Énée quitte l’adolescence. Il porte le prénom du héros de L’Énéide, épopée de Virgile inspirée de L’Iliade et de L’Odyssée. Énée accompagne son père qu’un cancer emportera bientôt, il le porte. Il doit apprendre à le regarder mourir. Les deux hommes tentent d’atteindre les portes d’un pays rêvé, far west contemporain, bord de mer du Portugal où le père reposera peut-être. Autour d’eux, il y a les amis, les femmes, les doutes, puis les deuils, les trahisons et le rock. Il y a une amie au secret trouble et un copain musulman qui renonce à l’islam. Tout se passe aujourd’hui, à l’aube des attentats du Bataclan. Et tout vacille.
Fabrice Melquiot, auteur et directeur du Théâtre Am Stram Gram de Genève, a reçu en 2008 le prix du Théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre. Arnaud Meunier, directeur de La Comédie de Saint-Étienne, a mis en scène au Rond-Point Le Problème de François Bégaudeau, Chapitres de la chute et Je crois en un seul dieu de Stefano Massini. Voyage initiatique, J’ai pris mon père sur mes épaules fête un théâtre épique des aventures humaines. Melquiot réinvente une odyssée, machinerie avec intrigues et sous-intrigues, western aux mots directs, dialogues cisaillés. La fable réaliste expose un monde en mouvement, avec ses accrocs et ses tremblements de terre.
« Mais il y a au cœur de J’ai pris mon père sur mes épaules ce sentiment, abordé avec une infinie délicatesse, qui saisit un être humain adulte quand il vit ce moment bien particulier où c’est désormais à lui d’endosser la responsabilité familiale, de prendre ses parents sur ses épaules. (...) Maurin Ollès (...) est un magnifique Enée d’aujourd’hui, un comédien à la fraîcheur et à la poésie naturelles. Philippe Torreton et Rachida Brakni sont formidables comme ils savent l’être, en grands acteurs populaires. » Fabienne Darge, Le Monde, 11 février 2019
Elle vient, et elle tranche.
Anissa
La scène représente mon coeur
Et les processus sombres
Et les processus magnifiques
Qui le font battre
On y voit les mots que mon coeur dépêche
Dans le reste de mon corps pour l’éclairer
Éclairer le mot hanche
Le mot téton
Éclairer le mot cul
Sinon mes organes et mes membres
Vivraient sans direction
N’allez pas croire que je
Végète au rez-de-chaussée
Dans les odeurs de pisse et de javel
Je ne suis pas
La meuf planquée derrière son rideau qui
Rumine ce qu’elle a raté
Et épie les autres
Les autres
Qu’elle imagine forcément plus heureux
Ne me cataloguez pas
J’ai ce coeur-là
(...)
Je m’appelle Anissa
J’aime deux hommes
J’en aime deux
Personne ne le sait
Arnaud Meunier, vous travaillez pour la première fois avec Fabrice Melquiot, qu’est-ce qui vous a réuni ici ?
Avec Fabrice, nous nous connaissons depuis 2002 à l’époque où Emmanuel Demarcy-Mota avait pris la direction de la Comédie de Reims et où j’ai été artiste associé. Je connais donc bien son écriture. J’aime particulièrement plusieurs de ses dernières pièces : Days of Nothing ; Page en construction et Moby Dick par exemple qui fut déjà une commande d’écriture pour une création à La Comédie de Saint-Étienne pour la Compagnie associée The Party, mis en scène par Matthieu Cruciani. Fabrice est l’auteur que nous avons le plus programmé à La Comédie depuis mon arrivée à Saint-Étienne et il est venu plusieurs fois, à l’occasion de bals littéraires, du feuilleton Docteur Camiski ou du projet Et maintenant ?, associant des jeunes amateurs à notre ensemble artistique pour l’ouverture de la nouvelle Comédie. Il me semblait que le temps était venu de lui passer commande d’une pièce pour « grand plateau », d’une épopée moderne, que nous étions mûrs artistiquement pour une belle et grande aventure ensemble. Ces commandes d’écritures sont une marque de fabrique de La Comédie de Saint-Étienne, nous en passons en moyenne trois par an à des auteurs français ou étrangers.
