Spectacle est Coup de Coeur du Printemps des Poètes 2003
Une femme se souvient des peurs et des espoirs de son enfance. Elle a été élevée par sa grand-mère dans le souvenir de son grand-père, disparu pendant la deuxième guerre mondiale. L'enfant, qu'elle était alors, confondait presque naturellement les trois visages de l'homme: la silhouette sans doute embellie du jeune amoureux de vingt ans, l'image plus ronde et plus austère de l'époux vingt-cinq ans plus tard et enfin le pantin squelettique qu'il était devenu en camp de concentration.
Et cette confusion engendre chez la fillette de graves perturbations, comme une énorme difficulté à identifier la réalité, associée à une forme d'anorexie. L'inévitable poids du passé ressassé par la veuve de guerre, le culte incessant du disparu et le fantôme du déporté qui hante ses cauchemars d'enfant, entravent sa construction physique et psychique de jeune fille. La femme (libérée, au moins partiellement) fait de sa grand-mère une peinture complexe, à la fois touchante et acerbe. Touchante par le souvenir de la souffrance commune et des joies partagées. Acerbe dans sa critique de son refus de l'évidence et de son obsession à espérer encore un improbable retour.
On entre dans cette pensée avec la volonté de comprendre, on en ressort avec l'étrange sensation d'avoir rassemblé toutes les clefs mais de ne plus savoir où se situe la porte que l'on cherchait à ouvrir. Le labyrinthe de la mémoire croise les chemins de l'amnésie.
Cette pièce est lauréate du concours d’écriture théâtrale de Sartrouville 2001 catégorie « Ecrire contre l’oubli – la violation des droits humains » parrainée par Amnesty International.
Il faut signaler deux choses très importantes sur le texte :
Il s’agit d’un monologue à plusieurs voix. Un seul personnage incarne successivement sa grand-mère, son grand père et elle-même à différents âges (enfants, jeune fille et adulte).
Le style d’écriture est particulier ; pour le qualifier ‘réalisme poétique’ serait un bon raccourci. Gilles Boulan impressionniste, sans négliger d’y tracer les lignes de force de la perspective de l’histoire.
3, rue Clavel 75019 Paris