Aux enfers, Machiavel et Montesquieu se rencontrent et s’affrontent dans un dialogue politique brillant, au style époustouflant, à la dialectique fine et à l’humour dévastateur. Tout semble les opposer : la force et la ruse pour l’un ; le droit et la Constitution pour l’autre. Ils vibrent, leur cœur parle autant que leur intelligence. Ils nous font penser en nous touchant. Maurice Joly dénonce ici les formes modernes de domination qui maintiennent la servitude en supprimant la conscience de cette malheureuse condition.
Adaptation de J.M Charton et Pierre Fresnay revisitée par Fabienne Périneau et Pierre Tabard.
Préambule
Note du metteur en scène
C'est en 1864 - 12ème année de règne de Napoléon II - que fut composé par Maurice Joly, avocat : Le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. L'originalité de ce texte est d'être éloigné de toute préoccupation d'ordre didactique. Il ne s'agit pas d'un mémoire académique. Il convient de replacer ce document dans le temps où il est écrit et de le considérer moins comme une exégèse de l'oeuvre des deux grands cerveaux que comme une confrontation passionnée de ce milieu du 19ème siècle sur la nécessité en politique d'une sanction morale.
Il est donc essentiel que la date 1864 demeure constamment présente à l'esprit des spectateurs : l'intérêt de ce document est avant tout rétrospectif.
Sur une plage déserte du royaume des ténèbres, l'ombre de Machiavel, l'auteur du Traité du Prince (début du 16ème siècle) et celle de Montesquieu, auteur de L'esprit des Lois (18ème siècle) se rencontrent. C'est Maurice Joly, avocat du 19ème siècle qui les fait parler.
Les salutations d'usage dans ce genre littéraire ont été supprimées. Nous prenons le dialogue en marche. C'est donc par ordre d'entrée dans l'histoire littéraire et politique que je vous annonce : Machiavel - Montesquieu.
La rencontre imaginaire entre Montesquieu et Machiavel - qui est en fait le masque de Napoléon III - permet à Maurice Joly de décliner les nouvelles formes de servitudes produites par l'Etat moderne. Entre farce, comédie et drame, il démasque toutes les falsifications politiques : jeu de masques, jeu de vérité.
Bien au-delà de ce qui lui servit de prétexte - son opposition au règne de Napoléon III - le texte de Maurice Joly continue de nous interroger car les lignes de fracture qui s'y énoncent sont toujours présentes, même si elles se sont déplacées depuis 1864, mais déplacées ensemble.
Son Machiavel et son Montesquieu expriment des idées souvent éloignées de celles défendues par ces deux célèbres modèles, mais cette épreuve des masques est une épreuve de vérité. Machiavel, masque de Napoléon III, décrit les formes modernes de la domination politique qui maintiennent la servitude en supprimant la conscience de cette malheureuse condition et sont capables de mettre à son service, en les falsifiant, toutes les forces dressées contre elle.
Les adaptations pour le théâtre de cette oeuvre montrent bien que si la scène s'en est emparée, c'est que, outre ses qualités dramaturgiques évidentes, ce texte nous réveille de ce qu'on appelle aujourd'hui l'apathie citoyenne, en questionnant les fondements et la pratique politique.
Bien sûr, le dialogue est brillant, son style époustouflant, sa dialectique fine ; et la nouvelle adaptation proposée ici par Pierre Tabard et Fabienne Périneau, cisèle des arêtes aiguës et pertinentes. Mais bien plus, Tabard rappelait, lui qui avait retenu la leçon de Vilar sur la fonction civique du théâtre, que le Dialogue aux enfers s'inscrit d'emblée sur la scène comprise comme le lieu où la cité s'assemble pour voir et entendre la rencontre qu'opère le théâtre exigeant entre les plus grandes idées et l'incarnation.
Montesquieu et Machiavel ne sont pas uniquement les porte-drapeaux de conceptions opposées, ils vibrent, leur coeur parle autant que leur intelligence. Ils nous font penser en nous touchant.
On s'est beaucoup questionné sur les Enfers où se déroule le dialogue. Est-ce un lieu loin du monde, est-ce le monde tout simplement, ou encore l'etat que chacun porte en lui, les contradictions indépassables, sources de souffrances intimes et de doute politique ?
Nous croyons que ces enfers recouvrent ces différents niveaux de saisie et c'est cela que nous montrerons sur scène, dans un espace très blanc, comme la page d'un cahier sur laquelle il faudrait tout réécrire, les ombres qui effraient nos deux protagonistes n'étant sans doute que les leurs, poussées par une lumière aveuglante au bord du gouffre où nous apprenons que nous avons surtout peur de nous-mêmes.
Hervé Dubourjal
« La plume de Maurice Joly était particulièrement inspirée ; la démonstration est dense, fine et pertinente tout en conservant l'essence du dialogue et de la contradiction. (...) Mis en scène par Hervé Dubourjal, le texte " revisité " par Pierre Tabard et Fabienne Périneau dans une judicieuse optique de " fonction civique du théâtre " révèle son acuité et sa consternante modernité au regard de la vie politique contemporaine. » Froggy's Delight
Avant hier machiavel ecrivait un texte sur les hommes de pouvoir, hier Maurice Joly se servait du Prince pour sa reflexion sur le pouvoir du despote Napoleon III et aujourd'hui, encore les princes de pouvoir qui nous gouvernent, sont-ils au service de la Démocratie et ou d'eux-mêmes. Face à un machiavel plus machiavélique que le Prince originel, Montesquieu est-il encore certain que l'esprit des lois sauvera l'humanité... maurice joly a ecrit un texte qui resonne encore à nos oreilles, servi par deux comédiens qui offrent leur talent à cette joute orale et jubilatoire.
Avant hier machiavel ecrivait un texte sur les hommes de pouvoir, hier Maurice Joly se servait du Prince pour sa reflexion sur le pouvoir du despote Napoleon III et aujourd'hui, encore les princes de pouvoir qui nous gouvernent, sont-ils au service de la Démocratie et ou d'eux-mêmes. Face à un machiavel plus machiavélique que le Prince originel, Montesquieu est-il encore certain que l'esprit des lois sauvera l'humanité... maurice joly a ecrit un texte qui resonne encore à nos oreilles, servi par deux comédiens qui offrent leur talent à cette joute orale et jubilatoire.
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