Derrière la porte verrouillée, des cris. À peine sortie de l’enfance, une gamine nue, enfermée, allaite son môme. Le père du môme ? Probablement le père de la fille. La mère ferme les yeux, se fait maquiller. Aveugle en tout, elle enrage. Un loup vient raconter l’histoire, et l’horreur domestique laisse place au conte cruel et fantastique.
La gamine mord le père à l’oreille et emporte l’enfant. Dans la forêt profonde, l’enfant grandit, se nourrit en dévorant sa mère et rencontre le loup. L’enfant connaît la faim et le froid, mais ni la peur ni l’effroi. Il bouffe le loup, endosse sa peau et rejoint la ville pour y régler leurs comptes à ses semblables humains qui ont fait de lui un monstre.
Vingt ans plus tard, quand le jeune homme débarque, l’homme et la femme, ses grands-parents, traînent un minable cirque ; numéros de cracheur de feu et de cartomancienne. L’enfant les retrouve, s’occupe de leur sort, sans s’inscrire pourtant ni dans la vengeance ni dans le pardon. Et le loup souligne : « L’homme, un loup pour l’homme ? Ce propos désormais, je le tiens pour dégradant ».
Ancien secrétaire général de la Comédie-Française, passé auteur associé et conseiller du Théâtre du Rond-Point, Pierre Notte est l’auteur de Moi aussi je suis Catherine Deneuve (Molière du théâtre privé), des Deux petites dames vers le Nord, de J’existe foutez-moi la paix (présenté au Théâtre du Rond-Point en 2009) et des Couteaux dans le dos.
Découvreur du théâtre de Yasmina Reza ou de Jean-Marie Besset, ancien compagnon de route d’Antoine Vitez, Patrice Kerbrat signe la mise en scène du conte, dirigeant dans une fresque grinçante une imagerie aussi proche de l’élégance des fables japonaises du kabuki, que de l’énergie foutraque des tréteaux du théâtre forain.
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