En ce temps la l’amour était de chasser ses enfants...
Ainsi commence le récit que Z entreprend devant un petit magnétophone. Après avoir longuement hésité, encouragé sans doute par quelques photos de son arrière petit-fils qui viennent tout droit d’arriver d’Amérique, il se décide (enfin !) à raconter, par bande magnétique interposée, un souvenir gravé à jamais dans sa mémoire : l’étrange rencontre avec un père et son jeune garçon dans un wagon qui les emmenait vers les sinistres camps allemands. Et surtout l’extraordinaire volonté chez cet homme de profiter de chaque instant pour transmettre à son fils l’essentiel de ce qui aurait pu faire de lui un homme.
J’ai connu Gilles en 2006 à l’occasion d’une mise en scène de l’Oncle Vania de Tchekhov que j’ai monté dans un théâtre de verdure à Chantilly. Il jouait le vieux professeur Sérébriakhov. Il était magnifique. En 2009, il a joué Fin de partie de Beckett dans une mise en scène de Charles Berling. Il sortait d’une poubelle et y restait pendant toute la représentation.
Il m’a dit à la sortie du Théâtre : « j’aimerais bien ne pas finir ma carrière dans une poubelle ». Alors nous voici en 2010 prêts à jouer En ce temps-là l’amour… C’est un texte qui lui tient à coeur pour des raisons intimes. Il est bouleversant. D’une immense simplicité. La mise en scène est invisible, elle s’efface totalement derrière le jeu de l’acteur.
Jean Bellorini
94, rue du faubourg du temple 75011 Paris