Azeddine Benamara, ancien élève de l’EpsAd et un temps membre du collectif d’acteurs du Théâtre du Nord, a souhaité s’emparer du souffle organique, animal et nocturne, de ce monologue de jeunesse de Bernard-Marie Koltès où déjà, préfigurant Dans la Solitude des champs de coton, l’expectoration lyrique le dispute à la trivialité du quotidien.
En dialogue avec un musicien, il évolue sur le grand plateau nu comme dans une ville déserte ou un terrain vague, sous le regard exigeant d’Éric Castex, autre acteur familier du public du Théâtre du Nord.
Le jeune homme que fait parler Koltès, jeune frère de Rimbaud et de Genet, tente de retenir, en usant de tous les mots dont il dispose, un inconnu qu’il a abordé dans la rue un soir où il était seul, seul à en mourir. Il parle, il parle aussi frénétiquement qu’il ferait l’amour, il crie son univers : un univers nocturne où il est l’étranger, l’orphelin, et qu’il fuit en se cognant partout dans sa difficulté d’être et sa fureur de vivre.
Cette parole adressée un soir dans l’urgence à un inconnu est un intéressant phénomène explosif.
C’est dans l’agencement d’une réplique à l’autre, et des phrases et des mots à l’intérieur d’une même réplique, que se découvre un jeu tout à fait singulier des passions et des idées, des pulsions fugitives et des grands thèmes universels, à partir duquel une histoire se raconte, des personnages se constituent, des espaces se délimitent et se croisent, des passés et des avenirs entrent en collision ou fusionnent. Un présent s’impose, fait de toutes les situations humaines et de tous les mouvements de l’âme. « C’est le présent théâtral même, c’est le théâtre », écrit Michel Vinaver.
Éric Castex
19, rue des Champs 59200 Tourcoing