Quelques semaines avant la mort de Staline, le directeur de l’Hôpital central des Malades mentaux invite un écrivain à séjourner parmi les "malades" et lui demande de réécrire, au niveau d’entendement de débiles légers, moyens et profonds, l’histoire du communisme et de la Révolution d’Octobre. Il est persuadé que cette "thérapie" pourrait guérir certains de ses pensionnaires...
Matei Visniec avec cet humour propre aux artistes ayant vécu sous un régime totalitaire, nous plonge dans l’univers de ces hôpitaux psychiatriques où se côtoient vrais malades et opposants internés par le régime. Il nous démontre une fois de plus que, quelles que soient les circonstances, l’homme ne peut vivre sans utopie... au risque de sombrer dans l’horreur lorsqu’il tente de les mettre en pratique. Mais avec un ressort comique extraordinaire, c’est par le rire que le dramaturge nous attrape d’abord, un rire salvateur, essentiel.
« Vous comprenez, cher Iouri Petrovski, personne ne doit rester en dehors de la lumière de l’art et de la littérature. Notre conception scientifique de la société dit que l’homme est au centre de l’attention du parti. Et l’art, la littérature, ont un rôle immense dans la transformation de l’homme, c’est pour ça que je me pose la question : et les malades mentaux ? Ne sont-ils pas, eux aussi, des hommes ? Ne doit-on pas les transformer, eux aussi ? Ne devraient-ils pas bénéficier eux aussi, des bienfaits de l’art et de la littérature ? » (Extrait)
C’est la rencontre avec des textes, des auteurs en résonance avec ses propres questionnements sur le monde et ceux qui le font (ou le défont) qui détermine les choix de la Cie. Après Le triomphe de l'amour où demain se construisait en réaction aux vieux dogmes, aux mensonges établis, la question de l’héritage et ce que l’on en fait se pose à nouveau. Avec le texte de Matéi Visniec, on revient à aujourd’hui et toujours cette question sur la pensée, le dogme, ici pourrissants et impérativement par tous maintenus dans le mensonge.
L’auteur révèle d’une certaine façon notre situation idéologique actuelle. En posant l’objectif sur un hôpital psychiatrique à la fin du règne de Staline, c’est l’absurdité du système qui surgit et c’est l’homme occidental englué dans ce quelque chose de finissant, d’abîmé, englué dans sa déception incontestable face à un certain socle idéologique qui nous est pointé…
Qui est fou ? L’homme sous l’emprise du dogme et de la hiérarchie, les fous qui s’inventent d’autres histoires, les fous résistants, ou le dominateur ? Nous voulons donner à cette fresque historico - politique sur la censure et la peur, une forme concentrée, comme si nous nous mettions en laboratoire pour arriver sur nos aliénations collectives et nos mensonges politiques. Ouvrir la question sur ce qu’il en reste de nos idéologies optimistes, sur ce qu’il en est de la manipulation des masses aliénées. Une Grande comédie quoi !
Avec une trentaine de personnages et cinq acteurs, le travail va s’articuler autour d’une choralité sans cesse réinventée, bousculée et inventive. L’acteur sera ici autant sur le champ de l’incarnation, de la fiction, du travail de chœur que de la recherche d’une intériorité sensible et sincère. C’est à l’endroit de la « nudité » du jeu par exemple que nous chercherons à nous approcher d’une certaine représentation de la folie.
L’image et la vidéo seront utilisées en tant qu’outils de manipulation et de surveillance, outils reliés aussi bien au milieu psychiatrique qu’au langage politique : ainsi la télévision, comme meuble banal faisant partie de l’univers des malades ou comme moniteur de surveillance, ainsi la caméra de contrôle omniprésente.
Cendre Chassanne
22, rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart
Voiture : périphérique sortir Porte de Châtillon puis Départementale 306 suivre le fléchage Clamart et Centre Culturel Jean Arp.