D’abord, l’imposante minéralité d’un haut morceau de poussière, colonne de lave sèche perçant du dedans la surface du monde. Puis il deviendra évident que l’une des extrémités de cette colonne n’est ni pétrifiée, ni muette. Comme elle bruit, comme elle respire ! C’est qu’un homme se trouve en haut de la colonne, à bon nombre de centimètres au dessus de la terre, les chevilles enlisées dans le minéral !
Mais il n’est pas prisonnier : l’axe qui descend de sa petite fontanelle et le long de ses vertèbres se poursuit au cœur de la pierre. L’homme en est la moelle autant qu’elle le transperce.
Cet homme, c’est le chanteur et ethnomusicologue breton Yann-Fañch Kemener. De sa « voix d’or », il parlera et chantera des mots écrits pour lui par Jean Lambert-wild, des mots qui seront l’aboutissement d’une entreprise alchimique d’alliage, d’or et de chair, de moelle et de magma. Au cœur de ce chant, on pourra entendre le pas d’hommes, de femmes, qui ont marché, dansé. L’homme voudra danser à son tour, mais comme il ne peut libérer ses pieds de la pierre, anachorète ancré, il transmettra cette ondulation à ceux de ses membres qui sont libres.
Et lors il oscillera, entre chant et parole, oscillera entre la caresse et la gifle, oscillera tant et encore qu’il se mettra à tourner sur lui-même, vite, de plus en plus vite, derviche absorbé dans la contemplation de ses propres paroles.
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