Voici un morceau de théâtre dont le personnage principal sera le texte. Un texte agencé avec tout plein d’autres textes venus des écrits de Sylvie Germain. Comme si mettant ensemble côte à côte et bout à bout paragraphes, phrases et fragments évadés en désordre des romans et essais de Sylvie Germain, une authentique pièce de théâtre s’écrivait...
Comme si l’assemblage coup de cœur et aléatoire de toutes ces phrases et fragments avait une conséquence inattendue : de mettre au monde une bien singulière « bête de scène »... Le personnage à qui échoiront la tâche et le destin de proférer ces « bouts de textes », les mettre dans tous leurs états, les aimer, leur « faire des scènes », les « jouer ».
Ce spectacle est le résultat et l’accomplissement d’une rencontre : celle entre un comédien et une écriture et son auteure. Les beaux moments de théâtre viennent souvent de cela.
Les écrits de Sylvie Germain n’ont de cesse- et avec quel intransigeant amour !- de questionner et contempler les humains. C’est à un vaste et étourdissant travail d’adoration que nous convient les phrases et les personnages de ses romans, les lignes et les pages de ses essais. Et si en ces temps de redoutables calamités possibles voire probables, d’obscurantismes en marche et d’arrogantes médiocrités, si le théâtre, ça servait tout d’abord à ça : Adorer !... Pendant qu’il est encore temps, que c’est encore possible.
Parce qu’ils célèbrent la beauté des êtres, ne cessent de débusquer le sublime et le grandiose au cœur même de la soi-disant petitesse des créatures frêles et laissées pour compte... Parce qu’ils ouvrent des yeux horrifiés et stupéfaits sur la monstruosité des bourreaux, la folie des êtres en perdition, les personnages et les écrits de Sylvie Germain me parlent , me racontent, me décrivent , m’inventent, me rencontrent...
Il y a ce qu’à défaut de meilleurs mots il faut appeler la beauté de ces textes…. Et même il y a ce qui ne saurait s’argumenter, encore moins se justifier : le désir d’où, papillon s’évadant de sa chrysalide, s’envole un beau matin la loufoque et déraisonnable décision de fabriquer du théâtre…
S’emparer de pages, de mots et de phrases qui parfois semblent « injouables » et défier le théâtre. Vouloir les jouer quand même dans tous les sens que cet irremplaçable mot, jouer, peut prendre sur la scène. Ce texte n’est pas du théâtre ? Qu’à cela ne tienne et raison de plus ! Une fois encore répondons présent ! à l’admirable injonction d’Antoine Vitez : Faire théâtre de tout !
Y.G.
21, avenue du Maine 75015 Paris