Présentation
Celle qui était toutes
les autres en une
Le Film
A propos du Journal
dune fille perdue
Un écran, un film, Journal dune fille perdue, une
chanteuse et des musiciens. A lorigine de ce spectacle : deux lumineuses rencontres,
celle de Roberto Tricarri, musicien, et dHanna Schygulla, actrice et chanteuse puis
celle de cette dernière avec celle qui fut sa muse : Louise Brooks. Tous trois se sont
retrouvés autour de Pabst et de son cinéma qui « bouscule les convenances et exalte
avec éclat linsoumission et la beauté ». Profonde et sensuelle, la voix
dHanna Schygulla offre une nouvelle lecture de cet hymne à la liberté quest
le film de Pabst.
Une fascination émane de cette soirée, sans doute grâce à la complicité artistique
qui existe entre ses deux femmes, la correspondance entre le visage énigmatique de Louise
Brooks et la présence-voix de Hanna Schygulla. Les paroles de lune apparaissent
comme les pensées secrètes de lautre. Tout cela sur une musique qui accompagne
savamment les images sans les écraser. Un véritable événement.
Bien sûr, on ma souvent demandé qui était mon idole. Et moi je nétais
pas si sûre que jen avais une
Ou alors peut-être
sil en fallait
une alors peut-être à la sortie de mon adolescence Brigitte Bardot la femme animale. Et
un peu plus tard : Marilyn Monroe la femme séductrice. Et un peu plus tard : Jeanne
Moreau la femme mystère. Et un peu plus tard : Simone Signoret la femme tout court. Et
encore plus tard : Ingrid Bergman lêtre tout court. Et puis beaucoup plus
tard
jétais devenue moi-même actrice de cinéma
Je rencontre mon étoile phare. Je la rencontre dans le vieux film muet « Loulou » de
Pabst. Celle qui était toutes les autres en une
Louise Brooks. A peine je la
vois
je sais que cest elle. Elle rayonne dune telle essence de rare
pureté. Ca donne le vertige comme lêtre plus fort des enfants pas encore
apprivoisés. Ca vient dune zone où la morale ne sy est pas encore enracinée.
Où la vie ne se cache pas encore derrière les masques de nos joyeux sociaux. Cest
le choc de la pureté sauvage. Cest à travers Louise Brooks, peu importe
quelle fût habillée en blanc ou en noir, que jai vu apparaître sur
lécran la belle nudité de ce que jai envie dappeler : « LEnfant
achevée qui sest réveillée femme ». Louise Brooks sest retirée de
lécran en plein milieu de sa carrière ! Est-ce quelle na pas eu de
regrets plus tard ? Etait-ce le destin dun avènement prématuré ? Etait-ce une
façon de se sauver ? Ou était-ce « La malédiction de la beauté » qui élève la
belle sur un nuage distant de nous autres créatures ? Tant de questions à travers tant
de beauté visible ! Cela invite à vouloir toucher au « mystère : Louise Brooks ».
Cest pour cela quil ma paru tout naturel de vouloir lui rendre
hommage
Quand Roberto Tricarri ma proposé de membarquer dans sa belle aventure
: Réinventer le son du film muet « Journal dune fille perdue ». Et comment ?
peut-être au lieu dune sonorisation plus ou moins évidente. Est-ce possible de
rendre cet hommage au travers dune sorte de poème sonore ? Hanna
SCHYGULLA
Journal dune fille perdue (Das Tagesbuch einer verlorenen) - 1929- Réalisation de G.w.Pabst, daprès le roman de Margarethe Boehme avec: Louise Brooks (Thymiane), Joseph Rovensky (Henning), Vera Pawlowa(Tante Frida), Fritz Rasp (Meiner), Arnold Korff (Comte Osdorff), Sybille Schmitz (LAmie de Thymiane), Andrews Engelmann (Le directeur de la maison de redressement), Valeska Gert (Sa femme), Edith Meinhard (Erika)
George Wilhem Pabst (1885 / 1967) : Né en Autriche en 1885. Dabord musicien, en
Suisse et aux Etats- Unis, il aborde la mise en scène dès 1918 en plein courant
expressionniste. Dans cet esprit, il réalise son premier film en 1923 : Le
Trésor.
