Le 24/12, le restaurant du Rond-Point est ouvert, avec un menu spécial réveillon. Pensez à réserver !
El Tigre donne son nom à un ensemble d’îles argentines et de marais peu gays. Là, un groupe de cinéphiles fanatiques a trouvé refuge. Ensemble, le samedi soir, ils recréent les films adorés, les rejouent, se travestissent avec les moyens du bord. Au final, Vampira croque les jugulaires des enfants de chœur, Lana Turner trouve le temps long et Holy se remaquille. Les créatures de El Tigre déclenchent une série de quiproquos et de coups de théâtre qui les propulsent dans un univers plus délirant que celui qu’elles voulaient représenter. Elles retrouvent la tonalité des univers fantasques des Marx Brothers ou d’Ed Wood, alors qu’elles croyaient plonger dans les mélodrames vénérés. Dark, Holy, Lana, Lanita, Tota et Vampira chantent, dansent, illuminent d’étincelles colorées un monde trop gris, trop triste. Elles s’envolent en fusée, côtoient les météores qu’elles préfèrent aux étoiles mortes, et se pulvérisent à coups d’apéricubes à la mortadelle.
Festin avec strass, paillettes et tombolas, El Tigre se joue dans la maison de sublimes démentes. Arias et sa bande invitent des stars, des vamps « idolâtrables » et des travs acidulés. Figure mythique de la scène, le créateur d’origine argentine Alfredo Arias créait les saisons dernières au Rond-Point Trois tangos, Tatouage, ou Divino amore. Il a toujours tranché dans le vif de l’humain pour le mettre à poil ou en collant pailleté sur l’avant-scène. Fête oblige. Maquillages outranciers, accessoires de rigueur et plumes partout, ses créatures déjouent les mauvais sorts : vivre, vieillir, mourir. Elles annoncent une « comédie musicale sur le dérèglement climatique », quittent la planète molle pour une galaxie explosive vouée aux extravagances hollywoodiennes. À faire pâlir Broadway.
Dans quel espace se joue El Tigre ?
El Tigre, c’est une région au Nord de la ville de Buenos Aires, au terminus d’une ligne de chemin de fer, baptisée El tren de la Costa, qui longe tant bien que mal le Río de la Plata. El Tigre, c’est une quantitéd’îlots qui flottent au confluent du Gran Paraná, rivière descendant des Chutes d’Iguaçu jusqu’au Río de la Plata. Le nom viendrait du fait que dans ces îlots on chassait le tigre. Je préfère penser que c’est la vue aérienne de ces îles qui rappelle la peau du fauve. Sur ces îles, se dressent des maisons : type datcha russe, chalet suisse ou petit palais indonésien, où se réfugie toute une population qui fuit la fièvre chaotique de Buenos Aires et qui, à quelques kilomètres de la métropole, peut plonger dans une sorte de rêve Indo-Argentin. J’ai su dès ma jeunesse que dans ces maisons de villégiature aquatique s’était établie une communauté de gays qui profitaient du calme et du dépaysement pour se perdre dans des rêveries cinématographiques, en se racontant les films de telle ou telle autre star, les imitant, et jouissant des dernières tragédies des reines du celluloïd.
Comment est né le projet El Tigre ? Et que signifie ce titre ?
À l’origine d’El Tigre se trouve Casa Susana un album américain construità partir d’un parcours photographique énigmatique. L’auteur de ce recueil de photos a trouvé par hasard au marché aux puces de New York une série de boîtes contenant comme des cartes postales où figure tout un éventail de femmes très bien habillées suivant sans doute les règles de la beauté et l’élégance édictées par le Hollywood de l’époque. Quand on regarde de plus près ces clichés, on s’aperçoit que ce sont des hommes qui endossent les robes et assument l’imitation des ces éphémères déesses. Nous sommes évidemment très loin des Drag Queens : ici nous nous trouvons plutôt dans le royaume de Doris Day et de Zsa Zsa Gabor. À travers cette galerie de portraits, on comprend que ces hommes avaient trouvé dans la Casa Susana, un abri grâce auquel ils pouvaient se glisser, sans les contraintes de la vie courante, dans la silhouette d’une star. Le second pas qui a déterminé l’écriture d’El Tigre, c’est la découverte du cinéclub argentin Mon Amour. Un temple du cinéma. Dans la rue Carlos Calvo, au coeur du quartier colonial de Buenos Aires, San Telmo, au bout d’un long couloir se trouve une salle de cinéma qui a été aménagée dans la chambre d’un modeste appartement : les habitants du coin viennent assister aux projections, chargés de leurs sacs à provisions ! Après la séance, ils débattent comme des cinéphiles avertis ! L’assemblage de ces deux mondes, celui de Casa Susana et du cinéclub Mon amour, m’a donné l’envol pour commencer l’élaboration de cette pièce. Et le delta du Tigre était le décor idéal pour fonder cette colonie de cinéfolles.
Il s’agit d’un portrait de femmes ? Mais avez-vous jamais, d’une manière ou d’une autre, toujours dressé des portraits de femmes ? De toutes les femmes ?
