Forever Young

Bobigny (93)
du 11 au 14 mars 2004

Forever Young

Spectacle en allemand surtitré d’après Le Doux Oiseau de la jeunesse.
Aux États-Unis, dans une ville du Sud dominée par un politicien au pouvoir absolu, arrive un couple étrange. Un jeune homme, originaire des lieux qui cherche à renouer les liens avec son premier amour, accompagné d’une star de cinéma vieillissante fuyant la critique après la sortie de son dernier film.
Sur ce canevas, Tennessee Williams construit une pièce à thèmes : la peur du vieillissement, le pouvoir absolu de l’argent, le désespoir des Noirs et des Blancs broyés par le système, l’univers humide et déliquescent du Sud, le puritanisme qui masque mal l’hypocrisie morale et sexuelle de ceux qui le revendiquent.

Spectacle en allemand surtitré d’après Le Doux Oiseau de la jeunesse de Tennessee Williams.

Le spectacle
Entretien avec Frank Castorf

Aux États-Unis, dans une ville du Sud dominée par un politicien au pouvoir absolu, arrive un couple étrange. Un jeune homme, originaire des lieux qui cherche à renouer les liens avec son premier amour, accompagné d’une star de cinéma vieillissante fuyant la critique après la sortie de son dernier film.

Sur ce canevas, Tennessee Williams construit une pièce à thèmes : la peur du vieillissement, le pouvoir absolu de l’argent, le désespoir des Noirs et des Blancs broyés par le système, l’univers humide et déliquescent du Sud, le puritanisme qui masque mal l’hypocrisie morale et sexuelle de ceux qui le revendiquent.

Ce matériau dramatique, sur fond de guerre de Corée, Frank Castorf va l’utiliser pour réfléchir à notre rapport ambivalent, à nous Européens, face à cette Amérique qui nous séduit et nous repousse. Attirance et répulsion qui caractérisaient aussi la relation de Tennessee Williams à son pays, lui l’homosexuel alcoolique et drogué, adulé par le public, encensé par la critique, mais bien trop dérangeant pour le système. Nous portons en nous cette contradiction et cette complexité.

Dans un monde où tout un chacun veut être acteur, jouer des “rôles”, du politicien au mannequin en passant par le lofteur, rien de mieux que le théâtre, dit Castorf, pour que les vrais acteurs accentuent ce narcissisme planétaire.

Il ira au plus profond de la vulnérabilité de ces personnages tentant désespérément de contrôler leur image dans une schizophrénie galopante, à l’image de l’Amérique, qui, depuis ses origines, ne cesse de se mentir à elle-même, entre idéologie puritaine et généreuse et pratique mercantile et immorale.

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Nous avons une obligation en faisant du théâtre, car le théâtre est un camp d’entraînement pour le courage. Le théâtre peut amener au courage et transmettre le courage.

À la lecture, cette pièce me fait penser à Sydney Poitier courant dans des champs de coton, pourchassé par des bouledogues.
Cela parle évidemment de la lutte contre le racisme dans les années cinquante et soixante dans les états du Sud des États-Unis. Aujourd’hui, le conflit entre Noirs et Blancs s’est déplacé depuis Le Doux oiseau de la jeunesse, il n’est plus vu comme quelque chose découpant la société américaine en deux (…).
Maintenant se pose la question du système, le système capitaliste de l’Amérique et de l’Europe après la fin de la guerre froide, est-il le seul pensable et le meilleur du monde ? Ne va-t-il pas vers sa propre perte depuis la fin du conflit Est-Ouest ?

Dans Le Doux oiseau de la jeunesse, ce conflit latent est déjà exposé, mais de façon différente ; il repose sur la base d’un pouvoir puritain dont l’épicentre est représenté par le personnage du président. Boss Finlay est un Citizen Kane, une figure à la Orson Welles. (...)

Tous les personnages sont des êtres médiocres, on en reconnaît quotidiennement. Ils nous sont proches aussi par leur perversité, voire leur anormalité. On se retrouve en eux comme dans un film de Tarantino. Cette dualité fait partie d’une énorme machine de divertissement. Et la mise en scène parle aussi de cela : comment faire passer mon malheur par la caméra, comment faire pour bien le vendre ? En cela ils se ressemblent tous : les méchants et les bons, les vieux et les jeunes, les beaux et les laids : on marchande tout. (...)

