L'Établi, ce titre désigne d'abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s'embauchaient, « s'établissaient » dans les usines ou les docks. Celui qui parle ici a passé une année, comme O.S.2, dans l'usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c'est, pour un Français ou un immigré, d'être ouvrier dans une grande entreprise parisienne.
Mais L'Établi, c'est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu'elles passent au montage. Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l'intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les « rapports de production ».
Un triple-anniversaire : les 50 ans de mai 68, les 40 ans de la sortie de L'Établi, et plus modestement les 25 ans de la Compagnie du Berger, donneront lieu à toute une série de rencontres, de débats, d’ateliers et d’expo…
« En pleine commémoration de mai 68, porter ce texte magnifique sur scène, quelle bonne idée ! (...) S'en emparant, le metteur en scène Olivier Mellor a mis le paquet : dix comédiens, quater musiciens, un décor industriel de portiques en acier dont la chute spectaculaire sing chaque nouvel acte, du boucan et du mouvement sans cesse... » Jean-Luc Porquet, Le canard enchaîné, 13 juin 2018
« Olivier Mellor adapte pour la scène le texte de Robert Linhart, sociologue et militant établi à l’usine Citroën de Choisy dans la foulée de Mai 1968. Un éclairage fondamental sur la condition ouvrière et les relations hiérarchiques. » Agnès Santi, La Terrasse, 15 juin 2018
L'Établi est une épopée. Quatre mois intenses d’immersion. D’autres mois pour digérer, et écrire. Puis le silence, des années durant.
Se souvenir du bruit, même en dormant. Les gestes répétés, les paroles d’ouvriers, et la solitude, la saleté, le pognon et tout le reste. Paris, ses banlieues toutes neuves, et l’avènement d’une société de loisirs. Après mai 68, que Robert Linhart a passé à l’hôpital, les pavés sont retombés et il a fallu retranscrire, réfléchir, proposer cette autre société. Il a fallu rapprocher les générations, les cultures. Et le « vivre ensemble » s’est construit sur les ruines de mai 68.
De l’Université Paris-Vincennes - dont la fille de Robert Linhart, Virginie, a tiré un documentaire édifiant - à l’émergence d’un nouveau cinéma, démocratisé, et de formes théâtrales innovantes (les débuts de la Cartoucherie, de la décentralisation, la naissance des Maison de la Culture, comme celle d’Amiens, inaugurée par André Malraux), le monde ouvrier et ses enfants accèdent peu à peu à une instruction alternative, et trouvent dans les fanzines d’humour ou autres cahiers étudiants (comme celui que fonde Robert Linhart à Ulm) comme un prolongement énervé des pensées à chaud, de la parole de la rue. Pas de récupération. Une écriture radicale. Des vraies manifs.
Dans le creuset d’émotions que suscite mai 68 et la décennie qui va suivre, il y a aussi beaucoup d’espoirs, dont certains sont déçus aujourd’hui.
Robert Linhart est un mystère. Un écrivain qui a vécu de l’intérieur et retranscrit cette période et l’engagement singulier des « établis ». Son roman, qui lorgne aussi vers l’essai économique et sociologique, est une photographie toujours juste des luttes ouvrières, et pose un regard jamais égalé sur la dualité des sentiments dits de « classes ». C’est le livre ultime, qui rassemble autant qu’il divise, et que même son propre auteur rechigne à évoquer. C’est un bouquin sur la vraie vie des vrais gens, ceux de la grande couronne autour de Paris : les immigrés, noirs, arabes, portugais, polonais, qui cohabitent avec des titis parigots, et qui parlent de leur pays, et du nôtre, de leur époque, comme de la nôtre.
Cinquante ans après les choses ont changé. Il nous appartient de rendre compte d’une époque passée, révolue, hésitante, dans une époque résignée, plombée par des années d’expérience du capitalisme.
Sur scène, il y aura ce narrateur. Sept ou huit acteurs, pour l’aider à (se) jouer (de) tous les autres : les ouvriers, les petits patrons, la société. Quelques archives et beaucoup de matière sonore, autour de la musique de Toskano et Vadim Vernay, qui sera jouée live. Comme un bruit de fond, persistant, qui empêche la concentration, qui mine le recul nécessaire pour ne pas devenir fou, usé, obsolète. A travers des projections de photos, de documents d’époque, de vidéos subjectives, nous aborderons L'Établi comme un terrain à explorer, avec le souci constant de ne pas nous positionner avec ce recul arrangeant, aujourd’hui vieux de quarante ans, qui pourrait dogmatiser le propos. Respecter le rythme de l’époque, propre au sociologue dissimulé. Il faut vivre le spectacle comme quatre mois de questionnements et d’étonnements, jour après jour, comme un tunnel d’expériences humaines, avec les machines, avec les horaires, le rendement et la cadence.
La musique nous aidera à boucler ce périple en terrain inconnu, pour opposer au silence de Robert Linhart une pulsation de Spoutnik, industrielle, persistante et familière.
Un beau texte mis en scène avec inventivité et gravité. De l'imagination, des acteurs de qualité. Mérite le déplacement
Très belle adaptation. 1:30 dans l atelier, à l usine, avec les bruits, les odeurs, les gestes. On est pris par l histoire de ces gens qui se battent contre un système qui les broient. On ne s ennuie pas une minute. Et on en ressort forcément sous le choc ! Merci !!!!
Pour 2 Notes
Un beau texte mis en scène avec inventivité et gravité. De l'imagination, des acteurs de qualité. Mérite le déplacement
Très belle adaptation. 1:30 dans l atelier, à l usine, avec les bruits, les odeurs, les gestes. On est pris par l histoire de ces gens qui se battent contre un système qui les broient. On ne s ennuie pas une minute. Et on en ressort forcément sous le choc ! Merci !!!!
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking : Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.