retrace le cheminement des corps et des discours à l’orée du lien social, du désir et du rapport à la cité. Son espace ne peut être qu’une agora, un cercle, une confrontation de l’intime des mots avec l’espace public. Réceptacle de l’intime, la scénographie du projet s’articulera autour de cet espace unique incarnant les désirs cumulés du dealer et du client. Théâtre circulaire, bi-frontal, lieu urbain, caché, intemporel, suspendu, il s’agira de jouer la pièce dans une scénographie où la confrontation des mots avec l’espace créé une distorsion trouble, sensuelle et nourrissante pour le spectateur.

Les mots de La Solitude des Champs de coton deviennent alors comme une succession d’enchevêtrements circonstanciés de l’intime et du public, tout comme des réagencements qui interrogent à la fois l’intime, le public, l’espace, et leurs places dans les rapports sociaux établis par Koltès entre le dealer et le client. En effet, ce qui amène l’intime dans le public résulte, de décisions et d’actes individuels. L’intime fuit un certain nombre de pressions, familiale, morale, sociale, pour être réinvesti ailleurs, par des individus. Les pressions qui peuvent motiver ces fuites sont issues à la fois de la sphère privée et de la sphère publique (espaces publics classiques de la rue). Ces usages intimes trouvent refuge dans un espace public a priori bâtard, ou intermédiaire, au moins au point de vue officiel. L’espace public devient donc un lieu privilégié d’expression de cette forme d’émancipation, qui naît en partie avec l’urbanisation étendue et généralisée.

En parallèle, le projet interrogera le rôle des espaces publics d’aujourd’hui qui ne permettent peut-être plus cette forme d’émancipation par rapports aux rôles sociaux fixés : ils peuvent apparaître très sécurisés, ou dissociés. Ainsi considéré, l’intime dans La solitude des champs de coton pourrait-il devenir une ressource du public ? Le rapport au public se construira à travers un élément fort de sa relation aux actrices et au texte. Des casques pour chacun du public seront proposés pour entrer dans l’intime des mots, de la situation et des corps des actrices.

En parallèle du poème, une partition de style cinématographique se déroulera. Le Théâtre des Bouffes du Nord sera entièrement plongé dans une fumée opaque, découpée par des jeux de lumière et rais de vidéo, comme autant d’espaces de rencontre, de jeu, tantôt espace intime, dans la pénombre, tantôt exposé à la lumière, public. Le spectateur sera pris avec les actrices dans cette même fumée, dans cette même rencontre. Ses repères visuels troublés, mais avec un rapport très proche et intime au texte, les voix des actrices dans le creux de l’oreille.

  • Musique sous casques

La Muse en Circuit, Centre national de création musicale, développe depuis 2007 les Concerts sous Casques. Pensés comme une extension de ce que les germanophones nomment « Hörspiel », littéralement « jeux pour l’oreille », les Concerts sous Casques mêlent art radiophonique et théâtre sonore de l’intime, grâce une extrême précision de l’écoute et une dramaturgie musicale sans cesse renouvelée par la transformation et la synthèse sonore électronique.

La présence de la voix a toujours été un élément central des concerts sous casques. La voix a pu être paroles, chants ou simples souffles ; elle a pu ainsi être chantée, parlée ou enregistrée. Au fil des différentes productions, les mots ont été des poèmes, des biographies, des romans…

Il était donc naturel que le projet du metteur en scène et compositeur Roland Auzet autour du texte de Bernard-Marie Koltès croise le chemin de La Muse en Circuit, Centre national de Création musicale dirigé par Wilfried Wendling. C’est dans la volonté commune d’explorer et d’associer les richesses exceptionnelles d'une écoute sensible et attentive aux moindres détails de la captation des micros à l’imaginaire infini des paysages électroniques que se noue ce partenariat autour d’une scénographie musicale et sonore sous casques.

Sélection d’avis du public

dans la solitude des champs de coton Le 17 février 2016 à 10h41

innovante mise en scène texte toujours fort et un lieu fascinant

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dans la solitude des champs de coton Le 17 février 2016 à 10h41

innovante mise en scène texte toujours fort et un lieu fascinant

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Spectacle terminé depuis le samedi 20 février 2016

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