Nous regardons ce monde qui caresse notre désir d’ordre et de moralité, puis nous nous rendons compte que ce puritanisme, ce système basé sur une forme d’ordre idéologique et religieux du capitalisme américain, est troué comme une passoire par l’irrationalisme, la violence et les pulsions sexuelles. C’est le revers de la médaille. Cette percée glorieuse des Américains dans l’Histoire du monde, cette volonté de maîtriser le monde, est fondée sur la violation permanente des Droits de l’Homme. (...)

Si l’on transpose cette pièce aujourd’hui, on ne peut faire autrement que de l’imaginer sur une île. La scénographie est une île. On pense à l’île des bien-heureux, qui, au milieu d’un monde qui s’écroule, se sont assurés le privilège d’une consommation illimitée. Cela implique aussi une forme de terreur de la consommation à laquelle nous nous sacrifions pourtant avec joie. Mais c’est aussi le lieu de la lutte pour le pouvoir contre les laissés pour compte. (…) Cette scénographie “tropicale“ est aussi une serre chaude où explosent les pulsions. Elle a son climat propre. Elle est couverte de bâches jaunes, elle ressemble à un lieu de tournage de cinéma : on regarde et on sait que quelque chose est faux, tout ne semble être que simulation ou illusion.

Nous avons ajouté certaines réflexions du roman Le Cœur des ténèbres de Joseph Conrad, qui a également servi comme base au film Apocalypse Now, où l’on plonge dans une végétation, dans une culture étrangère. Nous sommes happés par la végétation, et là, nous nous rendons compte de notre futilité. Ce film de Coppola a montré la plus grande blessure, encore ouverte des Etats-Unis : le Vietnam. Chez Conrad, c’est l’Afrique. (...)

Il y a différents niveaux de références : Citizen Kane, Orson Welles, Boss Finlay, le mal, le puritanisme, Chance Wayne, le jeune qui veut vivre le mythe “d’être plongeur puis millionnaire“, la diva vieillissante qui s’achète ce jeune homme avec l’argent qu’elle a gagné à Hollywood. C’est un mélange très intéressant. Chez nous, ce n’est pas une vieille diva, c’est Kathrin Angerer qui joue Alexandra Del Lago, la princesse Kosmonopolis. Mais elle n’a que 32 ans, et cela pouvait poser des problèmes. Chez nous, la pièce s’appelle Forever Young. Cela parle du désir mais aussi de la pression d’être constamment en représentation. (…)

La caméra est impitoyable, elle a quelque chose de l’ordre de la justice, elle se rapproche, elle donne des informations, des preuves, elle dénonce notre désir de vouloir nous cacher nos propres défaillances et notre vieillissement. Elle montre également l’homme dans son état le plus pitoyable. La télévision est un média d’événement, pas comme le film qui est un média de l’art. Nous utilisons des caméras sous-marines. L’homme qui se trouve sous l’eau, qui se cache, est déformé. Comme le corps se trouve au centre, on peut voir l’effort physique.

Nous ne nous posons pas seulement des questions sur les personnages, sur Chance Wayne ou Boss Finlay et leurs modèles historiques ou cinématographiques, nous nous posons des questions sur les acteurs. Qui sont ces acteurs ? Bien évidemment, ce sont tous des hommes jouant des personnages. Ils se posent donc une question très intéressante : qui sont-ils en réalité ?

Les situations sur le plateau ne sont pas que de pures relations de théâtre, elles sont aussi des relations privées. Ce n’est pas que de la fiction, cela interfère avec ceux qui jouent la scène. Ils parlent aussi d’eux-mêmes comme acteurs, sur cette île où ils ont la sensation que tout se passe comme ils le souhaitent. Mais tout cela est également irréel. Ils s’observent avec méfiance, et ils sont obligés de se supporter. Ils ne veulent pas forcement avoir à faire avec les autres, mais ils ne peuvent pas fuir. C’est la situation des personnages mais aussi celle des acteurs. C’est pourquoi la caméra dans cette pièce est comme une citation. La caméra subjective est un instrument de recherche qui permet des associations.

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9, bd Lénine 93000 Bobigny
Spectacle terminé depuis le dimanche 14 mars 2004

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