En italien surtitré.
« La question du réel, de la réalité, de sa représentabilité dans l’art et en particulier au théâtre, nous intéresse depuis toujours », écrivent Deflorian et Tagliarini, auteurs, acteurs, performeurs, metteurs en scène qui travaillent ensemble depuis 2008. Pour préparer Reality (2012) et aborder les 748 carnets de notes dans lesquels Janina Turek avait méticuleusement consigné pendant un demi-siècle les moindres détails de son existence banale, ils s’étaient rendus en Pologne pour suivre les parcours quotidiens et s’imprégner du territoire de cette femme au foyer parfaitement inconnue.
Dans Ce ne andiamo..., créé un an plus tard, l’un des enjeux du spectacle consiste à faire sentir, sur un plateau nu, la pression des circonstances concrètes de l’existence en Grèce, aujourd’hui : le grincement des rideaux de fer qui se baissent pour ne plus se relever, la rumeur des embouteillages et des manifestations, les silhouettes penchées au-dessus des poubelles pour y fouiller. Cette présence réelle d’Athènes, arrière-fond sur lequel les gestes se détachent pour prendre tout leur relief politique, explique selon les deux artistes que la transition vers leur nouveau projet se soit faite naturellement. Son fil conducteur : « le paysage comme protagoniste », ou encore « le phénomène irréversible de la métropolisation du paysage et des modes de vie », en ce début de XXIe siècle où notre espèce, pour la première fois de son histoire, est devenue majoritairement urbaine.
Depuis quelques saisons déjà, Deflorian et Tagliarini accumulent les matériaux en vue de préparer Il cielo non è un fondale. Le rapport entre fond et figure ne pouvait que les conduire du côté des arts visuels. En 2014, ils ont présenté ensemble à Milan Il posto (terme qui traduit en italien un titre d’Annie Ernaux : La Place), étude-performance in situ devant une extraordinaire collection d’œuvres du Novecento. Les deux performeurs se sont aussi intéressés au land art, aux recherches de Sophie Calle inversant la hiérarchie entre une présence humaine et ses alentours (Voir la mer), à celles du Hollandais Berndnaut Smilde qui recrée des nuages en intérieur. Ils ont étudié le travail du documentariste Nicolò Bassetti, auteur d’une enquête sur le périphérique de Rome primée au dernier Festival de Venise. Ils ont réfléchi sur les rythmes obsessionnels de la vie contemporaine, sur « l’efficacité hyperactive » qui nous pousse sans cesse à voir, mais nous empêche toujours plus de regarder autour de nous, sans objet immédiat – qui nous prive de simplement contempler...
Qu’appelle-t-on habiter ? S’il est vrai que « nous avons troqué notre vie intérieure contre une vie à l’intérieur », comment nos abris nous laissent-ils penser à ceux qui restent « sous la pluie » ? Comment, sur scène, faire entrer le paysage du dehors, comment les faire dialoguer ? Le spectacle ne se réduira pas à une anthologie des matériaux collectés en deux ans de recherches. Deflorian et Tagliarina nous promettent une création pareille à « une fulgurance ».
« Le duo d’acteurs italiens revient à Paris, où il met en scène deux spectacles d’une belle et simple humanité. (...) Dans Il cielo non è un fondale – un titre en quoi l’on peut voir une métaphore de leur théâtre –, ils livrent, d’une manière autobiographique, les rêves, les moments de solitude, les chutes et les petites hontes face à la précarité qu’ils éprouvent dans la ville. » Brigitte Salino, Le Monde, 1er décembre 2016
« Jamais racoleur, jamais démagogue, il relève d'un théâtre de la parole et du geste nus. Pas de vidéo, pas de musique tonitruante, pas de grands effets qui flattent et draguent l'émotion. Si " Il cielo non e un fondale " séduit, car il séduit, c'est par son intelligence, sa profondeur et sa rigueur. Peut-être aussi, pourquoi pas, par une certaine aridité. » Mireille Descombes, L'hebdo, 17 novembre 2016
« Nous avons beaucoup travaillé sur la honte de se montrer aux autres qu’on peut éprouver quand on est en détresse. Nous vivons dans la société liquide de la flexibilité, d’après la définition de Zygmunt Bauman, de l’excès de « positivité », du « yes we can » : le système économique libéral conduit à ce que chacun soit son propre entrepreneur – pour plus de rentabilité économique, en réalité. Nous nous croyons donc « libres » de travailler jusqu’à l’épuisement. Faisant de nous nos propres employeurs, nous devenons nos propres esclaves. Le problème, au fond, c’est nous. Alors, comment surmonter cette honte ? Il faut dire non : pas un non passif, négatif, mais ce non vital, qui devient une forme de survie. Nous croyons que le théâtre, historiquement, représente le lieu idéal pour le faire. » Daria Deflorian
Du théâtre qui nous pousse à la réflexion...c'est bien son rôle
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Du théâtre qui nous pousse à la réflexion...c'est bien son rôle
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.