Avec La Rue sans Joie (1925), qui le fait connaître,
samorcent les préoccupations sociales qui marqueront désormais ses films.
Cest la « nouvelle objectivité » (réalisme) qui lamènera plus tard à
rencontrer Bertolt Brecht. Les découvertes de la psychanalyse, certaines tendances
anarchistes, une sensualité naturelle et une violence contenue aboutiront, après
lamour de Jeanne Ney (1927), au premier chef-duvre absolu
de Pabst, Loulou. Dans ce film, on découvre une des plus
fascinantes actrices du cinéma : Louise Brooks. Pabst, en 1992, tourne avec Louise Brooks
Journal dune fille perdue.
Le cinéma parlant, malgré quelques autres grandes uvres, lui sera moins favorable.
Citons Quatre de linfanterie, LOpéra de
quatsous (1931) et lAtlandide (1932).
Il meurt à Vienne en 1967.
Louise Brooks : A une époque où tant d énergie est consacrée à perpétuer la
vision éphémère de ces stars (femmes-objets, hommes-objets) livrés à lappétit
oculaire des foules, fantômes vêtus de lumière empruntée, il nous paraît important de
pouvoir rendre hommage à lune des seules actrices de lhistoire du cinéma qui
se soit toujours insurgée contre cette forme nouvelle didolâtrie.
Il y aurait beaucoup à écrire sur le destin de cette femme étonnante, fille spirituelle
de Lou Andréas - Salomé, dune indépendance et dune intelligence- pour ne
point parler de sa beauté- hors du commun. Louise Brooks na pas beaucoup tourné.
Trop lucide et trop indépendante sans doute pour jouer le jeu.
Il y eut cette rencontre miraculeuse avec un personnage, Loulou,
et avec un metteur en scène, Pabst. Dans Journal dune fille perdue,
autre chef duvre, elle est toujours perverse, enfantine, naïve, enjouée,
amorale pensionnaire canaille et femme fatale. Louise Brooks emplit lécran de sa
présence magique et apporte au film de Pabst un érotisme de tous les instants. Il en
résulte un jeu sublime qui dépasse linterprétation. Un jeu où tout lêtre
est en jeu.
Un Hymne à la liberté sexuelle flétrissant lhypocrisie dune société
corrompue. « Nayons pas peur des mots. Nous sommes en face dun chef
duvre.
Rarement la beauté cinématographique naura été aussi près de lefficacité
du langage. Dans un tout dune cohérence absolue, lart de Pabst harmonise la
photogénie des visages, la fluidité du montage, la présence significative des décors,
le rôle des objets, la justesse des éclairages et la position privilégiée de la
caméra
»
Journal dune fille perdue a toutes les apparences dun mélodrame
Toutefois, nous sommes fort loin des codes de narration du genre. Nous en sommes même à
lopposé, et des historiens du cinéma comme Raymond Borde et Freddy Buache parlent
dun « antimélo ». Pabst refuse constamment les interprétations tranchées et
plonge les rapports entre les personnages dans une ambiguïté fondamentale. Cest
son immoralisme qui transforme Journal dune fille perdue en antimélo.
Dans lAllemagne pré nazie, peu de films auront subi autant de mutilations,
dinterdits
La censure se déchaîna. Rares sont les films qui dénoncent avec
autant de virulence la soif de corruption de la bourgeoisie et exaltent avec autant
déclat le plaisir charnel et la beauté.
Freddy Buache, fondateur de la Cinémathèque suisse, auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma
22, rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart
Voiture : périphérique sortir Porte de Châtillon puis Départementale 306 suivre le fléchage Clamart et Centre Culturel Jean Arp.