Tout public dès 8 ans.
Superbarrio a réellement existé. Il a jailli des décombres de Mexico après le terrible tremblement de terre de 1985. C’est un ouvrier, ancien champion de lucha libre (le catch mexicain). Le visage masqué, en combinaison rouge et cape jaune, il défend les droits des sans-abri, tel un Zorro des faubourgs populaires.
Cela se passe la nuit, dans les coulisses de la lutte. Autour de Superbarrio, gravite une ronde de personnages : sa soeur, un cousin policier, un ange tombé du ciel, une stripteaseuse, un travesti, un jeteur de sort, une femme d’affaires… Certains le soutiennent, d’autres le combattent. Les fils de la vie privée et de la vie publique s’entremêlent. Superbarrio doute de lui-‐même puis se ressaisit. Il renonce néanmoins à toute ambition politique au profit de l'action de terrain.
Superbarrio n’est pas Superman. Il est de ces « indignés » qui luttent à mains nues, dans un combat joyeux et résolu, contre l'idée même du destin.
Dans toutes les villes du monde, le droit au logement devient un enjeu majeur et dessine la ligne de front entre riches et pauvres. Aujourd’hui, au Maroc, poussent, en l’espace d’une nuit, et jusqu’à cinquante kilomètres autour des villes, des « quartiers clandos », dont les habitants n’ont pas même les moyens de se loger dans des bidonvilles. À Paris, on ne s’étonne plus de circuler en voiture à quelques mètres de ces campements miteux qui bordent le périphérique… Superbarrio est un héros emblématique de cette lutte.
Bien sûr, le contexte du tremblement de terre est particulièrement dramatique. Mais nos sociétés ne sont-elles pas, chaque jour, secouées par des séismes de toutes natures ? Ce qui m’a intéressé, au-delà de cette question du droit au logement, c’est la posture de résistance que Superbarrio adopte face à toutes les sollicitations qui se présentent à lui. On dirait de lui, aujourd’hui, qu’il est « un indigné ». Dans ce monde où l’histoire semble écrite à l’avance, il est de ceux qui n’acceptent pas qu’on lui dicte sa vie. Il lutte à mains nues contre l’idée même du destin.
Pourtant, Superbarrio n’est pas Superman. C’est presque un homme ordinaire. Il ne veut pas renverser le système capitaliste. Du moins, ne l’annonce-t-il pas. Il veut reconstruire son quartier. C’est un pragmatique, un empêcheur de spéculer en rond. C’est d’ailleurs cela qui le rend dangereux aux yeux du pouvoir. Pour moi, la question essentielle a été de comprendre quel homme se cache derrière ce masque de clown magnifique. Pour que le masque tombe, j’ai inventé des personnages qui le font douter de lui-même et du bien-fondé de son action, mais qui sont euxmêmes ébranlés dans leurs certitudes. Chacun d’eux représente une part du monde. Chacun d’eux essaie de l’attirer sur son territoire.
Cela se passe exclusivement la nuit, ce temps de tous les rêves, ce temps où l’on pourrait croire qu’un homme vaut un autre homme. Dans ce désir de nuit, il y a aussi l’envie de raconter l’envers des choses, de révéler les petites histoires qui se cachent derrière la grande Histoire. On se situe dans la coulisse, là où l’acteur se concentre, là où il avoue sa peur.
Pour moi, cette histoire ne pouvait pas être totalement réaliste. Il me fallait contrebalancer l’univers minable et douloureux qui lui tient lieu de décor. Et puis, nous sommes au Mexique, terre de rêves et de magie, terre des civilisations englouties aztèque et maya, lieu privilégié du mystère et du conte. Un Mexique de contrastes, entre embrasement spectaculaire du piment et endormissement douceâtre du chocolat. L’endroit où « l’ancien » et le « nouveau » mondes se sont affrontés avec une violence inouïe, et où déjà la foi, l’ordre et la morale servaient d’alibi au pillage des richesses et à la domination par la force. Il avait été prédit aux indiens que des conquérants viendraient de la mer pour les assujettir. Cela explique en grande partie la faible résistance qu’ils opposèrent aux Conquistadores espagnols : la prophétie indienne s’accomplissait. Cinq cents ans après, Superbarrio s’inscrit en faux contre cette malédiction. Pour lui, rien n’est inéluctable. Une de ses premières actions est d’interdire à un homme qu’il rencontre par hasard de se suicider. Il mène un combat résolu contre toutes les morts annoncées.
Superbarrio ne sauvera pas le monde mais il peut nous indiquer le chemin. Pour lui, le monde a été fait à la va-vite. Il faut sans cesse le rafistoler, le réinventer. Comme lui, je ne crois pas aux grands bouleversements. Je crois aux petites réparations.
Jacques Hadjaje
Très beau récit sur une réalité qui n'est pas exclusif au Mexique. Les acteurs sont superbes dans leurs rôles et la mise en scène très fluide, toute dans le sens de l'histoire. Un cri ouvert sur des sujets hélas toujours d'actualité. Ne ratez surtout pas qui est au Théâtre 13 jusqu'au 17 avril !
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Très beau récit sur une réalité qui n'est pas exclusif au Mexique. Les acteurs sont superbes dans leurs rôles et la mise en scène très fluide, toute dans le sens de l'histoire. Un cri ouvert sur des sujets hélas toujours d'actualité. Ne ratez surtout pas qui est au Théâtre 13 jusqu'au 17 avril !
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