Présentation
La Bernarda Alba de Federico
« Prends ceci au cas où il m'arriverait quelque chose … »
Les Ménines
Le noir du deuil
Espace de mort
Le cri et le silence
La traduction
L’absent
La mort
Des femmes pleines de vie et de passion se déchirent jusqu’à la mort pour un homme qui n’apparaît jamais sur scène, et devient de ce fait un mythe, une illusion, un silence dans la nuit. Cet homme, qui jamais ne se montre au grand jour, n’est-il pas le signe avant-coureur des commandos de la mort agissant dans l’obscurité ?
Par la Troupe de l'Epée de Bois.
« Le fil et l’aiguille pour la femme, le fouet pour l’homme »
Ces femmes qui ont vu le jour à Grenade, et dont le Poète fait, quelques mois avant sa mort, les héroïnes de sa pièce, parlent-elles le langage des miliciennes qui défendaient armes à la main la République ? Ou bien les propos qu’elles tiennent ne sont-ils que le reflet d’un ordre créé par les hommes pour défendre les hommes ?
Si nous pensons que Lorca a voulu dénoncer la toute-puissance masculine qui a su faire des femmes les instruments de leur propre oppression, alors nous pouvons voir que les personnages de sa pièce sont faits à l’image du monstre qui somnolait dans la poitrine des militaires fratricides. Bernarda pourrait être de ces femmes qui auraient poussé tout le village à lapider Lorca parce qu’il était homosexuel. Les bourreaux en uniforme ne se sont-ils pas vantés d’avoir achevé le Poète en lui envoyant une balle « au lieu de son péché » ?
Il nous est donc venu à l’esprit que dans cette pièce, Lorca n’a pas voulu dépeindre les femmes, mais des êtres à l’âme et au corps pervertis par des principes que la Bible elle-même nous enseigne : «Eve», la première femme, symbolisant le mal, il faut, à tout prix, réprimer le démon qu’elle abrite.
A.D.F.
Avant de partir pour Grenade, en juillet 1936, Federico García Lorca glissait dans la poche de son ami Nadal les pages d’un manuscrit en lui disant : « Prends ceci au cas où il m’arriverait quelque chose ».
À cette époque, les passions politiques étaient exacerbées : attentats, assassinats, complots, grèves se succédaient, émanant de la droite comme de la gauche. Lorca avait décidé d’aller rejoindre sa famille à Grenade, ville pourtant menacée par les militaires révoltés. Il venait de mettre le point final à une nouvelle pièce, La maison de Bernarda Alba, qu’il avait lue en présence de ses amis, au mois de juin.
Deux mois plus tard, le 18 août, il était exécuté par les nationalistes, et Nadal découvrait, bouleversé, que le manuscrit renfermait l’ultime chef-d’œuvre de son ami.
M.V.
« Le masque te pendra par les tripes »
Comment représenter alors ces personnages ? Les hommes, bien avant notre civilisation gréco-latine, ont eu recours aux masques pour évoquer les dieux et les démons. Nous avons donc, nous aussi, adopté le « masque » pour représenter nos démons.
Ces masques prennent ici l’allure de corps difformes, ceux des naines, mais non pas pour laisser entendre que ceux qui ne sont pas constitués « normalement » représentent le Mal. Si nous sommes allés chercher nos « masques » parmi les Menines de Velasquez et les Nains et Naines de Goya, c’est que nous espérions montrer de manière plus évidente les horreurs que les hommes ont su semer dans la tête de certaines femmes.
« Pendant les neuf ans que durera le deuil »
Au commencement de la pièce est la mort : le deuxième mari de Bernarda vient de décéder. Elle s’achève de même par la mort, celle d’Adela, la plus jeune des filles de Bernarda, celle qui a osé se révolter contre l’ordre établi par les hommes.
Le noir est donc la seule couleur que l’on verra tout au long du spectacle. Les costumes seront ceux du deuil. Bernarda impose le deuil à ses filles pour maintenir la présence de la mort dans sa maison. Elle y réussira parfaitement, puisque après son premier, puis son second mari, c’est sa plus jeune fille que la mort emportera.