Si on me demande de définir un genre, je dirai que El Tigre est une comédie loufoque avec des chansons. Si on dit « comédie musicale », on pense trop à Broadway. Si on dit « cabaret », c’est l’image de Liza Minnelli qui s’impose. Si on dit « joyeux bordel », on se représente des hommes et des femmes qui conçoivent le sexe comme un divertissement et logiquement je suis totalement d’accord ! Mais El Tigre est plutôt un bordel surtout très structuré à la façon d’un vrai et authentique vaudeville ! Dans El Tigre, la sexualité est vécue par un seul et envahissant personnage : la très «angora» Lana Turner. Non, ce n’est pas un hommage à Copi. J’ai toujours l’impression que les hommages vous font reculer et modestement j’essaie d’aller de l’avant avec toutes les chutes que comporte la marche. Peut-être qu’avec Copi, je partage le goût du délire, mais le délire est propre à la comédie qui va des Marx Brothers au surréalisme latino-américain. Le délire de Copi finit dans l’abîme et le désespoir, alors que le mien débouche dans une communauté qui partage un rêve de cinéma idéal et nostalgique. Il y a un dessin de Copi où l’on voit un rocher sacrificiel : les poulets doivent monter et une fois au sommet se laisser tomber dans le vide. Et ainsi ils vont s’écraser sur une pile de poulets morts. Le dessin retient le moment où le poulet parvenu au sommet hésite à se jeter dans le néant. Celui qui le suit lui souffle à l’oreille : « Avance, Leonor ! ». Dans El Tigre, les pas en avant que font les personnages les entraînent vers un monde festif et exaltant où règne la folie cinématographique. Les personnages de El Tigre croient pouvoir recréer, ce soir-là, un film de Douglas Sirk, le grand maître du mélodrame. Et pourtant un mécanisme implacable les propulse dans un délirant vaudeville inspiré par Ed Wood ( le plus mauvais et génial réalisateur au monde.) Les références qui m’ont accompagné sont plutôt Manuel Puig avec Le Baiser de la femme araignée, où l’homosexuel, qui partage en prison la cellule avec un «guerrillero», essaie de lui faire oublier l’atrocité de la torture en lui racontant des films. Il y a aussi la présence tutélaire de Kenneth Anger avec son Hollywood Babylon, un catalogue du dark side de Hollywood, une série d’anecdotes sordides et passionnelles de la vie privée des stars : l’écran immaculé se noircit du vice et de la déchéance des vedettes. Ce livre m a permis d’exploiter certains détails troubles de la star Lana Turner.
Le grand plateau du Théâtre du Rond-Point vous fait-il peur ? Savez-vous aujourd’hui ce que vous voudrez en faire ?
Oui, El Tigre dresse le portrait d’une femme-star, mais à travers l’imaginaire des hommes qui comme des gosses émerveillés voient évoluer cet être de lumière dans une chambre noire. Regarder les films les yeux fermés pour mieux les voir, puisque c’est dans le rêve qu’ils perdureront. Les femmes de ces songes sont des fantômes, des esprits qui partagent un moment de bonheur cinématographique avec ceux qui les rêvent. Sinon, les femmes de El Tigre, Mme Holy et sa servante Dark, « les tigresses travesties », ont plutôt l’apparence de Jack Lemmon et Tony Curtis. Et puis il y a de vraies femmes : une Indienne et la fille de Lana Turner, Lanita qui nous rappellent que la terre existe, quoiqu’elles finissent, elles aussi, par être rattrapées par la puissante vague des folles du cinéma.
Propos recueillis par Pierre Notte
Enchantement déjanté et cocasse d'Alfredo Arias, toujours au rendez-vous de l'improbable (la Dombasle !). Spectacle incroyable et beau
J'ai toujours aimé le monde merveilleux et poétique d'Alfredo Arias. Ce spectacle s'inscrit encore dans la même lignée. Un texte plein de subtilités, des acteur d'une justesse étonnante. Une musique qui nous enivre. Un décor qui nous transporte. Bref, un spectacle fantastique. J'y ai assisté avec mon enfant de 12 ans et il m'a dit "Papa, j'ai passé un très bon moment". Le meilleur compliment pour ce magnifique travail. Wladimir B.
Un spectacle d'une indigence totale, aucun rythme, scénario poussif (décousu serait ici un compliment), personnages transparents, humour et références de brocante (tout y passe, de eminem à ed wood, est-ce pour montrer qu'on est encore dans l'air du temps ?). On reste par compassion pour les acteurs, qui font de leur mieux pour se sortir de cette galère, et notamment Arielle Dombasle qui demeure une très belle chanteuse et apporte les quelques rares moments de grâce et d'ironie. On reste aussi pour le très bon quatuor à cordes qui accompagne ce naufrage d'une musique inspirée.
Pour 1 Notes
Enchantement déjanté et cocasse d'Alfredo Arias, toujours au rendez-vous de l'improbable (la Dombasle !). Spectacle incroyable et beau
J'ai toujours aimé le monde merveilleux et poétique d'Alfredo Arias. Ce spectacle s'inscrit encore dans la même lignée. Un texte plein de subtilités, des acteur d'une justesse étonnante. Une musique qui nous enivre. Un décor qui nous transporte. Bref, un spectacle fantastique. J'y ai assisté avec mon enfant de 12 ans et il m'a dit "Papa, j'ai passé un très bon moment". Le meilleur compliment pour ce magnifique travail. Wladimir B.
Un spectacle d'une indigence totale, aucun rythme, scénario poussif (décousu serait ici un compliment), personnages transparents, humour et références de brocante (tout y passe, de eminem à ed wood, est-ce pour montrer qu'on est encore dans l'air du temps ?). On reste par compassion pour les acteurs, qui font de leur mieux pour se sortir de cette galère, et notamment Arielle Dombasle qui demeure une très belle chanteuse et apporte les quelques rares moments de grâce et d'ironie. On reste aussi pour le très bon quatuor à cordes qui accompagne ce naufrage d'une musique inspirée.
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