Fabrice Melquiot, comment Enée va-t-il survivre à la mort de son père ? Grandi ou démuni ? Alors que le monde vacille au moment des attentats de novembre 2015 ?
Fabrice Melquiot. En traversant les douze chants du poème épique de Virgile, j’ai souvent pensé à Borges ; le genre littéraire qu’il estimait le plus était l’épopée. D’Homère comme des westerns hollywoodiens, Borges avait reçu que la vie d’un homme devait être émaillée de batailles et irradiée de courage. « Les dieux tissent pour l’homme l’adversité afin que les générations futures aient quelque chose à chanter. » À la fin du voyage, Enée aura gagné une stature qu’il n’avait pas ; sans doute pas le costume du grand héros, ce costume-là m’intéresse peu. Ce que j’aime regarder, c’est la faiblesse qui se fait force, c’est le détail qui brûle au long cours. Ici le héros, c’est ce jeune homme qui, aimant son père, se fait face à lui-même. Lâché par les dieux, encerclé par la maladie, voué au dénuement, attirant des princesses de périph ou de rocade, tout aussi lâchées que lui, et encerclées. Ayant trouvé le courage, ce qu’il rencontre d’abord, c’est la parole. Tant qu’on a les mots pour dire, une langue à habiter, on est de ceux qui ont les moyens d’objecter.
Arnaud Meunier, comment s’empare-t-on d’une telle aventure, avec autant de lieux, d’acteurs, d’événements ? Comment résoudre toutes les contraintes ?
Arnaud Meunier. Avec bonheur indéniablement ! L’idée de réunir une grande distribution mêlant les générations et les parcours artistiques était au coeur de notre envie. L’épopée est un genre théâtral qui n’est pas si courant dans les écritures d’aujourd’hui. C’est un défi excitant. Fabrice écrit profondément pour les comédiens. Je compte donc aussi beaucoup sur le travail collectif avec la troupe pour être inventif dans notre manière d’écrire cette traversée épique. Au théâtre, je pense qu’il ne s’agit jamais de « résoudre » mais plutôt d’ouvrir un champ des possibles laissant de l’espace pour l’imaginaire et la poésie.
Fabrice Melquiot, quand il s’agit de s’inspirer de la tragédie de Virgile, l’Énéide, quand on part d’un poème épique, comment arrive-t-on à une oeuvre contemporaine ?
Fabrice Melquiot. J’ai pris mon père sur mes épaules n’est pas une adaptation de L’Énéide. Inspiré de. D’après. Le plus juste serait de parler d’un dialogue avec L’Énéide. Parce qu’on parle avec le livre, on lui rend grâce, on le contredit, on le trahit, on l’abandonne, on le maudit, on le renverse, on le détourne. La pièce est la forme qui résulte d’un dialogue de quelques années avec le poème de Virgile. Dialogue d’abord d’ordre personnel : mon fils s’appelle Enée. Depuis bientôt cinq ans, je me demande chaque jour pourquoi il porte le prénom du grand perdant de la mythologie. Celui qui est contraint de quitter et toute sa vie d’apprendre à perdre. Dialogue devenu, avec l’invitation d’Arnaud, strictement littéraire. Du point de vue de l’écriture, j’aurais du mal à dire si la dominante est épique ou dramatique ; il me semblait essentiel d’entretenir l’adresse à l’assemblée. Mais le théâtre de récit ne doit pas nous faire oublier cet art du lien qui est le propre des écrivains dramatiques : des êtres se font face, ou s’évitent, et cherchent à habiter, de phrase en phrase, une langue et ses humeurs, ses moirures. Cette langue est tissée de poèmes et de proverbes, de chansonnettes et de lambeaux philosophiques, de listes de courses et de mots savants. Elle accueille tout, elle voudrait tout accueillir ; et ce serait, de sa part, un choix politique.
