Éclipse totale

• Une pièce sans faux-semblant

« Juliette s’est pendue avec sa corde à sauter, du haut de ses 20 ans. Son petit frère l’a décrochée et a prévenu les secours. Sur les lieux du drame, bloqués par une tempête de neige, le petit frère, la mère, l’ambulancier, la mémé dont personne n’écoute plus les paroles perdues et… Juliette.

Désemparés, hébétés, meurtris, ils évoquent la disparue, la part coupable, les raisons du geste. Céline Delbecq a osé briser le silence, la gêne, la honte qui entourent le suicide. Touchée de près par le drame, elle a enquêté auprès de plusieurs personnes également concernées. Leurs témoignages ont nourri son travail d’écriture.

Il en ressort une pièce grave, bien sûr, dans laquelle la proximité de la douleur et la distance des propos sonnent justes et crues, comme il le faut. La langue est belle, distillant une poésie subtile et attentive. Sur le fil périlleux, la jeune dramaturge belge compose une pièce sans faux-semblant. Elle parvient à vaincre l’effrayant silence avec la vérité nue des mots vrais, pour dire le douloureux poison du « soleil noir de la mélancolie ».

Bernard Magnier

« J’ai cherché des témoignages. J’ai rencontré une soixantaine d’hommes et de femmes. Ils m’ont parlé, écrit, parfois avec tristesse, parfois avec colère, parfois avec ennui... mais toujours avec vérité. La rencontre humaine est très importante dans ce projet et je voudrais qu’elle le soit jusqu’au bout. »

Céline Delbecq

• La presse

« L’évidence esthétique de la réalisation convainc autant que les mots, (avec une mention particulière pour Consolate Sipérius en petit frère désarmé et désarmant et à Charlotte Villalonga pour sa jeune femme écorchée lucide). » Michel Voiturier, Rue du théâtre, 2 mars 2014

« Un huis clos familial mis en scène avec délicatesse par l’auteur et porté par des acteurs très inspirés. Les comédiens jouent leur partition avec brio en évitant au maximum le piège de la sensiblerie. (...) L’ensemble nous livre un spectacle très émouvant, parfois drôle, attachant, délicat et terriblement vivant ! Il a le mérite de parler d’un sujet souvent tabou dans notre société et de confirmer l’énorme talent et l’audace de Céline Delbecq. Pari gagné, à suivre donc ! » Agathe Meziani, Karoo, 26 mars 2014

« S’il est un signe particulier chez les meilleurs créateurs, c’est l’obsession. Combien d’écrivains, cinéastes ou plasticiens ont, toute leur vie, fouillé la même question ? Avec Céline Delbecq, pas besoin d’attendre la fin de sa carrière pour comprendre le sujet qui la taraude. » Catherine Makereel, Le Soir, 12 mars 2014

• Un travail de recherche approfondi

Le travail d’écriture de Céline Delbecq a été nourri par de nombreux témoignages de personnes ayant été confrontées au suicide de près ou de loin. En tant que metteure en scène, elle prolonge, approfondit et élargit ces échanges, cette rencontre humaine essentielle dans la démarche de création. Céline Delbecq propose un théâtre dans lequel les mots sont les vecteurs de l’énergie du jeu des acteurs, un théâtre qui offre des images fortes et concrètes aux spectateurs, à la force évocatrice très puissante. Le travail de la lumière, tout en subtilité, contribue à scénographier l’espace de jeu et à construire une forme à la fois réaliste et fabulée. Loin de tenir un discours univoque sur le suicide, cette création en propose un traitement artistique original.

Avec une mise en scène délicate et cotonneuse, un jeu d’acteurs très direct et un texte brut et concret, Eclipse totale oscille entre expressionnisme et réalisme. Entre Théâtre et Société Le théâtre de Céline Delbecq évoque souvent des problématiques sociétales actuelles. Celui-ci parle du suicide. Un acte irréversible et souvent incompréhensible, qui reste tabou en faisant pourtant partie du vécu de la majorité d’entre nous : qui n’y a jamais été confronté, de près ou de loin ?

Il n’est pas toujours aisé de donner un sens à sa vie et d’en trouver un au monde. Celui-ci a changé de manière fulgurante, et la société dans laquelle nous vivons nous semble souvent incompréhensible, difficile. Nous ne savons pas toujours en quoi croire, quelles valeurs suivre, quel sens donner à tout ça. Ce défaut de sens peut parfois conduire à un profond désespoir face à sa propre vie.

Comment et pourquoi faire le choix de la vie ? Les formes artistiques contribuent-elles à donner du sens aux choses ? À travers le kaléidoscope des vies et des morts qui y sont présentées, ce spectacle nous invite à questionner notre rapport à la mort et par conséquent notre relation à la vie...

• Extrait

« Il existe des abimés de l’âme qui marchent sans rien dire. Qui marchent sous la lune, la neige, les nuages.
Qui ne font que marcher sous.
Sous une partie du ciel menacée par sa propre lumière.
Ils marchent, exposés et sans refuge, sous l’obscurité brûlante.
Depuis combien de temps marchent-ils ?

Il existe des squelettes enrobés de chair qui marchent sans rien dire.
Qui marchent, rigides, froids, comme déjà morts
Et pourtant pleins d’atomes qui les traversent
Qui sont-ils ?
Depuis combien de temps marchent-ils ?
Combien de pas sont posés au sol entre le choix et l’acte de la mort ?
Combien ?

Et nous ?
Vous, nous, vivants, qui sommes nés malgré nous
Qui marchons sur
Sur les trottoirs et les plages de sable fin
Sur les routes froides, les roches et les chemins de pierre
Avec cette chance inouïe d’être légers
Combien de pas posons-nous chaque jour sans avoir conscience que nous avons fait le choix de la vie ?
Combien ? »

Céline Delbecq - Eclipse Totale