Présentation
Un mot du metteur en scène
The Lonesome West ( L’Ouest solitaire) est l’une des cinq pièces que ce jeune auteur âgé de trente ans a publiées. Martin McDonagh est né de parents irlandais et a grandi dans le sud de Londres. C’est pendant les vacances qu’il passait dans sa famille en Irlande, qu’il a nourri son inspiration. C’est là, en écoutant ses oncles et ses tantes, qu’il s’est familiarisé avec le parler et les mœurs de l’Ouest irlandais. Ses cinq pièces ont toutes été jouées récemment en Irlande, à Londres, à New York et dans de nombreuses villes des Etats-Unis (notamment Philadelphie et Los Angeles).
L’Ouest Solitaire fait partie de La Trilogie du Connemara qui comprend également La Reine de beauté de Leenane et Le Crâne de Connemara. Créé en 1997 à Galway au Town Hall Theater par le Druid Theatrer Compagny / Royal Court Theater, L’Ouest solitaire a été joué à Dublin, repris à Londres au Royal Court Theater puis à New York où la pièce a été nommée pour quatre Tony Awards (dont celui de la meilleure pièce de l’année 2000).
Martin McDonagh a été auteur résident au Royal National Theater en 1995-1996.
Il a obtenu de nombreuses récompenses dont le prix de l’Evening Standard pour l’auteur le plus prometteur de l’année 1996. La Trilogie du Connemara a été montée récemment en flamand et La Reine de beauté de Leenane a été jouée en français au Théâtre Varia de Bruxelles, dans une mise en scène de Michel Dezoteux.
La pièce est une clownerie noire, acide et grotesque, un drame rural qui met en scène les effets dévastateurs que produit sur les hommes l’absence des femmes.
Dans l’environnement moral archaïque de l’Ouest irlandais, dans un monde où le célibat reste le mode de vie le plus fréquent et où les hommes restent parfois vierges jusqu’à leur mort, la pièce raconte la haine féroce qu’éprouvent deux frères l’un pour l’autre. Une haine infantile qui leur empoisonne l’existence, tout en étant pour eux une raison de vivre.
Un jeune curé, Roderick Welsh, devenu alcoolique tant la paroisse dont il a la charge dépasse en perversion et en sordide tout ce qu’on peut imaginer (incestes, meurtres et suicides y sont monnaie courante), consacre le peu de foi qui lui reste à essayer de réconcilier les deux frères. Il pousse son idiotie (au sens de celle du prince Mychkine) jusqu’à se suicider pour cette réconciliation. Nos deux frères feront ce qu’ils peuvent mais la haine sera la plus forte, tant elle est devenue pour eux la seule manière de s’aimer.
Un quatrième personnage, lumineux celui-là, est le témoin radieux de cette farce en grand deuil. Il s’agit d’une belle et fine jeune fille, Girleen. Insolente, provocante et rieuse, elle est l’autre, la femme, la fameuse (l’affameuse comme dit l’autre), celle qui leur manque à tous pour se cogner aux autres plutôt qu’à eux-mêmes, pour choisir la vie plutôt que la haine et la mort.
Cette pièce très forte et ce qui ne gâte rien très drôle, doit être montée vive, cruelle et insolente. Elle se moque avec virulence de tout ce qui nous pousse à nous replier sur nous-mêmes : l’obsession identitaire, les dogmes religieux, la peur de perdre, la peur d’oser, fût-ce au risque de se perdre. En un mot, tout ce qui nous enferme dans notre carapace nous évite de vivre et nous « protège » du désir. La mécanique infernale des dialogues démonte de façon magistrale, le fonctionnement de la haine. Cette haine qui dans le sinistre chaos que nous traversons, semble hélas avoir aujourd’hui pris le dessus.
Bernard Bloch - novembre 2001
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