Présentation
Action, Situation
Chanter
Résonances
L’espace scénique
La presse
La Compagnie du Kaïros
Pièce pour huit acteurs et un musicien. L’Association est un projet théâtral où le chant et la musique tiennent une place prépondérante.
Ils sont huit qui s'assemblent, dans un bâtiment vide, et font étalage des objets défectueux et inutiles qu'ils possèdent. Tout ce qui s'achète et tout ce qui se vend. Ils voudraient élucider le rapport muet entre les hommes et les choses, et se guérir d’eux-mêmes. Quand les mots leur manquent, il leur reste la musique, pour dire la douleur, la tristesse, l’excitation, la résignation, la colère, et passer les obstacles. Et s’associer entre eux, viveurs de catastrophes, solitaires à double face, l’une qui parle et l’autre qui chante, qui donc se démentent sans arrêt, et ne cessent d'exprimer ce qu'ils voulaient contenir.
L'action de L'Association se situe dans un lieu fixe et unique, un intérieur que l'on n'ouvre jamais sur le monde. Elle repose sur un principe de concentration dramatique absolue, renforcé encore par la situation vécue par les personnages dans la seconde partie de la pièce, condamnés à ne plus sortir. S'instaure donc un jeu radical sur l'intériorité, les personnages résolus à ne plus jamais se confronter à l'extérieur étant amenés à exprimer devant les autres les mouvements de leurs vies et de leurs pensées intimes.
C'est une jonction entre l'intime et le politique qui serait explorée ici, le discours sur soi coexistant avec la tentative de penser différentes formes d'organisation de la vie en commun, la constitution d'une société par la force des choses.
Tel serait le trajet suivi par les personnages au cours de la pièce, partis d'une action presque arrêtée, remplie de soliloques dépressifs, pathologiques ou traumatiques de victimes de la consommation, pour conduire à un acte de résistance au monde extérieur, prélude à la possibilité nouvelle, inédite, de vivre ensemble.
Le chant est pour les personnages de L'Association un mode d'expression privilégié, dans la mesure où il leur permet de contourner l'indicible, de surmonter les blocages, les réticences, les émotions qui les submergent au moment de revivre les catastrophiques accès de consommation dont ils ont été atteints.
Le chant agit, par rapport au texte du dialogue ou des nombreux récits confiés à chacun, comme une décharge émotionnelle, porteuse de tous les affects que les objets font naître ou renaître, et que la parole seule traduirait de façon moins expressive : la douleur, la tristesse, l'espoir déçu, l'excitation, la résignation, la colère. On passera par exemple d’une valse dépressive à une conga sur les méfaits du commerce suivie d’un swing obsessionnel etc. Le compositeur Charles Valade a privilégié les changements de style musical, sans jamais rompre avec des constructions très mélodiques et immédiatement identifiables, voire entêtantes.
Mais le chant, dans sa dimension d'allégresse et d'euphorie, est aussi, en retour, une part essentielle du programme éthique élaboré par le trio décidé à vivre selon les préceptes du Droit à la paresse de Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx, qui imputait au travail la totalité des dysfonctionnements de nos sociétés.
Au finale, en rupture des passages précédents qui font intervenir plutôt des voix individuelles, l'effort de résistance collectif contre les coups de boutoir du monde extérieur est porté par un chant choral unanime.
Un certain nombre de textes ont sans doute agi, directement ou indirectement, sur l'écriture de celui-ci. Il y a le souvenir d’un chapitre du Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier, ou trois orphelins édifient, le temps du deuil, un monde édénique sur la pyramide d’objets qu’on leur a laissés en héritage. Il y a aussi la profusion vertigineuse du monde punique dans Salammbô de Flaubert, et ces énumérations où les noms inouïs des choses en viennent à recouvrir complètement ce qu’ils désignent, pour former un poème presque hermétique, une invocation mystérieuse.
