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Dom Juan, « l’épouseur du genre humain », a enlevé done Elvire de son couvent, l’a séduite et abandonnée. Elle le poursuit en vain tandis qu’il part déjà vers une nouvelle conquête, accompagné de son inséparable Sganarelle. Une tempête le jette sur une plage où il promet d’épouser deux paysannes et gifle un pêcheur. Poursuivi par les frères d’Elvire, il doit fuir encore. Perdu dans une forêt, il va inciter un pauvre ermite au blasphème, sauver un des frères d’Elvire des bandits, et inviter à dîner la statue d’un Commandeur qu’il a tué naguère. Rentré chez lui, il envoie aux pelotes son principal créancier, refuse méchamment les remontrances de son père, tente de séduire à nouveau Elvire revenue lui parler de son salut. À sa grande surprise, la statue vient dîner et l’invite en retour. Sentant que sa situation commence à devenir périlleuse, Dom Juan décide de tromper son monde (son père) en jouant les tartuffes et fait l’éloge de l’hypocrisie.
Lorsqu’il entreprend l’écriture du Festin de pierre en 1665, Molière (1622-1673) est encore échaudé par la querelle de L’École des femmes (1662) et par l’interdiction du Tartuffe (1664). Reprenant à son compte un des grands succès de l’époque, il y dénonce pour la dernière fois le règne de l’obscurantisme et de la dévotion. Après une quinzaine de représentations triomphales en 1665, Le Festin de pierre disparaît de l’affiche. Molière ne reprendra jamais cette pièce. Le jeune Louis XIV récompense son silence en autorisant en 1669 Le Tartuffe remanié. En 1677, après la mort de Molière, Armande Béjart demande à Thomas Corneille de faire du Festin de pierre une version « expurgée » et en vers que jouera la Comédie-Française jusqu’en 1847. La pièce ne prendra son titre définitif, Dom Juan ou le Festin de pierre, qu’après la mort de Molière.
Jean-Pierre Vincent a dirigé le Théâtre national de Strasbourg, la Comédie-Française puis le Théâtre des Amandiers à Nanterre. Aujourd’hui, il partage son temps entre mise en scène et pédagogie et oriente son travail vers les écritures contemporaines. Il porte en lui le projet de Dom Juan depuis longtemps. Riche des multiples interprétations et orientations possibles de la pièce, mais aussi du mythe de Don Juan, sa mise en scène cherche à rendre le texte de Molière dans son activité plutôt que son actualité, un voyage au xviie siècle où chaque mot doit être joué au présent. Comme Ubu roi d’Alfred Jarry, qu’il a mis en scène au Français en 2009, la pièce s’articule autour d’un couple éternel et omniprésent, ici Dom Juan et Sganarelle. Dans leur voyage, ils traversent le monde de manière étrange et décalée, combative, polémique, au milieu d’enjeux très graves et de fusées burlesques.
Si Dom Juan n'est pas écrit en vers, sa prose n'en est pas moins rythmée. Pour jouer cette pièce aujourd’hui, on doit surmonter une double difficulté : d’abord, on veut, bien sûr, jouer la pièce « au présent », rendre la sensation de ce texte, sa progression concrète, sa violence toujours vivante, s’approcher de lui ou l’approcher de nous ; mais on sent très vite qu’il y a dans ces phrases une ampleur, un phrasé qu’il faut aussi prendre en compte – sauf à être plus petit que lui. Sur le plan de la forme générale, la pièce est écrite très librement, pour ne pas dire cahincaha. Nos deux héros rencontrent des gens différents qu’on ne reverra plus – des portraits fugaces. Aussi, dans Dom Juan, il n'y a pas une, mais plusieurs proses rythmées. Chaque personnage a son rythme, son niveau de langage. Il est bien sûr plus facile de le repérer entre Don Louis et Pierrot, mais il n'en existe pas moins entre Don Louis, Don Carlos, Don Alonse, Done Elvire. Don Juan rencontre réellement des morceaux de la société de son temps. L'action est vaguement située en Sicile – pour changer de la Séville de Tirso de Molina – mais on a souvent l'impression d'être dans une bourgade d’Île-de-France. Pierrot en parle d'ailleurs la langue. On tourne toujours autour de Versailles…