« Je ne veux pas mourir enfermée entre ces quatre murs »
L’espace scénique pourrait signifier une chambre mortuaire. Une plate-forme en bois, surélevée par quatre pieds qui l’isolent du sol. Un tapis posé sur ce plancher, et une « jalousie », qui sépare les femmes du reste du monde.
Trois chandeliers posés à même la plate-forme, portant des bougies noires, éclaireront cette chambre où, quelques instants plus tôt, l’on veillait un mort et d’où, quelques heures plus tard, Adela sortira pour aller se pendre.
« Silence, je ne veux pas de larmes. Silence ! »
Avant le calme, il a fallu la tempête. Bernarda a l’art de semer la haine entre ses filles pour mieux imposer son ordre, celui du silence ; ce même silence qui allait s’installer en Espagne pendant presque un demi-siècle, une fois tous les « rouges » sous terre, ou jetés hors du pays qui les avait vus naître.
Le premier mot que prononce Bernarda est « silence », c’est aussi son dernier mot. Elle ne pourra pourtant pas faire taire la passion amoureuse qui bout dans le cœur de ses filles.
Le rythme du spectacle n’est plus alors qu’une suite de cris et de chuchotements, une alternance de violence et de calme, de larmes et de rires, de soleil et d’ombre. Le Poète est, pour nous, un musicien des mots, un parfait accordeur des sons et des silences.
« Je crois, mère, qu’il me cache quelque chose. »
Traduire Lorca est et restera toujours un travail approximatif. Il s’agit d’essayer de donner au spectateur un aperçu de l’immense richesse que renferme chacun des mots du Poète.
Seules, la situation dramatique, la passion des comédiennes et l’énergie qu’elles dégagent pourront combler les manques dont notre traduction souffre à coup sûr. Elle n’a d’ailleurs aucune prétention universitaire, et est strictement adaptée et réservée au montage de la pièce.
« Pepe el Romano vous dévorera toutes. »
Nous voyons donc ces femmes pleines de vie et de passion se déchirer jusqu’à la mort pour un homme qui, du fait qu’il n’apparaît jamais sur scène, devient un mythe, un rêve, une illusion, un silence dans la nuit.
Pepe el Romano est-il un dieu, un fantôme, ou tout simplement l’Ange Exterminateur ? Lorca ne donne pas corps à ce personnage, qui est pourtant présent tout au long de la pièce.
Est-ce le fascisme qui, tel la peste, s’abattait sur la République ? Cet homme qui, ne se montrant jamais au grand jour, ne rend visite aux filles de Bernarda que la nuit, n’est-il pas le signe avant-coureur des commandos de la mort agissant dans l’obscurité ? Ceux-là même qui vinrent enlever Lorca de la maison des Rosales et qui, au petit matin, allèrent le fusiller ?
« Ma fille est morte vierge »
La Maison de Bernarda Alba fut écrite très peu de temps avant que le Poète ne soit assassiné. Nous avons donc voulu voir dans cette pièce son testament dramatique.
En cherchant dans les mots des personnages les dernières paroles du Poète, ce texte, trop souvent jugé par ailleurs comme « folklorique », prend tout à coup une allure prémonitoire, révèle une sagesse qui dépasse la simple fable andalouse et rend le propos de Lorca universel.
Le cri de liberté poussé par Adela, et qui va lui coûter la vie, n’est-il pas le cri de tous les opprimés de la terre ? La vie et la mort, la liberté et l’oppression ne sont-elles pas, hélas, les deux faces de la guerre qui ensanglanta l’Espagne de Lorca, et peut-être aussi notre monde aujourd’hui ?
Une pièce de théâtre forte en émotions. Une mise en scène originale, et très belle esthétiquement. Un jeu tout en violence, qui nous fait passer du rire aux larmes. Un spectacle à voir absolument !!!!!!
Une pièce de théâtre forte en émotions. Une mise en scène originale, et très belle esthétiquement. Un jeu tout en violence, qui nous fait passer du rire aux larmes. Un spectacle à voir absolument !!!!!!
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking : Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.