Les Choses de Perec (1965), ont été une autre source de rêverie : comment parvenir, à partir d’un matériau concret, à bâtir une histoire comme en filigrane, sans que jamais l'effet de personnage apparaisse de façon appuyée ou conventionnelle. Les paroles des chansons, quant à elles, doivent probablement à la poésie et au ludisme de certains textes de Boris Vian ou de Bobby Lapointe. Un film enfin, Travail au noir de Jerzy Skolimowski, disséqué attentivement avec la scénographe Alwyne de Dardel, pour observer comment on transformait un chantier livré au chaos en espace habitable.
Du début à la fin, L’Association se déroule dans un lieu fixe et immuable. On l’appellera comme on voudra : salle de réunion, hangar, entrepôt, chantier. Il s’agit d’un endroit qui, théâtralement, ne désigne rien d’autre que lui-même : un espace où l’on peut se réunir à plusieurs et où l’on entrepose un grand nombre d’objets, ce qui pourrait être aussi une définition minimale de la scène de théâtre. L’important est que ce lieu soit comme suspendu entre deux états : plus tout à fait en friche, mais pas encore tout à fait aménagé. Et ses réagencements se déroulent, à vue, sous le regard des spectateurs dans le présent de la pièce. L’histoire de L’Association, c’est peut-être avant tout l’histoire d’un lieu, peuplé par des personnes qui, voulant l’habiter, ne cessent de le modifier, d’en changer la forme, de l’architecturer.
" Il y a dans cette oeuvre écrite d'une main légère et allusive, des trésors d'imagination vagabonde, qui laissent passer, par bouffées, des courants d'air politiques sur la division du travail, le sens d'une communauté désoeuvrée, la marge s'inscrivant hors des colonnes chiffrées du profil. " Jean-Pierre Léonardini - L'Humanité
" L'Association, deuxième spectacle du jeune David Lescot qui, signe texte et mise en scène (sur une musique de Charles Valade) pour une bande d'acteurs pleins d'allant, est une comédie musicale matérialiste qui revendique un héritage croisé de Boris Vian et de Georges Perec. " Maïa Bouteillet - Libération
" L'Association de David Lescot, avec son univers bricolé, capte l'œil et l'oreille. (...) Cette association attire l'attention d'une manière presque involontaire, tant elle est improbable, incongrue et oublieuse. " Brigitte Salino - Le Monde
La Compagnie du Kaïros a été fondée en août 2001 à partir d’un noyau d’artistes dont le travail remonte à 1997. Les Conspirateurs, écrits et mis en scène par David Lescot, première réalisation de cette troupe portant à l’époque le nom des Dérailleurs, eut lieu sous forme de maquette au Théâtre des Cinquante à Paris, en juin 1998, puis suivit la création en janvier 1999 au Théâtre International de Langue Française (Paris, Parc de la Villette), dirigé par Gabriel Garran. La pièce fit ensuite l’objet d’une réalisation radiophonique de Michel Sidoroff pour France Culture, diffusée en janvier 2001.
La musique et le chant constituent une partie de l’identité du groupe réuni pour L’Association. Tous, du compositeur Charles Valade aux huit comédiens, ont participé au précédent spectacle, Les Conspirateurs, que ce soit lors de sa création au TILF en 1999 ou lors de sa réalisation pour France Culture en janvier 2001. Le chant faisait déjà partie intégrante des Conspirateurs, non pas sous la forme d’intermèdes mais comme moteur et dynamique même de l’action dramatique.
L’activité de La Compagnie du Kaïros repose donc sur la création des textes originaux de David Lescot, de la musique de Charles Valade, à l’intention d’un noyau de huit acteurs susceptible de s’élargir à l’avenir. Un prochain texte est en cours d’écriture : Revue (La Douceur de la guerre), sorte de revue de music-hall prenant pour sujet les guerres d’Italie du XVe siècle, et les combats « sans violence » dont on dit qu’ils furent inventés par les condottieri à la solde des Etats transalpins.
La Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvres 75012 Paris
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
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