Le rôle de Don Juan a été écrit pour et créé par l’acteur La Grange, qui avait 29 ans. Avec Loïc Corbery, nous choisissons un acteur qui a l’âge du personnage. Depuis la renaissance de la pièce (Louis Jouvet, Jean Vilar), l'habitude a été prise de confier ce rôle à un chef de troupe, un acteur arrivé au sommet de sa carrière. Le rôle de séducteur philosophe avait dans cette mesure quelque chose de flatteur. Or, étant donné la description de son costume par Pierrot, ce que Sganarelle et les autres disent de lui, la façon dont il se comporte au début, on voit que ce personnage est très proche des rôles que Lagrange venait de jouer : Valère, Horace et les petits marquis des Précieuses ridicules : un personnage très proche d'un jeune aristocrate versaillais, sinon du jeune Louis XIV lui-même. Dans Dom Juan, l'on sent un peu partout l’ombre du jeune Louis XIV, ce Chef de l’Église de France qui était alors un chrétien fort douteux, ou bien de certains de ses proches comme le Prince de Conti, ex-libertin reconverti dévot. Au début de la pièce, Don Juan représente cette jeune noblesse qui veut remuer la morale dans cette France où la Contre-Réforme est partout. Puis, petit à petit, il va devenir autre chose. Dès le premier acte, de petites phrases sur le Ciel sont là pour signaler qu’il n’est pas qu’un simple séducteur ; il finira par entrer dans d’autres relations – avec le pauvre, avec les frères d’Elvire, avec son créancier, avec son père – qui vont le faire passer du statut de « jeune seigneur-méchant homme » à celui de résistant de plus en plus têtu, de plus en plus acharné, de plus en plus conscient qu’il va être puni et qui n'en cessera pas moins d’attaquer le Ciel. Cela change la nature de la relation Don Juan/Sganarelle…
Molière était plus âgé que Lagrange, et l'on pourrait presque dire qu'il y a dans ce couple quelque chose du lien entre un précepteur et son élève, entre un homme d’expérience et un jeune blondin ; étant entendu que l’élève reste un aristocrate, et le précepteur un valet. Mais enfin le serviteur n'est pas le simple souffre-douleur, la simple bête de somme de son maître. Il y a même entre eux, parfois, une sorte d’amicalité qui permet, par exemple, à Sganarelle de dire ses quatre vérités à Don Juan, d’entamer avec lui un simulacre de discussion philosophique… toutes privautés auxquelles, dès qu’il le juge bon, le maître met fin d’un simple claquement de doigt. Donc, d'un côté le jeune Lagrange, le jeune surdoué de la troupe et de l'autre l’homme qui a déjà joué Arnolphe, Orgon et qui, une fois qu'il aura cessé de parler politique, limitera son ambition à dénoncer les ridicules de tous les bourgeois. Molière, après le mystérieux arrêt de Dom Juan, ne touchera plus à la religion, ni à l’État, ni à la Cour… C’est Le Misanthrope qui signe le désespoir mélancolique de cet arrêt-là. On peut voir Alceste comme une sorte de Don Juan qui se retirerait du monde après avoir constaté l’impossibilité de continuer la résistance.
Elvire est une invention de Molière, un de ses plus beaux personnages. Elvire est le personnage (le plus) romanesque de la pièce ; il faut reconstituer son roman. D’ordinaire, c’est la fille du Commandeur à laquelle Don Juan est confronté, après avoir, au début de la pièce, tué son père ; ici, Don Juan n’assassine, ni ne viole personne. S'il y a viol, c'est en paroles. Il en va de même pour la séduction. Elvire se libère de quelque chose. Elle a choisi Don Juan, alors que tout le monde l'a mise en garde, qu'elle connaît sa réputation de séducteur. Elle a sauté le mur du couvent, l’a épousé devant un prêtre véreux en pleine nuit, consommé ce mariage... puis il a disparu. Elle convainc sa famille de la laisser partir à sa recherche parce que, même s’il ne l’aime plus, le mariage est une chose sacrée. Elle se bat toute seule, non seulement contre Don Juan et Sganarelle, mais aussi contre sa famille. Elle retourne au couvent, en ressort une deuxième fois, comme illuminée, avec cette idée en tête de vouloir le sauver, et se rend compte que c’est un échec.
Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux, juin 2012
Propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française
Exceptionnel!! Tant par la mise en scène que les acteurs (le Dom Juan est extraordinaire), les costumes... un moment exceptionnel!
La pièce est exceptionnelle et les comédiens la serve avec brio. Une palme spéciale pour Serge Bagdassarian qui incarne formidablement le personnage de Sganarelle.
Un beau moment dans une salle mythique! Bravo!
Une qualite d'interpretation exceptionelle. Bravo! Nous etions trois (jeunes et moins jeunes) et nous l'avons tous adore.
Pour 2 Notes
Exceptionnel!! Tant par la mise en scène que les acteurs (le Dom Juan est extraordinaire), les costumes... un moment exceptionnel!
La pièce est exceptionnelle et les comédiens la serve avec brio. Une palme spéciale pour Serge Bagdassarian qui incarne formidablement le personnage de Sganarelle.
Un beau moment dans une salle mythique! Bravo!
Une qualite d'interpretation exceptionelle. Bravo! Nous etions trois (jeunes et moins jeunes) et nous l'avons tous adore.
Quel bon moment ! Belle distribution avec un Sganarelle qui mène la troupe, comme tous les valets de Molière. Un Dom Juan bien maîtrisé par Loïc Corbery : personnage toujours aussi hypocrite, athée et séducteur. Avec parfois quelques aspects de bouffonnerie dans sa gestuelle , que le metteur en scène a voulu mettre en évidence. Bons fous rires, proches de la clownerie aussi avec Sganarelle. Mais hormis cela, l’ensemble reste fidèle à l’œuvre de Molière. Beaux costumes, décors soignés. Nous comprenons parfaitement au bout de ses 2 h 45 de spectacle que Dom Juan se perd lui-même et accumule ses victimes. Il ne renonce jamais : Citons au passage : « Tout le plaisir de l’amour est dans le changement. L’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus. Il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne. » Un petit coup de cœur pour la scène des paysans : Pierrot et sa douce Charlotte. Le patois écrit par Molière, langue du campagnard, est tout à coup rendu très limpide et nous rions beaucoup de la mésaventure de Pierrot… Mais pourquoi donc Clément Hervieu-Léger qui joue le frère d’Elvire en oublie d’articuler et crie sur la même tonalité tout au long de ses tirades… ? (il avait le même défaut dans Andromaque….) Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent a choisi de ne pas faire mourir Dom Juan à la fin (scène du Commandeur parfaitement réussie)… dommage ! Il le méritait …. !! Sylvie
J'étais resté sur la version de 1965 avec Michel Piccoli et Claude Brasseur. D'où ma surprise devant cette interprétation... Je n'ai jamais pu m'habituer à ces montagnes russes où l'on insère de la farce entre des répliques tragiques. L'accent "campagnard" des paysans, misère !
Dom Juan jouit ici d'une très belle scénographie, et d'une qualité d'interprétation exceptionnelle. Loïc Corbery est, comme à l'accoutumé, juste excellent.
Pour le jeu des acteurs, celui du personnage principal, pour l'ouverture de jeu vers l'extérieur à la toute fin (bien qu'intrigante et oh que de maux de tête...), ... Bravo!
Remarquable par la beauté du texte et l'actualité des propos, mise en scène sobre, parfaite pour mettre en valeur le rôle des différents personnages
Spectacle en famille, avec deux ados qui ont été aussi emballées que nous et n'ont pas vu les 2h45 de spectacle défiler. Un vrai plaisir pour un texte classique archi-connu, que l'on voit vivre et révéler une modernité surprenante.
Les décors sont réussis, les costumes aussi, tous les acteurs sont formidables, sauf un Dom Juan qui surjoue totalement son rôle et finit par devenir agaçant. Heureusement qu'il a Sganarelle.
Nous étions 14 et bien sûr nous avons adoré. les acteurs sont formidables de justesse, de présence, d'incarnation. Dom Juan tangue, vacille dans ses colères contre les dévots qui résonnent en nous avec tellement de force, surtout en ce moment. La mise en scène est sobre, quelques couleurs, quelques lumières pour mettre en relief les personnages. Un très très bon moment. merci les Français !
Place Colette 75001 Paris