En quoi J’ai pris mon père sur mes épaules parle d’aujourd’hui et de demain ?
Arnaud Meunier. Comment l’amitié et l’amour nous permettent-ils de survivre quand tout s’écroule autour de nous ? C’est cela la question principale soulevée par la pièce me semble-t-il. Elle met en scène des personnages issus des milieux populaires où la solidarité et l’affection ne sont pas de vains mots.
Fabrice Melquiot. À chaque pièce, j’espère réussir, avec les tout petits moyens qui sont ceux des écrivains dramatiques, à embrasser le monde. Je me sens toujours porté par une ambition populaire. Mais comment savoir quand on fait mouche ? L’enjeu, ce n’est pas d’être actuel, c’est d’être contemporain : « Est contemporain celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps », comme le propose Giorgio Agamben. Par les ténèbres, nous avons à passer pour parler d’aujourd’hui et sonder de quoi demain sera fait. Mais je ne peux pas m’empêcher de siffler. Mettons que la pièce parle d’une chose précise, visible, palpable, qui parle d’hier, d’aujourd’hui et de demain, et qu’on appellerait : l’éclat du brouillard.
Propos recueillis par Pierre Notte
Trois heures sans entracte c'est vraiment trop long ! Deux premières heures de vif plaisir grâce à un groupe d'acteurs hors pair servis par un texte à la fois comique et émouvant dans un langage très actuel mais jamais vulgaire. Malheureusement la dernière heure traîne en longueur avec une intrigue qui s’essouffle et un texte qui s'étire en bavardages inutiles. C'est dommage !
excellente mise en scène et recoupements à faire avec l'époque actuelle
sublime une délectation un ravissement une finesse . quel texte ! des comédiens qui ont bonheur à dire le texte une mise en scène éblouissante. Vous l'avez compris je suis sous le charme. et c'est long 2h45 mais c'est bon.
Très bons acteurs; Décor très inventif et approprié; Langue quelquefois inutilement crue. Beaucoup trop long Grosses coupes nécessaires pour garder la puissance et l'intensité de l'ensemble Par les temps qui courent à Paris enfin du vrai théatre.
Pour 8 Notes
Trois heures sans entracte c'est vraiment trop long ! Deux premières heures de vif plaisir grâce à un groupe d'acteurs hors pair servis par un texte à la fois comique et émouvant dans un langage très actuel mais jamais vulgaire. Malheureusement la dernière heure traîne en longueur avec une intrigue qui s’essouffle et un texte qui s'étire en bavardages inutiles. C'est dommage !
excellente mise en scène et recoupements à faire avec l'époque actuelle
sublime une délectation un ravissement une finesse . quel texte ! des comédiens qui ont bonheur à dire le texte une mise en scène éblouissante. Vous l'avez compris je suis sous le charme. et c'est long 2h45 mais c'est bon.
Très bons acteurs; Décor très inventif et approprié; Langue quelquefois inutilement crue. Beaucoup trop long Grosses coupes nécessaires pour garder la puissance et l'intensité de l'ensemble Par les temps qui courent à Paris enfin du vrai théatre.
Très fin et juste.
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Une très bonne pièce, malgré le fléchissement entre les deux parties (peut-être faudrait-il une meilleure transition ?). Belle écriture (qui parfois aurait pu être un peu resserrée), contemporaine, plurielle, poétique et réaliste. L'humour dans le tragique, quoi de plus réel ? de plus vivant ? Des personnages absolument crédibles, très bons acteurs. Très beau décors (ramassé) - néons sur les cotés un peu trop éblouissants) et efficaces. Combat et lucidité, quoi de mieux ?
On est dans une pièce où l’on subit pendant 2h45 le délire de l’actualité , des sentiments humains, de la maladie ridiculisée par l’auteur, et de la mort ,destin de tout être vivant . C’est un imbroglio insipide et très mal écrit. Pauvres acteurs qui ont dus peinés pour travailler de tels roles inconsistants On nous prend pour des demeurés...
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris